Les encéphalopathies spongiformes transmissibles regroupent des maladies neurodégénératives toujours fatales. Le nouveau variant de la maladie de Creutzfeldt-Jakob (nvMCJ) est la seule forme qui soit liée à l'encéphalopathie spongiforme bovine (ESB). Le début de la maladie est marqué par des troubles du comportement, des douleurs ou des dysesthésies des membres inférieurs qui précèdent l'apparition de l'ataxie cérébelleuse et du syndrome pyramidal. Le diagnostic de probabilité repose sur la détection de protéine anormale PrPres sur un fragment d'amygdale pharyngée et sur la présence à l'IRM d'hypersignaux situés sur les noyaux postérieurs du thalamus.
Le diagnostic de certitude est histoneuropathologique et fondé sur la présence de plaques de PrPres de type Kuru, entourées de spongiose (dites plaques « florides »). L'aspect et l'abondance de ces plaques sont caractéristiques du nouveau variant de la maladie de Creutzfeldt-Jakob.
La première tentative thérapeutique
L'été dernier, une première tentative thérapeutique avec la quinacrine a été menée à l'hôpital de l'université de Californie à San Francisco (Etats-Unis), chez un patient atteint de la maladie de Creutzfeldt-Jakob. Cet ancien antipaludéen (encore utilisé pour traiter la lambliase) pénètre dans le SNC et détruit in vitro les cellules nerveuses infectées par le nvMCJ. Des essais cliniques sont en cours outre-Atlantique.
En France, forte de ces constatations, une procédure d'autorisation temporaire d'utilisation (ATU) de la quinacrine est mise en place ; la quinacrine est proposée aux patients présentant une MCJ probable, quelle que soit la forme de la maladie (sporadique, iatrogène, génétique ou nouveau variant). La délivrance suit les réglementations définies par l'AFSSAPS. Ce protocole ne préconise pas l'association avec la chlorpromazine, utilisée dans la schizophrénie, qui possède également ces propriétés.
Les recherches s'intensifient
Parallèlement à ces essais thérapeutiques, les recherches s'intensifient. Les encéphalopathies spongiformes transmissibles sont caractérisées par une longue période d'incubation. Au début de cette période, une augmentation du titre des prions est observée dans les organes lymphoïdes (rate, amygdales, appendice et ganglions amygdaliens). Si le système immunitaire n'est pas efficace pour lutter contre l'infection par les prions, il est nécessaire à l'infectiosité de l'agent pathogène, la réplication dans les organes lymphoïdes conduisant ensuite à une invasion progressive du SNC. Des chercheurs de l'INSERM U25 ont mis en évidence sur un modèle expérimental murin (d'une maladie du mouton adaptée à la souris) le rôle des cellules dendritiques mobiles dans l'étape de neuro-invasion d'une infection par prion pathogène*. Même si de nombreuses questions restent en suspens (existe-t-il d'autres voies de neuro-invasion ? ESB ou MCJ : impliquent-elles des phénomènes identiques ?...), cette découverte ouvre des perspectives de recherche d'outils capables de bloquer les récepteurs des chimiokines induisant la migration des cellules dendritiques.
Un marqueur potentiel de l'infection à prion
Des chercheurs de l'institut Roslin, en Ecosse, en comparant l'expression de milliers de gènes dans les tissus lymphoïdes d'animaux infectés, ont constaté que les taux de EDRF (Erythroid Differenciation-Related Factor), protéine exprimée uniquement dans la lignée érythrocytaire, sont considérablement abaissés chez les animaux infectés (rongeurs, bovins ou ovins). L'encéphalopathie spongiforme transmissible affecterait l'expression de l'EDRF, qui pourrait être un bon marqueur de l'infection à prion**. Ces résultats, selon les investigateurs de ces travaux, pourraient aboutir à la découverte de nouvelles interventions thérapeutiques et à un diagnostic préclinique non fondé sur le prion infectieux.
* « The Journal of Clinical Investigation », septembre 2001, vol. 108, n° 5, pp. 703-708.
** « Nature Medicine », mars 2001, pp. 361 et 289.
Le risque iatrogène
Le risque le plus redouté aujourd'hui est le risque iatrogène lié à la chirurgie, à la greffe de tissus, voire à une transfusion sanguine, qui n'est pas avéré pour l'instant, par le nouveau variant de la maladie de Creutzfeldt-Jakob. Néanmoins, dans les « Proceedings » de l'Académie des sciences américaine, les résultats d'une étude* justifient les précautions renforcées et durables. Il est notamment montré que l'adaptation à l'homme de l'agent ESB correspond à un gain de virulence chez le primate, et que l'infection se transmet aussi bien par voie intraveineuse que par injection intracérébrale.
Une publication du « Lancet »** montre, de plus, grâce à un test amélioré de détection du prion pathogène, qu'outre le SNC et les amygdales, les ganglions lymphatiques, la rate, la rétine et le nerf optique sont infectés par des quantités potentiellement infectieuses de prions pathogènes. D'autres tissus, tels que le rectum, le thymus et les surrénales, ont également été retrouvés positifs dans un cas.
* C. Lasmézas et coll. « Proc Natl Acad Sci USA » 2001, vol. 98, n° 7, pp.4142-4147.
** J. D. F. Wadsworth et coll. « Lancet » 2001 ; 358 : 171-180.
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