UN VIRUS peut faire le tour du monde en vingt-quatre heures. Après la mondialisation économique vient la mondialisation des crises sanitaires. «Ce qui se passe avec le chikungunya, la dengue, le virus du Nil occidental peut devenir régulier en raison de la mondialisation des échanges. C'est pourquoi la communauté internationale doit mettre en oeuvre une sécurité sanitaire durable», affirme Philippe Bas.
Trois outils à la base de cette sécurité sanitaire collective :
– Le règlement sanitaire international (RSI), qui impose des règles de vigilance communes, avec notamment la déclaration obligatoire de tous les événements susceptibles de constituer un risque de diffusion internationale des maladies infectieuses. Une déclaration qui vise à garantir la transparence entre les Etats.
– L'initiative sur la sécurité sanitaire mondiale, qui vise à renforcer la capacité de réponses communes à ces risques.
– La formation des professionnels de santé à la gestion des risques. La France propose de créer une université mondiale de la sécurité sanitaire à Lyon.
Or la sécurité sanitaire internationale repose sur une capacité de veille et d'alerte dont ne disposent pas de nombreux pays en raison de la fragilité de leur système de soins. Parallèlement, et bien que, selon Philippe Douste-Blazy, «il n'y ait pas de sécurité sanitaire en autarcie», la France a déjà développé un « réseau de partage d'information » dans les pays d'Asie confrontés à la grippe aviaire et décide aujourd'hui d'étendre l'expérience à l'ensemble des risques sanitaires dans le monde entier. L'objectif consiste à mieux renforcer la sécurité des Français à l'étranger : 2 millions d'expatriés et 20 millions de touristes.
Premier pilier du réseau, les 280 ambassades et consulats dont la France dispose de par le monde. Dans chaque représentation, un conseiller médical de l'ambassadeur, chargé, d'une part, d'informer les ressortissants, d'autre part, de recueillir des informations ; le cas échéant, de coordonner le dispositif sanitaire d'urgence. En cas de transmission interhumaine avérée de la grippe aviaire, par exemple, il assurera la prise en charge locale des patients. Les ambassades disposent déjà de stocks de médicaments.
En outre, la loi du 5 mars 2007 prévoit que le corps de réserve sanitaire créé dans le plan Pandémie grippal pourrait se transformer en « force de frappe médicale » dépêchée sur place. Informer, soigner, rapatrier les Français de l'étranger ou les mettre en quarantaine nécessite une collaboration avec les entreprises françaises, les professionnels du tourisme et les sociétés de transport aérien. Ils constituent le relais indispensable aux mesures sanitaires d'urgence. «Ce fut le cas en décembre 2004, lors du tsunami, nous sommes capables de mobiliser rapidement d'importants moyens aériens pour évacuer les gens», fait remarquer René-Marc Chikli, président du Cercle des tour-opérateurs.
Mais la mise en oeuvre d'un dispositif sanitaire d'urgence soulève également la question du respect, de mesures autoritaires comme la quarantaine, qui représentent une entrave à la liberté de circuler. «Lors de l'épidémie du sras, nous avons laissé en quarantaine l'équipe médicale française qui était intervenue à l'hôpital de Hanoi, mais, dans la même période, des voyageurs individuels sont rentrés en France par d'autres moyens. C'est aussi la limite du système», rapporte Patrick Rodriguez, directeur médical du groupe Air France. «Comment concilier le droit au retour que doit garantir une entreprise à ses salariés en cas de quarantaine ou de fermeture des frontières?», interroge une juriste du groupe Magellan. Une question que le réseau de partage d'information a pour vocation d'étudier.
La « traçabilité du touriste ».
En cas de crise, qu'elle soit sanitaire ou autre, il faut pouvoir contacter les Français présents dans le pays concerné. La moitié des touristes voyagent en individuel et personne n'est en mesure de les joindre, ni même de savoir où ils se trouvent. «On n'imagine même pas qu'ils sont là», raconte Gilles Huberson, directeur de la sécurité des étrangers au ministère des Affaires étrangères. «Il y a quelques années, lors du tremblement de terre au Pakistan, on a eu la surprise de découvrir par la suite des familles françaises qui séjournaient dans un ashram… Le problème s'est également posé lors du tsunami. Un de nos objectifs est d'établir une traçabilité de ces voyageurs.» Le ministère des Affaires étrangères devrait créer d'ici à la fin de l'année sur son site Internet une rubrique où les voyageurs individuels pourront s'inscrire et laisser leurs coordonnées. Le réseau de partage d'information reposera enfin également sur les acteurs de la société civile, des centaines de correspondants, d'enseignants, de chercheurs, médecins, d'ONG, de responsables de la sécurité sanitaire des grandes entreprises. «Nous pensons que les Français résidant à l'étranger peuvent jouer un rôle dans cette veille sanitaire en transmettant des informations à leurs postes diplomatiques, a expliqué le ministre de la Santé. C'est un enjeu essentiel pour répondre suffisamment tôt aux menaces et aussi pour assurer en retour la protection sanitaire de ces Français.» Un site Internet vient d'être créé pour que les sociétés, associations, organisations, intéressées par ce réseau, puissent se faire connaître.
> NELLIE PONS
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