L’ÉQUIPE DU Dr S. SOARES (Valence, Espagne) travaille dans une banque d’ovocytes qui pratique un grand nombre de prélèvements et de réimplantations (785 entre janvier 2002 et juin 2005). Les dossiers médicaux des femmes donneuses sont très complets puisqu’ils comprennent des données sur l’histoire médicale personnelle et familiale, l’exposition aux radiations et aux toxiques chimiques, la notion d’utilisation de drogues par voie intraveineuse dans le passé, la consommation d’alcool et de tabac. Toutes les donneuses incluses dans l’étude sur le devenir des 785 implantations étaient âgées de 18 à 35 ans. Elles avaient reçu un protocole thérapeutique contenant un agoniste de la GnRH suivi d’une stimulation ovarienne hormonale par FSH et gonadotrophine. Les dosages étaient ajustés aux valeurs sériques hormonales. Les femmes incluses dans cette banque d’ovocytes ne devaient pas présenter de pathologies chroniques ni fumer plus de 10 cigarettes par jour.
Tous les ovules ont été fécondés et réinjectés à des femmes qui présentaient des troubles de la fertilité en rapport avec une cause ovarienne : ménopause précoce, impossibilité à concevoir après trois tentatives de fécondation in vitro menées avec leurs propres ovocytes, anomalies chromosomiques ou génétiques, réponses inadéquates à la stimulation ovarienne.
Implantation au 14e jour du cycle.
Les receveuses ont été traitées par stimulation hormonale adaptée à leur pathologie propre et les embryons ont été implantés au 14e jour du cycle si les taux estrogéniques et l’épaisseur de la muqueuse endométriale étaient dans les limites fixées par avance.
«Le taux global de grossesse était plus élevé chez les femmes qui fumaient moins de 10cigarettes par jour que chez les plus grosses fumeuses: 52,2% contre 34,1%. A l’inverse, par rapport aux non-fumeuses, la consommation modérée de tabac n’influe pas de façon significative sur les possibilités de grossesse. Après ajustement pour le tabagisme paternel et pour certains autres facteurs influant sur la fertilité tels que la consommation d’alcool par la mère, ces résultats sont restés identiques», analysent les auteurs. Il semblerait donc que le tabagisme influe négativement sur la fonction utérine par des facteurs mécaniques ou biochimiques. Cet effet pourrait être lié à l’induction endogène d’enzymes, d’hormones, de facteurs de croissance ou de cytokines qui altéreraient la fonction cellulaire endométriale.
Grossesses multiples paradoxales.
Le travail de l’équipe du Dr Soares a aussi montré que le taux de grossesses multiples était plus élevé chez les fumeuses consommant plus de 10 cigarettes par jour que chez les autres femmes, y compris les non-fumeuses. Cet effet paradoxal du tabac pourrait s’expliquer par une altération des concentrations en estrogènes et en gonadotrophines induisant une majoration du taux de grossesses dizygotes. Par ailleurs, certains toxiques contenus dans la fumée du tabac tels que le cadmium pourraient inhiber l’activité P 450, ce qui conduirait à de meilleures possibilités de nidation dans l’endomètre et, à terme, à un taux de grossesses multiples majoré.
Pour les auteurs, «il est important de sensibiliser les femmes qui reçoivent les implantations embryonnaires issues de dons d’ovocytes au risque majoré de fausse couche lié au tabagisme».
« Human Reproduction », édition avancée en ligne.
Ovaires, trompes, spermatozoïdes, placenta
La consommation de tabac influe de façon tangible sur différents paramètres impliqués dans la fonction reproductive. Chez les fumeuses, la réserve ovarienne diminue de façon significative, ce qui a été prouvé dès la fin des années 1970 avec le développement des techniques de procréation médicalement assistée. Outre cette baisse des ovocytes, il existe une moindre sensibilité à la stimulation hormonale chez les femmes qui fument plus de 10 cigarettes par jour. L’incidence des grossesses ectopiques en rapport avec une dysfonction tubaire est aussi corrélée, à la consommation de tabac. Des études expérimentales tendraient par ailleurs à prouver que les substances nocives contenues dans le tabac pourraient influer sur des facteurs cervicaux de la reproduction.
Chez l’homme, la cigarette induit une majoration du taux d’anomalies chromosomiques des spermatozoïdes et influe de façon négative sur leur nombre et leur mobilité. Enfin, le tabagisme entraîne des modifications de la circulation sanguine placentaire qui peut se traduire par une majoration du risque de fausse couche.
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