LE PLUS RECENT article que nous ayons consacré à Chesnot et Malbrunot remonte au 6 septembre, soit il y a exactement un mois. Persuadés, comme d'autres, que les deux otages allaient être incessamment libérés, nous n'avons pas voulu, par la suite, ajouter des commentaires qui auraient pu les mettre en danger. Il y a un mois, nous louions la méthode du gouvernement. Tout en nous étonnant de ce qu'il ait cru bon de rendre des comptes politiques à des terroristes, nous avons salué son alliance avec la communauté musulmane de France qui a apporté sa précieuse contribution et, du même coup, s'est engagée dans le sens de la laïcité.
ON PARDONNERAIT AU GOUVERNEMENT SES PETITES LACHETÉS S'IL OBTENAIT ENFIN LA LIBERATION DES OTAGES
Deux erreurs.
Un mois plus tard, on ne peut plus en rester là. Le gouvernement a commis une erreur, le 3 septembre, en annonçant que la libération des otages n'était plus qu'une question d'heures. Il a péché par impatience. Il en a commis une autre en s'appuyant exclusivement sur ses relations dans le monde arabe, certes extrêmement utiles, mais en rejetant l'aide du gouvernement en place à Bagdad. C'était une faute grave.
Le Premier ministre irakien a ressenti comme une humiliation le refus de la France de le reconnaître comme une des composantes de la solution. Il s'est déchaîné contre notre gouvernement. Pis : quand, au début de septembre, la libération de Chesnot et Malbrunot n'était plus qu'une question d'heures, les armées américaine et irakienne ont attaqué dans la région où les deux otages étaient localisés. On a compris par la suite que l'insécurité avait empêché leur retour vers Bagdad. On note que ce ne fut pas le cas des deux otages italiennes, dont le retour dans la capitale irakienne a été assuré grâce à la mise en place d'un couloir de sécurité.
Il ne suffisait donc pas d'avoir dans la manche le roi Abdallah de Jordanie et le conseil irakien des oulémas ; il fallait aussi associer le Premier ministre irakien, Iyad Allaoui, et le gouvernement américain, ne fût-ce que pour qu'il n'intervienne pas dans une affaire délicate. Quand l'occasion d'une libération a été perdue le 4 ou le 5 septembre dernier, le gouvernement français a laissé quelques journalistes dire que les Américains avaient fait exprès de lancer une offensive dans la zone même où se trouvaient les otages. On ne demande qu'à le croire. Ce qu'on ne croit pas, c'est que les Américains auraient mis en danger la vie de deux civils innocents si la diplomatie française les avait tenus informés de ses efforts.
Sous le secret, le vide.
Depuis le 6 septembre, le gouvernement, c'est clair, a perdu pied. Les sourires entendus de M. Raffarin, les expressions comme « confiance et prudence » ne disaient rien, et pour cause : à n'en pas douter, les tractations devaient rester secrètes, mais le secret, en l'occurrence, cachait un grand vide. En réalité, le gouvernement ne savait même plus qui détenait nos otages.
La mission que s'est attribuée Didier Julia la semaine dernière a eu lieu dans un climat de grand désarroi gouvernemental, utilement recouvert par le silence. On ne peut pas dire que, jusqu'à la fin de la semaine dernière, le gouvernement ait réellement désavoué M. Julia ; tout au plus a-t-il pris la précaution de dire que le député de la majorité agissait à son propre compte. C'était vendredi 1er octobre.
Lundi 4 octobre, M. Julia avait reconnu son échec et son aventure, qui l'a conduit de Paris à Damas dans avion ivoirien, ressemblait plus à une histoire de pieds-nickelés qu'à une démarche diplomatique. M. Julia avait, depuis longtemps, des relations avec le parti Baas en Syrie et en Irak, mais peut-être n'a-t-il pas compris que, depuis que Saddam Hussein est en prison, le Baas irakien n'existe plus ?
Si le gouvernement français n'avait pas voulu que M. Julia entreprenne sa démarche, il aurait pu l'empêcher. S'il ne pouvait l'empêcher, il lui appartenait de la condamner. On n'en voudra pas à nos dirigeants d'avoir peut-être pensé : « Laissons-le faire, s'il a une chance de réussir », mais après tout, ils sont bien mieux renseignés que nous ; et ils auraient dû se rendre compte que M. Julia avait un train de retard et que, s'il s'aventurait à l'aveuglette dans la fournaise irakienne, il fallait le décourager.
Lundi matin, tirs croisés sur M. Julia, coupable non seulement d'avoir échoué, mais d'avoir compromis les efforts de Michel Barnier, notre ministre des Affaires étrangères. Hier, c'était la faute des Américains et d'Allaoui, aujourd'hui c'est celle de Didier Julia et de son homme à tout faire, le dénommé Philippe Brett, qui a osé affirmer à une radio qu'il était en compagnie des deux otages alors qu'il se trouvait vraisemblablement à Bagdad ou mieux, à Damas.
Si MM. Julia et Brett n'étaient pas crédibles lundi dernier, ils ne l'étaient pas davantage trois jours plus tôt. Soucieux de montrer à quel point il est proche du monde arabe, le gouvernement est allé très loin. D'emblée, le président Jacques Chirac a cru bon d'expliquer aux terroristes la politique de la France, alors qu'il devait s'interdire de s'adresser à eux, fût-ce de façon détournée ; et à propos du projet de conférence internationale sur l'Irak, M. Barnier a demandé que les factions de la « résistance » (si on a bien compris, il s'agit des terroristes, ceux-là mêmes qui détiennent nos deux concitoyens) soient représentées à la réunion.
La France n'a-t-elle pas poussé le bouchon un peu loin ? Nous serions tout prêts à pardonner au gouvernement ses petites lâchetés s'il obtenait enfin la libération des otages. Car rien ne vaut une vie, sinon deux vies. Mais on voudrait être sûr que le montant moral déjà payé par la France n'a pas été versé en pure perte.
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