De 1966 à 2003, la réglementation française sur l'usure n'a cessé d'évoluer dans un sens restrictif. C'est pourquoi la suppression définitive de l'usure pour les crédits professionnels par la loi du 1er août 2003 est originale.
Elle marque en effet une rupture nette de cette évolution puisque, depuis le 5 août dernier, les taux d'intérêt pratiqués pour les prêts consentis aux entreprises ne sont plus limités par aucune restriction réglementaire.
Une banque peut donc pratiquer les taux qu'elle souhaite. Une exception toutefois, les découverts en compte et les prêts non professionnels demeurent soumis au respect des taux usuraires.
Des conséquences favorables
Contrairement à ce que l'on pourrait penser, cette loi est positive pour les médecins. En effet, le taux d'intérêt demandé pour un crédit est fonction du risque pris. De ce fait, si une banque considère qu'elle ne peut pratiquer, lors de l'octroi d'un crédit, en raison d'obligations réglementaires, le taux qui réduit ses risques au minimum, elle choisira de ne pas l'accorder.
Or les plafonnements imposés par la Banque de France dans le cadre de la loi sur l'usure, en matière de crédits professionnels étaient fort bas par rapport aux crédits consommation octroyés aux particuliers. Un prêt professionnel pour financer un achat à tempérament ne devait pas dépasser 8,75 % au 1er octobre dernier alors qu'un crédit à la consommation pouvait atteindre 21,25 % à la même date.
C'est pourquoi les médecins, et notamment les jeunes médecins qui devaient s'installer et ne pouvaient pas offrir de garanties suffisantes, avaient souvent du mal à obtenir les crédits souhaités. La banque considérait alors que le respect des plafonds de taux ne couvrait pas le risque. Et s'abstenait.
Dorénavant, ils obtiendront leur crédit et le surcoût payé sera vite amorti par l'augmentation de revenus entraînée par l'investissement si celui-ci a été bien étudié. De plus, il ne faut pas oublier que lorsqu'un recours au crédit est nécessaire, il est toujours préférable de solliciter plusieurs organismes et de comparer les mensualités afin de prendre en compte tous les frais annexes, histoire de choisir le taux le plus avantageux.
Des cautions mieux informées
La loi Dutreil, dans ses articles 11 et 12, agit aussi sur un autre volet des crédits professionnels en améliorant l'information et la protection des cautions. Est-il nécessaire de rappeler que lorsqu'un emprunteur ne peut fournir de garanties réelles, par exemple une hypothèque sur un bien immobilier, il lui est demandé qu'un parent se porte caution de son crédit.
Or, s'il est dans l'impossibilité de rembourser ses dettes liées à la vie courante (dettes bancaires, dettes fiscales), un particulier de bonne foi peut saisir la commission de surendettement pour trouver un accord amiable avec ses créanciers.
Il n'en est pas de même pour un professionnel. C'est pourquoi une personne, qui s'est portée caution d'un entrepreneur individuel ou d'une société, et qui est appelée à honorer son engagement, peut se retrouver dans une situation financière difficile.
Pour éviter que ce risque empêche un engagement de caution, la loi Dutreil :
- étend le domaine de compétence de la commission de surendettement aux personnes physiques qui ont donné leur caution ou qui se sont engagées à acquitter solidairement la dette d'un entrepreneur individuel ou d'une société, dès lors qu'elles n'ont pas été dirigeantes de celle-ci ;
- si la personne physique a souscrit un engagement disproportionné eu égard à ses revenus et ses biens, le créancier professionnel ne pourra lui demander d'honorer son engagement que si son patrimoine, au moment où elle est actionnée, permet d'y faire face.
De plus, afin qu'elles prennent conscience de l'étendue de leur engagement, les personnes qui se portent caution devront faire précéder leur signature de la mention manuscrite suivante :
« En me portant caution de X, dans la limite de la somme de... couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de... je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X n'y satisfait pas lui-même. »
S'il s'agit d'un cautionnement solidaire :
« En renonçant au bénéfice de discussion défini à l'article 2021 du code civil et en m'obligeant solidairement avec X, je m'engage à rembourser le créancier sans pouvoir exiger qu'il poursuive préalablement X. »
Enfin, l'information des cautions personnes physiques est renforcée :
- l'obligation de mentionner le montant maximal de l'engagement de la caution (dette principale, intérêts, frais et accessoires inclus) est étendue au cautionnement solidaire ;
- l'obligation des établissements de crédit d'informer annuellement la caution du montant et du terme de leur engagement, et de leur faculté de révocation de leur engagement à durée indéterminée, est étendue à tout créancier professionnel et quelle que soit la nature de l'engagement cautionné.
Mais attention : ces mesures en faveur des cautions ne seront applicables qu'à compter du 6 février 2004.
Un exemple
Pour les besoins de son exercice, un jeune médecin acquiert du matériel en recourant à un emprunt bancaire. L'établissement de crédit est d'accord pour financer cet investissement, mais il lui demande de fournir une caution.
Pour faire plaisir à leur fils, les parents acceptent de se porter caution de cette dette professionnelle, sans prendre réellement conscience du risque qu'ils prennent.
A la suite de difficultés de trésorerie, le médecin ne peut honorer ses engagements. La banque se retourne alors contre les parents. Lesquels rencontrent également des difficultés financières à la suite d'un licenciement, et ne peuvent honorer leur engagement de caution.
Aujourd'hui, face à cette situation, la commission de surendettement ne pourrait pas intervenir en raison du caractère professionnel de la dette.
Avec l'application de la nouvelle mesure, la commission de surendettement pourra être saisie. Un accord entre les créanciers professionnels et les parents pourra être signé prévoyant :
- un échéancier ;
- une remise partielle de la dette ;
- une réduction des pénalités de retard.
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