LA CROISSANCE, c'est sûr, a été stoppée net par la crise financière qui s'est ajoutée à un ralentissement économique amorcé au deuxième trimestre. Qu'elle soit positive ou négative en fin d'année n'a aucune importance ; elle sera insuffisante, le taux de chômage va augmenter, le pouvoir d'achat va baisser et, si la crise financière n'est pas rapidement résorbée, d'autres déconvenues sérieuses menacent les détenteurs d'actions, de comptes, d'obligations, d'assurance-vie : nous sommes placés dans une incertitude totale et il est impossible, pour chaque individu, de faire des plans à court et long terme.
Voilà la réalité des choses. Ni la panique ni les fausses parades, comme la multiplication des comptes bancaires pour assurer à 100 % les sommes déposées, la vente précipitée d'actions dévaluées, le retrait en billets de banque, ne constituent des remèdes. Au contraire, de telles démarches individuelles contribueraient à accroître les difficultés de tous. L'immobilité, en l'occurrence, est le moins mauvais des remèdes.
Conflit franco-allemand.
Nicolas Sarkozy, comme chacun sait, n'est pas homme à se laisser dicter le sort du pays. Il a réagi à la crise avec son volontarisme habituel ; faut-il le lui reprocher ? S'il n'avait pas bougé, on l'aurait accablé de commentaires venimeux sur son incapacité à défendre ses concitoyens ; dès qu'il propose des pistes, on dénonce la mauvaise solution.
D'emblée, il est entré en conflit avec le gouvernement allemand auquel il proposait un plan de sauvetage du système financier européen comparable à celui que M. Bush a mis au point pour les États-Unis.
La chancelière Angela Merkel n'en a pas voulu, d'une part parce qu'elle estime que les finances européennes vont beaucoup moins mal que les finances américaines et, d'autre part, parce qu'elle est infiniment moins interventionniste que Nicolas Sarkozy. Invoquant le principe de subsidiarité, en vertu duquel l'Union européenne ne fait pas ce que chacun de ses membres peut faire au niveau national, la chancelière a surtout voulu éviter que les Allemands paient pour les autres. Le minisommet de samedi dernier avait pour seul objectif de donner une image plus harmonieuse de l'UE.
Nous voilà donc, nous Français, renvoyés à notre propre capacité de faire face à la crise. Il a fallu des trésors d'ingéniosité pour trouver de l'argent. L'État a racheté 30 000 projets de logements sociaux, mais il n'en a pas encore trouvé le financement ; la mesure est salutaire si on ne souhaite pas que s'effondre le marché de l'immobilier. Les spécialistes du logement estiment toutefois que, par son geste, M. Sarkozy va déstabiliser le marché.
M. Sarkozy veut aussi ponctionner les Livrets d'épargne ; non, lui a-t-on répondu, c'est l'argent qui permet de construire des logements sociaux. Mais le Livret A (214 milliards d'encours) a recueilli des sommes considérables ces derniers mois. En définitive, M. Sarkozy a tenu bon et a autorisé les banques à mobiliser 20 milliards pour le crédit des PME. Action rationnelle et indispensable si on ne veut pas que les entreprises les plus faibles fassent faillite et licencient leurs employés.
Car le problème, c'est la raréfaction du crédit : les banques ne veulent plus prêter qu'avec des garanties draconiennes. Le manque d'argent liquide risque d'étouffer l'économie. De la même manière, peut-on reprocher à M. Sarkozy d'avoir sauvé Dexia, qui finance l'activité des collectivités territoriales ? Remballé par les Allemands (et par la Banque centrale européenne), il s'efforce de trouver des ressources en France même. Son conseiller, Henri Guaino, a dit, trop vite, comme d'habitude, que les critères de Maastricht ne sont plus la priorité (ce qui lui a valu une volée de bois vert). Mais enfin, quel pays européen, dans une telle tourmente, pourra les respecter ? Même s'il s'en trouve qui les respecteront, il est impératif de réunir quelques centaines de milliards d'euros pour atténuer, sinon éliminer, les effets de la crise. Et il est vrai que la priorité n'est plus à la vertu et au respect des équilibres fondamentaux ; elle est de parer au plus pressé dans un premier temps, quitte à réduire la voilure du plan de relance une fois que l'économie aura redémarré.
Il nous semble que M. Sarkozy a pris conscience de la relative solitude de la France dès lors que les Européens ne veulent pas se rassembler. Qu'il cherche et trouve des fonds en France même est logique et possible : il suffit à l'État de garantir ses nouveaux emprunts, lesquels, indubitablement, vont augmenter une dette publique qui s'envole. Mais, de même que la discussion sur la récession confine à l'idiotie, de même il faut savoir choisir entre deux maux et ne pas opter pour le pire quand l'autre est plus supportable. Il en va de l'emploi, du bien-être des gens, des pauvres qui sont les premiers à souffrir de la maladie économique. 2008 se présente comme une autre «annus horribilis». C'est le devoir du gouvernement de faire en sorte qu'elle soit le moins horrible possible.
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