DROIT AU LOGEMENT ? Jamais une ambition sociale n'aura été mise en échec de manière aussi sinistre. La répétition des incendies mortels à Paris a pu être mise au compte de la loi des séries ou de la fatalité, mais elle a plongé dans l'embarras le maire, le gouvernement et ces associations pétries de charité qui n'ont pu que constater la multiplication des coups du sort ou les effets létaux de la misère. Il n'y a pas de responsable à proprement parler : l'immeuble du 3e arrondissement, qui a pris feu dans la nuit de lundi à mardi, devait être réhabilité. C'était une question de temps, une question d'argent...
De toute façon, de tels « faits-divers » ne peuvent se produire qu'au terme d'une longue dégradation des efforts sociaux. A n'en pas douter, les budgets les mieux approvisionnés sont dépassés par le nombre croissant des immigrés, de fraîche ou de longue date. Mais il est vrai aussi que la construction de logements sociaux est insuffisante. Aux associations comme Emmaüs, aux maires d'arrondissement, aux gérants d'immeubles, on donne à administrer des bâtisses d'un autre âge qui méritent d'être rasées et entièrement reconstruites. « La question porte sur l'offre de logements, déclare le président de la société mixte propriétaire de l'immeuble du 3e, tant qu'on ne créera pas d'offre de logements, on sera obligé de ramasser des gens qui brûlent dans les immeubles. »
Le meilleur et le pire.
Ce qui veut dire que, en l'état actuel des choses et au bout de deux ou trois décennies d'imprévoyance et d'impéritie, nous ne disposons d'aucun remède. On en est à attendre le prochain malheur. Les dispositions adoptées dans le cadre du plan Borloo de lancement de logements sociaux ne donneront de résultats que dans cinq à dix ans.
Les incendies de Paris montrent que nous sommes désormais une société des extrêmes. Le sinistre du 29 août s'est produit dans le Marais, où l'on trouve le plus chic et le plus pauvre, et où les promoteurs attendent que les taudis s'effondrent pour laisser la place à de beaux ensembles. Le prix du mètre carré, partout en France, mais notamment en région parisienne, a atteint des sommets qui n'ont pu être gravis que grâce à une baisse sans précédent des taux d'intérêt. Il demeure qu'un logement décent coûte aujourd'hui le prix du luxe, qu'un logement de luxe ne peut intéresser que les princes de ce monde et que, au prix que la plupart des gens peuvent payer, la qualité et le confort disparaissent. Pour 200 000 euros, t'as plus rien.
Les étudiants, les smicards, et probablement plus de personnes appartenant à la classe moyenne que l'on imagine sont donc forcés d'habiter dans des banlieues de plus en plus en plus éloignées ou sont tout simplement exclues de l'accès au logement, que ce soit par acquisition ou par location.
NOUS SOMMES UNE SOCIÉTÉ DES EXTRÊMES, AVEC DES APPARTEMENTS HORS DE PRIX OU BONS À BRÛLER
Le phénomène n'est pas nouveau, mais il devient critique, en même temps qu'il fait apparaître des inégalités énormes dans une société qui espère toujours offrir à ses membres l'essentiel des biens indispensables à une vie décente (un toit et la santé). Dès lors que le logement n'est pas disponible, cette ambition demeure insatisfaite.
Le moment de la facture.
Comme on ne peut s'en prendre à un responsable en particulier, il n'y a pas de responsable, sinon les gouvernements qui, depuis vingt ou trente ans, ont manifestement sacrifié le logement social à d'autres projets.
Le moment de payer la facture arrive toujours. Et l'on sait bien que les catastrophes entraînent des promesses automatiques ou même des réalisations lancées dans la hâte et dont l'objectif est plus électoral que social. Mais quand les gens meurent de pauvreté, il est impossible de s'en tenir au discours politique classique. Il faut autre chose, une sorte de souffle créateur qui inciterait l'ensemble du pays à faire peut-être de nouveaux choix budgétaires et à mettre en œuvre des solutions plus rapides et plus efficaces. Il est bon que le plan Borloo ait été adopté avant cette série d'incendies. C'est la preuve que le ministre de la Cohésion sociale avait perçu un danger que d'autres avaient minimisé. Mais même son plan arrive bien tard.
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