A ce jour, une quinzaine de patients reçoivent de la quinacrine dans le cadre de l'ATU délivrée selon l'arsenal réglementaire de l'AFSSAPS. Le premier patient ayant été mis sous traitement le 20 août, précise le Pr Annick Alpérovitch (responsable du réseau français de surveillance épidémiologique de la MCJ), le recul est encore insuffisant pour tirer la moindre conclusion sur l'effet de la quinacrine. Il faudra un certain nombre de semaines, voire de mois, pour faire un bilan. Parmi les patients, certains sont à un stade avancé de la maladie. Presque tous les cas appartiennent aux formes sporadiques, génétiques ou liées à l'hormone de croissance, avec « tout au plus un cas de vMCJ », avance prudemment le Pr Alpérovitch.
Cette décision a été prise à la suite d'une publication très récente (14 août 2001, « le Quotidien » du 23 août), émanant de l'équipe du Pr Stanley Prusiner. Ces chercheurs, testant les molécules capables de traverser la barrière hémato-encéphalique, ont trouvé un effet de la quinacrine et de la chlorpromazine sur des modèles de souris infectées par le prion.
Un antipaludéen ancien
L'ATU concerne la quinacrine, qui est un antipaludéen ancien encore utilisé pour traiter la lambliase, mais non la chlorpromazine, prescrite couramment dans des troubles psychiques accompagnant ce diagnostic. Le produit est donné aux patients répondant aux critères d'inclusion dans l'ATU nominative (encadré) et sur la demande du clinicien, après une décision prise conjointement avec la famille, précise au « Quotidien » le Pr Annick Alpérovitch. La quinacrine est donnée à raison de cinq doses de 200 mg pour la mise en route du traitement, puis à la dose de 300 mg/j pendant plusieurs mois.
Le protocole de l'ATU ne préconise par l'association à la chlorpromazine « ce qui devrait permettre d'y voir plus clair sur l'effet de la quinacrine », sans interdire cependant l'utilisation de ce produit, qui peut être utile. Le suivi sous traitement suivra un rythme mensuel, incluant des critères d'évaluation cliniques et biologiques (ces derniers concernant la tolérance).
Le ministre délégué à la santé, Bernard Kouchner, a pour sa part insisté sur « la fragilité des données aujourd'hui disponibles concernant l'efficacité réelle de cette prescription dans le traitement de la MCJ ».
L'ATU pourrait s'adresser au quatrième cas de vMCJ recensé en France et que l'Institut national de veille sanitaire (InVS) vient de signaler. Les détails sur ce cas ne sont pas diffusés, pour respecter la confidentialité exigée par la famille. Tout au plus sait-on qu'il s'agit d'un homme de 35 ans. Il présente un diagnostic probable de MCJ, le diagnostic de certitude ne pouvant être porté qu'après le décès et sur autopsie. C'est en particulier l'analyse anatomopathologique du cerveau qui permet de fournir des critères importants, mais la biopsie amygdalienne apporte suffisamment d'éléments in vivo pour établir une certaine probabilité.
Ni étonnement, ni inquiétude
Ce nouveau cas s'ajoute aux trois cas certains connus à ce jour en France (les trois personnes sont décédées en 1996, 2000 et 2001). Il présente le polymorphisme identifié dans tous les cas diagnostiqués en Grande-Bretagne, à savoir une homozygotie met/met au codon 129, ce qui n'apparaît pas comme un marqueur de la maladie mais pourrait figurer au nombre des facteurs de risque.
Sur un plan épidémiologique, l'apparition de ce nouveau cas ne suscite ni étonnement ni inquiétude particulière, indique le Pr Drucker, ajoutant : « Nous n'avons pas une connaissance suffisamment précise du degré d'exposition à la viande de buf. Il est vraisemblablement moindre qu'il ne le fut au Royaume-Uni. » L'impact sur l'évolution épidémiologique reste purement spéculatif. Un rapport sénatorial publié en mai dernier estimait « au pire » à 300 le nombre de cas de vMCJ risquant de survenir dans les décennies à venir (estimation fondée sur une modélisation théorique intégrant les données de la contamination anglaise et la longue durée d'incubation de cette forme particulière).
Une sous-estimation du nombre des cas en France paraît peu vraisemblable aux yeux du spécialiste, « compte tenu de l'ampleur des critères diagnostiques retenus en France ».
Pour les épidémiologistes, quatre cas sont difficiles à interpréter d'un point de vue statistique. « Mais ils confirment que la maladie a été transmise faiblement mais réellement à l'homme », rappelle le Dr Jean-Claude Désenclos (responsable du département Maladies infectieuses à l'InVS). Des travaux sont en cours pour trouver une modélisation de la progression.
Les critères de diagnostic « probable » de vMCJ
Les critères d'inclusion des patients dans l'ATU nominative pour le nouveau variant sont :
1) troubles neuropsychiatriques progressifs,
2) durée de la maladie supérieure à six mois,
3) absence d'autre diagnostic,
4) absence d'antécédent iatrogène potentiel,
5) au moins quatre des signes suivants :
- troubles psychiques précoces,
- symptômes sensitifs douloureux persistants,
- ataxie,
- myoclonies, ou chorée, ou dystonie,
- démence,
7) pas d'anomalies EEG typiques de la MCJ sporadique,
8) hypersignaux bilatéraux caractéristiques dans les pulvinars sur l'IRM,
9) présence de PrPres en immunohistochimie et Western-blot à la biopsie d'amygdale.
En l'absence de biopsie d'amygdale positive, le diagnostic de vMCJ probable nécessite la présence de tous les critères de 1 à 8.
En cas de critère 9 positif, tous les critères de 1 à 5 inclus sont requis pour un diagnostic probable de vMCJ.
Une lettre aux neurologues
Un courrier émanant de l'AFFSSAPS destiné à l'ensemble des neurologues va leur être adressé ces jours-ci. Il indique la procédure à suivre par les praticiens s'ils veulent faire une demande d'ATU de la quinacrine.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature