Faible friction
Historiquement, lorsque le pionnier de la chirurgie arthroplastique moderne de hanche, le Britannique John Charnley, a popularisé cette intervention, ce fut grâce à la découverte d’un couple de surfaces articulaires prothétiques à faible degré de friction : ce couple de matériaux de référence qui a permis à la prothèse de hanche de devenir une intervention « de routine quotidienne » fut le couple métal-polyéthylène. Ce couple se substituait, de façon plus ou moins empirique, à un couple moins performant sur la durée, bien que souvent encourageant dans ses résultats préliminaires, le couple métal-métal.
Le principe conceptuel de base que venait d’établir le Britannique, ingénieur de formation avant d’être chirurgien, était l’usage exclusif de cette Low Friction Arthroplasty. La solution technique exclusive qu’il préconisait, cette prothèse à faible frottement (ou à glissement optimisé), était une tête fémorale de très faible diamètre (22 mm) couplée à un cotyle prothétique en polyéthylène à haute densité moléculaire.
Si cette expérience du début des années 1960 apparaissait effectivement révolutionnaire, dans la mesure où elle rendait fiable et, donc, accessible à des milliers de patients cette intervention, elle ouvrait par la même occasion la voie à une recherche biomécanique avide de perfectionnisme. L’initiative d’un chirurgien français parisien, installé à Pau, le Dr Boutin, introduisant en 1970 des surfaces articulaires alumine-alumine, allait remettre en question les dogmes, supposés intangibles, établis par Charnley et mettre en lumière, au fur et à mesure qu’avançait l’expérience clinique, que la problématique ne se cantonnait pas à la basse friction. Si cette dernière représentait un paramètre essentiel du cahier des charges de mise au point d’une prothèse durable, il fallait aussi inclure les notions suivantes : faible tendance, au fil des années, à l’usure d’une ou des surfaces ; faible émission de débris d’usure dans l’environnement (articulaire) arthroplastique ; bonne tolérance des débris d’usure (éventuellement émis).
Réactions aux débris
Dans le cadre d’une recherche fondamentale et clinique, l’école chirurgicale orthopédique parisienne du CHU Saint-Louis - Lariboisière, dirigée par le Pr Witvoet, puis par le Pr Sedel, a fait avancer ce concept, dont l’élément fondamental demeurait la présence d’une interface articulaire alumine-alumine. Des études histopathologiques chez l’animal et chez l’homme ont cherché à apprécier les réactions tissulaires de proximité aux débris d’usure. Des études biomécaniques et tribologiques soumettant, en laboratoire, des systèmes porteurs de la prothèse à des cycles de charges et de contraintes répétitifs ont permis d’évaluer – de façon prédictive – le comportement de la prothèse. Des études de structures chimiques, de mouillabilité, de résistance à la fracture ont participé à la mise au point de générations successives de prothèses. La recherche clinique évaluant les performances de ces générations prothétiques successives n’a modifié les paramètres qu’un à un, afin de disposer de séries homogènes et analysables : usage ou non de ciment, diamètre de la tête, rectification de la géométrie du cône, support de la tête prothétique sphérique, ou de la charpente hémisphérique métallique, support de la cavité acétabulaire, revêtement par hydroxyapatite ou non de ces éléments métalliques pour en faciliter l’ostéo-intégration...
Quatre générations
Au fil d’une expérience de trente-cinq ans, après avoir vu apparaître quatre générations successives d’implants (sans modification drastique de la géométrie anatomique d’origine), la quasi-totalité des reproches que l’on avait cru (en partie par dogmatisme) pouvoir faire au couple céramique-céramique ont été éliminés ou graduellement relativisés (une douzaine de fractures pour cinq mille cinq cents implantations dans une série récente). La technologie industrielle des céramiques de dernière génération en a modifié la structure moléculaire, la rendant beaucoup plus résistante aux fractures ou à l’usure. L’événement spectaculaire, plus que chirurgicalement catastrophique, que constitue la fracture d’un composant céramique est devenu exceptionnel. A noter, également, la survenue occasionnelle de bruits, perçus par le patient, sur quelques-unes de ces prothèses.
Exigences
Les résultats cliniques observés dans des études de « survie » (ou de persistance au sein du patient) de l’implant installent le couple céramique-céramique dans le groupe des systèmes les plus performants sur le long terme. Bien entendu, la démonstration de cette qualité de résultats cliniques ne reste possible que si l’ensemble des autres exigences relatives aux implants est respecté : mode de fixation squelettique, spécificités du dessin du cône porteur de la tête ou de la coque acétabulaire hébergeant le cotyle en céramique.
Au total, sur la base de ressources technologiques françaises et d’idées innovantes, également françaises, tout un chapitre de la chirurgie orthopédique prothétique que l’on croyait immuable a été clarifié et probablement réécrit. C’est cette contribution des équipes françaises à la chirurgie orthopédique mondiale que le Congrès de l’IOA à Tel-Aviv a voulu saluer en honorant le Pr Sedel et la Sofcot.
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