Hépatites chroniques B et C

Coup d’oeil sur les médicaments de demain

Publié le 07/06/2006
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HépatiteC chronique

En ce qui concerne l’hépatite C chronique, de nombreuses molécules sont en cours de développement proche ou plus lointain. Quatre catégories principales sont en cours d’études : les nouveaux interférons (IFN), les analogues de la ribavirine, les inhibiteurs spécifiques du VHC et les thérapies immunologiques.

L’objectif de la recherche ciblée sur de nouveaux interférons est d’obtenir des molécules ayant les mêmes caractéristiques que l’interféron alpha (activité antivirale, antiproliférative et immunomodulatrice), mais plus puissantes, plus faciles à administrer et mieux tolérées.

L’Albuferon (Laboratoire Human Genome Sciences) est une nouvelle protéine recombinante obtenue par la fusion entre l’interféron alpha 2b et une molécule d’albumine humaine sérique. Cette nouvelle forme a l’avantage de combiner les propriétés antivirales de l’interféron avec la longue demi-vie de l’albumine, ce qui augmente sa durée d’action (demi-vie moyenne de 143 heures) et permet une administration tous les quinze jours. Des interférons puissants issus du génie génétique sont également en cours de développement.

Une prodrogue de la ribavirine

La ribavirine améliore l’efficacité de l’interféron, mais augmente de manière dose-dépendante le risque d’anémie hémolytique en raison d’une accumulation dans les érythrocytes où sa concentration est beaucoup plus élevée que dans le plasma.

La recherche s’est orientée vers le développement de molécules aussi efficaces que la ribavirine sans en avoir les effets délétères.

La viramidine (Laboratoire Valeant) est une prodrogue de la ribavirine qui est rapidement convertie dans le foie en ribavirine. Dans ces conditions, la concentration des érythrocytes en ribavirine est beaucoup plus faible.

Une étude de phase III comparant l’efficacité de l’association IFN - PEG-viramidine à celle de l’association IFN - PEG-ribavirine a montré des taux de réponses virologiques inférieurs, avec une réduction significative de l’incidence des anémies hémolytiques (hémoglobine inférieure à 10 g/dl) chez les patients traités par viramidine. Des doses plus élevées de viramidine seront probablement nécessaires pour en améliorer l’efficacité.

Inhibiteurs spécifiques du VHC

Un grand nombre d’inhibiteurs spécifiques du VHC sont en phase préclinique ou clinique précoce de développement.

Quatre molécules sont les plus avancées dans leur développement :

– la valopicitabine ou NM283 (Laboratoires Idenix-Novartis) et le R1626 (Roche), nouveaux analogues nucléosidiques qui inhibent la polymérase, enzyme spécifique du VHC ;

– deux inhibiteurs de protéase à sérine NS3, enzyme dont l’activité est essentielle pour la réplication du VHC : le VX950 (Laboratoire Vertex) et le SCH 50-30-34 (Laboratoire Schering-Plough).

Ces inhibiteurs, qui s’administrent par voie orale, ont fait la preuve d’une activité antivirale très puissante en association à l’interféron alpha pégylé chez des patients atteints d’hépatite C (virus de génotype 1).

Les recherches se poursuivent dans le domaine des immunomodulateurs. Plusieurs molécules susceptibles de stimuler l’immunité et des vaccins thérapeutiques sont en cours d’évaluation, mais, actuellement, aucun résultat clinique les concernant n’a encore été obtenu.

La plupart de ces nouvelles molécules ne seront pas disponibles en pratique clinique avant un délai de cinq à sept ans dans le meilleur des cas...

Hépatite chronique B

Deux groupes de médicaments sont aujourd’hui utilisés dans le traitement de l’hépatite B chronique : d’une part, les interférons alpha et, comme dans le traitement de l’hépatite C, les interférons pégylés sont en train de supplanter les interférons alpha standards ; d’autre part, deux inhibiteurs spécifiques du virus de l’hépatite B (VHB) : la lamivudine (analogue nucléosidique de la cytidine) et l’adefovir dipivoxil (analogue nucléotidique de l’adénosine monophosphate).

L’entecavir (analogue structural de la guanosine nucléoside), approuvé depuis près d’un an aux Etats-Unis, devrait obtenir une autorisation de mise sur le marché (AMM) européenne d’ici à la fin de l’année.

Plusieurs autres molécules sont à un stade avancé de développement clinique :

– la telbivudine (L-dT) (phase III) ;

– le ténofovir disopoxil, indiqué dans le traitement de l’infection par le VIH, mais qui n’a pas d’AMM pour le traitement de l’hépatite B (phase III) ;

– la combinaison de deux inhibiteurs nucléosidiques de la polymérase du VHB et de la transcriptase inverse du VIH : le ténofovir et l’emtricitabine (FTC) commercialisé sous le nom de Truvada‚ par le Laboratoire Gilead, mise à disposition depuis janvier 2006 pour le traitement dans l’infection par le VIH (phase III).

Parmi les nombreuses autres molécules en phase plus précoce de développement, certaines sont particulièrement intéressantes, notamment la clévudine (phase II), le pradefovir (phase II) et la L-dC (valtorcitabine).

Les objectifs du traitement de l’hépatite B chronique sont de contrôler la multiplication virale, si possible de manière durable, pour prévenir la progression de l’atteinte hépatique, l’évolution vers la cirrhose et le carcinome hépatocellulaire.

L’interféron alpha est plutôt un traitement à court terme permettant d’obtenir chez certains patients une disparition de l’AgHBe et une séroconversion anti-HBe durable.

Les inhibiteurs spécifiques du VHB (lamivudine ou adénofir) seront le plus souvent prescrits à long terme et parfois même prolongés indéfiniment à des patients pour lesquels il est très important de diminuer le plus possible la réplication virale et d’obtenir une séroconversion qui persiste le plus longtemps possible.

Le traitement au long cours augmente le taux de réponse prolongée, mais son efficacité est limitée par le risque d’échappement viral lié à la sélection des mutations de résistance.

Diminuer la résistance au traitement

Devant cette situation, les objectifs sont, d’une part, de trouver des molécules de plus en plus puissantes (aujourd’hui les plus puissantes sont le ténofovir et l’entécavir) et, d’autre part, de diminuer la résistance au traitement.

Pour ce faire, le meilleur moyen est le recours à des combinaisons thérapeutiques. L’existence de nombreuses résistances croisées limite les possibilités de combinaisons. La solution aujourd’hui est la combinaison d’un analogue nucléosidique qui a le même profil de résistance que la lamivudine et un analogue nucléotidique qui a un profil de résistance différent.

Les perspectives

L’hépatite B a une particularité : l’ADN-VHB superenroulé cccDNA forme persistante du VHB dans les cellules n’est pas accessible aux traitements actuels. Il persiste dans les noyaux des cellules infectées et peut être à tout moment la source d’une reprise de la réplication virale.

A la différence de l’hépatite C, l’hépatite B chronique n’est pas curable puisqu’il ne peut y avoir d’éradication complète du virus.

L’objectif de la recherche est non seulement de développer des traitements capables d’inhiber la réplication virale, mais aussi de pouvoir « débarrasser » les cellules infectées de cette forme particulière du VHB.

D’après un entretien avec le Pr Jean-Michel Pawlotsky (service de virologie, hôpital Henri-Mondor, Créteil).

Dr MICHELINE FOURCADE

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7974