DE L'UMP À L'EXTRÊME GAUCHE, presque tous les commentaires mettaient en avant la dignité de l'intervention de M. Chirac. Bien entendu, du PS au PC, de nombreuses critiques sur le « temps perdu » et les divers échecs du président de la République ont été formulées. Mais personne n'a battu en cruauté, en hargne, en agressivité et en médisance les propos de Jean-Marie Le Pen. Sa réaction, toute d'intolérance, en dit long sur le personnage s'il fallait encore lui trouver une once d'indulgence. Sa haine de Chirac est immense, et il n'a pas réussi à cacher la passion destructrice qui l'habite. On en reste horrifié ; non qu'il n'y ait pas eu dans son discours sur TF1 ce que n'importe qui d'autre pouvait dire, pour peu que cet autre s'inscrivît dans une opposition déterminée au président ; mais M. Le Pen n'a même pas compris que ce n'était pas le moment de faire le procès d'un homme qui a occupé la magistrature suprême pendant douze ans, qui n'a pas caché son émotion et son sincère attachement à la France et aux Français et se contentait de prendre congé. M. Le Pen ne sait pas qu'on ne tire pas sur les ambulances ; et si sa fille a pour mission de nous le présenter sous un jour plus humain, eh bien, c'est raté.
Le bilan et les promesses.
Le président de la République, qui a tout de même écrabouillé M. Le Pen par 82 % des voix – et c'est sans doute ce que le président du Front national ne lui pardonne pas –, ne s'est situé, à aucun moment de son bref discours, dans une perspective de combat politique. Certes, il estime avoir fait beaucoup pour le pays, mais il serait curieux qu'un président s'en aille en se battant la coulpe ; il a au moins l'avantage de pouvoir présenter un bilan avec la colonne de l'actif et celle du passif quand ses censeurs ne peuvent que multiplier les promesses à l'infini.
Qu'ils aient exercé le pouvoir ne les disqualifie pas moins, tous tant qu'ils sont, que le président ; et s'ils ne l'ont pas exercé, qu'ils nous montrent d'abord comment ils réagissent aux crises, aux émeutes, aux grèves paralysantes et aux manifestations. On ne peut vraiment se tromper que si on a travaillé ; il est facile d'insulter celui qui se trompe quand on se situe soi-même dans la position inaccessible et confortable de Sirius.
Jacques Chirac a lancé beaucoup de réformes, qui demeurent souvent inachevées, et il ne les a pas toutes faites. Il a commis des erreurs impardonnables, comme la dissolution en 1997, qui a offert à la gauche un mandat de cinq ans coïncidant avec une période de croissance. Il a accepté de cohabiter, comme Mitterrand, à la différence près qu'il était censé obéir à la lettre du gaullisme. Aurait-on vu de Gaulle cohabiter ? Il a très mal défendu l'Europe. Son combat contre le chômage a été tardif, même s'il a produit des résultats. Et la France est dans un état beaucoup plus dégradé qu'en 1995. Il laisse un peuple qui doute de lui-même et ne sait même pas quelle méthode de gestion il doit choisir.
Tout le monde s'accorde à louer sa politique étrangère, notamment son courage et sa préscience dans la crise avec l'Irak ; mais il aurait pu adopter la même politique sans ouvrir avec les Etats-Unis une crise qui a créé outre-Atlantique une aversion pour la France qui ne s'est pas encore tout à fait dissipée.
IL SERAIT CURIEUX QU'UN PRESIDENT S'EN AILLE EN SE BATTANT LA COULPE
Un temps pour dire adieu. Il était évident que le président de la République n'allait pas, dimanche, mélanger les genres et désigner un dauphin le jour où il annonçait sa retraite. Il y a un temps pour dire adieu ; il y a un temps pour nommer un successeur, pour autant que le suffrage universel soit compatible avec les desiderata du chef de l'Etat. Nicolas Sarkozy, si c'est lui, déclare qu'il a besoin du soutien de M. Chirac après avoir multiplié les querelles avec lui, et pas des moindres. Dans la certitude que l'on a désormais que M. Chirac s'en va de façon irrévocable, on mesure combien l'affaire Clearstream, les disputes homériques entre Nicolas Sarkozy et Dominique de Villepin, les contre-candidatures envisagées à l'UMP, depuis le Premier ministre jusqu'à la ministre de la Défense, sans compter les spéculations sur une candidature de M. Chirac, combien toutes ces péripéties étaient inutiles et absurdes, sans rapport avec la page d'histoire que nous venons de tourner. Au moment où M. Sarkozy doit se garder à droite et à gauche, il peut penser qu'il a au moins remporté une victoire, à savoir que, dès lors que Michèle Alliot-Marie l'a rallié, dès lors qu'il obtient le soutien du Premier ministre, dès lors que M. Chirac ne se présente pas, il apparaît plus que jamais comme le candidat indiscutable de l'UMP et même de la droite dans son ensemble.Aussi bien, quand le président indique qu'il se prononcera un peu plus tard sur ses choix personnels, on ne voit pas qui il pourrait désigner, sinon M. Sarkozy. Lequel était le meilleur à droite et l'est encore, et s'est incrit en tête de tous les sondages depuis le début de la campagne, ce qui a d'ailleurs mis un terme rapide aux contestations internes de l'UMP.
Plans ineptes.
Cette bataille au moins, M. Sarkozy l'a remportée sans coup férir : à mesure que les sondages d'opinion étaient publiés, tous les plans du genre TSS (« Tout sauf Sarkozy ») s'effondraient sous l'effet de leur propre ineptie.
On dit beaucoup de mal des enquêtes d'opinion : Ségolène Royal les a traitées par l'indifférence, sauf quand elle est sortie du fameux trou d'air ; François Bayrou les considérait comme très approximatives mais n'a pas trouvé exagéré celles qui lui accordent 23 ou 24 % des voix. Ce sont les sondages qui ont montré très vite que, à droite, M. Sarkozy était imbattable. Ce sont eux qui ont convaincu M. Chirac de ne même pas imaginer qu'il pourrait se présenter de nouveau. Ce sont eux qui ont calmé la frénésie anti-Sarkozy de Dominique de Villepin.
D'avoir gagné à l'intérieur de son camp n'assure pas à Nicolas Sarkozy la victoire à l'élection présidentielle. Pendant que les nuages se dissipaient au-dessus de l'UMP, le soleil se levait sur François Bayrou, qui perturbe sérieusement les campagnes de M. Sarkozy et de Mme Royal. Preuve qu'on peut imaginer tous les stratagèmes politiques, mais que le suffrage universel a le dernier mot.
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