AUX ÉTATS-UNIS, la consommation de jus de cranberry (dite aussi canneberge en français) est considérée, depuis plus de cinquante ans, comme un remède préventif naturel contre les infections urinaires récidivantes. Utilisée d'abord par les Indiens d'Amérique, elle est maintenant largement cultivée sur le continent nord-américain pour ses propriétés anti-infectieuses.
Ces dernières années ont vu en Europe l'éclosion de produits à base de canneberge. Mais, il y a cranberry et cranberry. En effet, la cranberry nord-américaine, cultivée essentiellement dans la région des grands lacs, est celle retenue dans la lutte contre la prévention des infections urinaires récidivantes. Il s'agit de Vaccinium macrocarpon. Les deux autres sortes de cranberries sont européennes et n'ont malheureusement aucun rôle dans la prévention des récidives de l'infection urinaire. Mais, commerce oblige, «les variétés européennes coûtant beaucoup moins cher à cultiver et à exploiter, elles sont introduites dans de nombreux compléments alimentaires», précise le Pr Henri Botto .
Les principes actifs de Vaccinium macrocarpon sont les proanthocyanidines (ou PACs), polyphénols particuliers, qui sont des tanins condensés. Ces proanthocyanidines existent sous deux formes : A et B. Seule la forme A est efficace, on la trouve exclusivement dans Vaccinium macrocarpon. Les PACs A bloquent les pili des colibacilles et empêchent ainsi l'adhésion des germes à la paroi vésicale à l'aide de fibres spécialisées nommées fimbriae. L'action de la cranberry étant « mécanique », les bactéries ne peuvent développer de résistance contre celle-ci. «L'autre élément nouveau en ce qui concerne cette activité antiadhésive, précise le Pr Botto , a été apportée par une étude publiée dans le “World Journal of Urology ” de janvier 2006, qui a permis de démontrer que cette activité antiadhésive de Vaccinium macrocarpon sur E. coli est efficace que E. coli soit multisensible ou multirésistant aux antibiotiques habituels.»
Les différentes études ont conduit, en avril 2004, l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa) à déclarer que «la consommation de jus de Vaccinium macrocarpon (contenant 36mg de proanthocyanidines mesurées) conduisait à une “diminution de la fréquence des infections urinaires dues à certains E. coli uropathogènes présentant des P-fimbrae, chez des femmes adultes”» et que «cet effet est également rapporté avec une poudre encapsulée de Vaccinium macrocarpon ». L'Afssa estimait que les produits évalués présentent des caractéristiques de sécurité satisfaisantes ; que l'allégation «contribue à diminuer la fixation de certaines bactéries E. coli sur les parois des voies urinaires» est acceptable uniquement pour le jus du fruit de la plante Vaccinum macrocorpon et la poudre de jus du fruit de cette plante ; que les données sont insuffisantes pour attribuer cette allégation au cocktail-nectar.
Depuis cette date, souligne le Pr Botto, «on s'est rendu compte qu'il fallait bien préciser “36mg de PACsA par jour”. Les PACsB, que l'on trouve par exemple dans le raisin, n'ont aucun effet». D'où l'intérêt de lire les étiquettes… Aujourd'hui, il existe très peu de produits contenant des proanthocyanidines A. On trouve dans les rayons alimentaires certains produits sur lesquels il est mentionné « à base de cranberry ». Il s'agit en général de produits contenant la cranberry européenne et qui sont donc inefficaces.
«Nombre de préparations ne respectent pas l'allégation de l'Afssa de façon stricte, conclut le Pr Botto. Actuellement, une gélule, et une seule, délivre les 36mg de PACs de façon quotidienne, ainsi que trois ou quatre préparations en poudre. Il faut donc que le prescripteur soit extrêmement vigilant.»
D'après un entretien avec le Pr Henri Botto, hôpital Foch, Suresnes.
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