SE FENDRE d’une nouvelle par semaine, cela peut être un exercice de style comme un autre, et l’on se dit pourquoi pas. Mais à lire « 52 ou la Seconde Vie (1), on s’aperçoit vite que les histoires, si elles semblent très éloignées les unes des autres, tendent à s’emboîter comme les morceaux d’un puzzle. Avec plus ou moins de facilité, certaines trouvant tout naturellement place et d’autres peinant à se frayer un chemin dans notre inconscient.
Car, au-delà de chaque récit qui met en scène des personnages et des faits de la vie quotidienne, c’est de cela dont il est question : suggérer ce que Virginia Woolf appelait «cette seconde vie qui inlassablement se déroule derrière la vie officielle» et ce que Geneviève Brisac décrit comme «ce qui grouille par en dessous, l’univers obscur de la pensée, les fantasmes et les histoires comme des algues, ou des poissons révélés par un rayon oblique. Ce que je ne sais pas vivre moi-même, ce que je ne sais pas que je vis».
Ainsi donc Akka, Mélissa, Nouk, Carlotta, Nils, Berg et les autres sont à la fois des êtres de chair et de sang et les représentations de nos fantasmes et de nos peurs, de nos violences et tristesses tues et de tout ce que nous n’osons jamais avouer. Rien n’est d’ailleurs dit ouvertement, c’est seulement suggéré et seule l’empathie d’un proche lui permet de deviner le mal-être d’autrui – ou lorsque l’on se reconnaît dans ces semi-confidences...
Un parfait satiriste.
Il y a sept ans, Régis Jauffretétait passé lui aussi par le cap de la cinquantaine : « Fragments de la vie des gens » était composé de cinquante-sept « romans » – le terme qu’il préférait à « récit » ou « nouvelle » – dans lesquels il décortiquait la vie de personnes ordinaires, anonymes, trop lâches ou trop faibles pour changer le cours de leur existence et qui passaient leur temps à subir la violence infligée par d’autres et à y répondre de la même façon.
Sa vision de l’homme et de la société a tellement peu changé que, dans « Microfictions », (2), c’est par cinq cents fois qu’il exprime sa colère et son dégoût, sa dérision aussi.
Méticuleux, il présente ses histoires par ordre alphabétique des titres, de « Albert Londres » à « Zoo », ce qui permet, en se référant à la table des matières, de piocher au gré de son humeur dans cette panoplie du parfait satiriste.
(1) Editions de l’Olivier, 338 p., 20 euros.
(2) Editions Gallimard, 1 025 p., 25 euros.
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