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Pour amener ses idées sur la beauté et l'identité, Michèle Gazier use d'un subterfuge déroutant fait de magie et de fantastique qui, au lieu de nous plonger dans les abîmes de réflexion escomptés, nous fait surfer sur la crête de la naïveté. L'histoire est jolie pourtant, qui met en scène un couple idéal même s'il paraît à priori bancal, Odile et Odon.
Affirmer que tout aurait dû les séparer, serait aller vite en besogne. Certes leurs âges, quand ils se rencontrent, moins de vingt ans pour lui, cinquante ans pour elle, plaidaient peu en faveur d'un rapprochement. Au contraire de leur passé cependant.
Car Odile, fille d'une couturière et d'un jardinier employés dans un château de la Beauce, est devenue une star de la haute-couture et une figure du Tout-Paris. Quant à Odon, il s'appelle en réalité Simon Kaplein et il est le rejeton d'une riche famille de banquiers juifs qui ont dû fuir le nazisme et sont morts en exil, laissant leur enfant aux mains de sa nourrice bretonne et catholique ; alors qu'il est censé faire des études de droit à Paris, il suit en dilettante les cours des Beaux-Arts.
Tous deux sont donc en rupture de passé et d'identité, se forgeant leur destin à la force de leurs envies et au mépris des conventions.
Le qu'en dira-t-on, ils s'en moqueront également lorsque, à peine vus, ils se seront reconnus. Lui dans l'éclat de son adolescence, elle dans la plénitude de sa maturité, beaux tous les deux et, malgré la différences des ans, se ressemblant déjà comme des clones.
Vivre ensemble, partager chaque instant et chaque succès - puisque, tandis qu'Odile rachète le château de son enfance, Odon à son tour devient un décorateur célèbre - n'use pas leur passion qui semble à l'épreuve du temps.
C'est pour que cela soit vrai jusqu'au bout qu'ils accomplissent, en secret, une étrange métamorphose. Odile presqu'octagénaire, porte maintenant des gants pour cacher l'outrage des ans et elle doit prendre des médicaments. Alors Odon, insensiblement, va se transformer jusqu'à devenir celle à laquelle il a si longtemps ressemblé, il va prendre sa voix, ses intonations puis s'habiller comme elle, jusqu'à la substitution extrême :
« ... à défaut de la rendre éternelle, puisque lui non plus ne l'était pas, il prolongeait la jeunesse d'Odile en renonçant à être un homme, à être lui. Désormais, il serait odile pour tous, jusqu'à sa mort ».
Odile et Odon : une ode à l'amour toujours un peu cousue de fil blanc et qui a en quelque sorte la beauté du diable.
Editions du Seuil, 251 p., 115 F (17,53 euros)
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