LA HAUSSE DES PRIX du pétrole a fini par avoir raison du solide optimisme des acteurs financiers : des tendances inflationnistes non négligeables se sont manifestées aux Etats-Unis, en Europe et en Asie, qui ont entraîné des hausses des taux d’intérêt, surtout aux Etats-Unis ; et la Banque centrale européenne a suivi le mouvement, tandis qu’au Japon le loyer de l’argent, qui s’est longtemps situé à zéro, commence à coûter un peu. Il n’y a pas eu de baisse brutale, mais des baisses suivies de hausses, puis de nouveau des baisses, de sorte que la forte progression des indices depuis le début de l’année a été complètement effacée.
Les ménages sont peu affectés par les caprices de la Bourse, surtout en France où l’engouement pour la spéculation est rare. Mais, chaque fois qu’un indice baisse de façon rationnelle, c’est-à-dire sous l’effet de données économiques réelles et non imaginaires, l’économie générale finit par s’en ressentir.
Le bâtiment va moins bien.
Le premier constat est que le pétrole cher va constituer une donnée durable, et probablement pour de nombreuses années ; or le prix de l’énergie finit, tôt ou tard, par irradier toute l’économie. Comme les banques centrales, en présence d’une inflation qui, sans être excessive, n’en est pas moins tenace, n’ont pas d’autre choix que d’augmenter les taux de base, la hausse du loyer de l’argent se traduit à court terme par un effet modérateur de la croissance économique. On en sent les prémices aux Etats-Unis dont l’expansion, comme dans la plupart des pays, est tirée principalement par l’immobilier. On en attend des effets en France, où le prix des logements commence à se stabiliser après deux fortes hausses en 2004 et 2005.
Néanmoins, le bâtiment français devrait être moins affecté parce qu’il va être tiré par les constructions de logements sociaux que le gouvernement a décidées.
Il n’en demeure pas moins que les jeunes ménages français, qui, souvent aidés par leurs parents pour l’achat de leur premier logement, ont consenti, au nom de l’argent bon marché, à payer cher leur acquisition, risquent de se retrouver dépassés par l’ampleur de leur endettement. Le boom de l’immobilier en France a d’ailleurs eu pour corollaire une diminution de l’épargne. Et on peut craindre que ceux qui se sont endettés pour trente ans afin d’acquérir un logement disposent d’un bien dont la valeur va diminuer à cause de l’affaiblissement du marché.
Cet exemple suffit à montrer que la baisse des cours boursiers est parfois le signe avant-coureur d’un malaise plus sérieux qui finit par affecter les familles. Cependant, la demande de logements reste forte ; le taux d’épargne en France demeure élevé ; la baisse éventuelle du mètre carré peut compenser la hausse des taux d’intérêt.
Jusqu’à l’année dernière, les économies mondiales semblaient capables d’absorber sans difficulté la hausse du prix du pétrole. La dépendance des pays consommateurs a en effet beaucoup diminué depuis trente ans, notamment en France où l’électricité nucléaire a pris depuis longtemps le relais de l’or noir. La croissance de la Chine, de l’Inde et du Brésil a accru de façon exponentielle leurs besoins en matières premières, dont les prix ont augmenté très vivement, ce qui a d’ailleurs constitué un bonus pour les pays producteurs, souvent pauvres.
Des progrès fragiles.
En Afrique, par exemple, la hausse des prix des matières premières a entraîné une croissance de 5 % par an ; au Chili, la hausse du cuivre a permis à l’Etat d’engranger des excédents considérables. La Russie aussi accumule des excédents commerciaux qui ont permis une hausse remarquable du niveau de vie depuis trois ans.
LA HAUSSE DU PRIX DU PETROLE A FINI PAR AVOIR DES EFFETS INFLATIONNISTES
Mais ces progrès sont fragiles : les bourses des pays émergents ont chuté à un rythme beaucoup plus rapide qu’en Europe et aux Etats-Unis, même si les gains précédents ne sont qu’en partie entamés. On ne saurait écarter complètement l’hypothèse d’un éclatement de la bulle. Si cette hypothèse se vérifiait dans les mois à venir, il est improbable que les Etats-Unis apportent aux économies en développement la bouffée d’oxygène qu’elles leur ont donnée dans les crises financières précédentes (Mexique, Asie, Russie) en augmentant leurs importations. La consommation des Américains est déjà excessive, avec un déficit de la balance commerciale qui bat tous les records et s’ajoute à un important déficit public et à une dette colossale. L’endettement des ménages américains s’ajoute à l’endettement national, de sorte que les marges de manoeuvre sont inexistantes.
On parle beaucoup d’une dévaluation defacto du dollar sous la pression des marchés. Une telle dévaluation rétablirait quelques équilibres fondamentaux, en réduisant le déficit commercial ; elle serait sans doute accompagnée par d’autres changements monétaires (le yuan chinois doit être réévalué). En Europe, un euro fort gênerait nos exportations et réduirait notre taux de croissance.
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