Réforme de l'hôpital

Coudreau : « Il faut un portage politique fort »

Publié le 16/06/2008
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INVITÉ DANS le cadre des Amphis de la santé (ACIP, ESSEC, « le Quotidien ») à se pencher sur la question « La réforme Larcher, menace ou opportunité pour l'hospitalisation privée ? », Dominique Coudreau ne s'est pas privé de coiffer ses multiples casquettes pour formuler sa réponse – et élargir le débat.

L'actuel président du GIP-DMP, par ailleurs conseiller du président du directoire de Générale de Santé, fut dans d'autres vies un énarque habitué des cabinets ministériels, un pilote de l'assurance-maladie (directeur de la CNAM), un patron de cliniques (Hexagone Hospitalisation), un directeur d'ARH (Île-de-France)… Autant de points de vue originaux pour observer une future réforme dont Dominique Coudreau, constatant l'investissement personnel de Nicolas Sarkozy, se réjouit qu'elle soit le fruit d' «une décision politique murie». «Le dossier est tellement lourd qu'il a besoin d'un portage politique fort. Sans cela, il s'enlise», rappelle-t-il. Autre motif de satisfaction pour Dominique Coudreau : la diplomatie dont a su faire preuve Gérard Larcher pour tracer les pistes de la réforme. «La surprise, alors que le rapport Larcher n'est pas de l'eau tiède, c'est que sur un sujet aussi délicat, au moment où les hôpitaux sont si mal… ses propositions sont passées.» Dominique Coudreau relève plusieurs innovations particulièrement audacieuses. Il note par exemple que «le rapport dit implicitement que les maires ne seront plus automatiquement présidents du conseil de surveillance des hôpitaux: c'est un très grand changement par rapport à la pratique française». Il constate aussi «la fin du monopole de l'école de Rennes» pour le corps des directeurs d'hôpital. Quant à la modernisation programmée du statut des hôpitaux publics, où les agents comptables vont par exemple céder la place aux commissaires aux comptes, il estime qu'elle les «rapproche beaucoup d'une entreprise privée». Du côté des médecins, il souligne que la réforme les place «dans un processus de gouvernance où l'on peut mettre fin aux fonctions de ceux qui ne travaillent pas ou de ceux qui travaillent mal».

La place des cliniques reconnue.

Dominique Coudreau se félicite en outre de voir, fait à ses yeux sans précédent, la place des cliniques dans le système de soins reconnue par Gérard Larcher. «Il est dit dans le rapport que, dans un certain nombre d'endroits, les cliniques privées jouent un rôle irremplaçable. C'est important.» Sur ce chapitre, l'ancien directeur d'ARH se souvient de «terribles guerres de religion» entre les secteurs public et privé. «Il y a, accuse-t-il, des rémanences idéologiques qui pourrissent le climat.» Dominique Coudreau regrette aussi de lire dans la presse la concurrence public/privé résumée en «combat des apôtres et des voleurs». «Cette vision, dit-il, est un peu excessive, elle ne simplifie pas la réflexion.»

Pour autant, l'homme reste pragmatique. Si l'on donne des concessions de service public aux cliniques, alors il faut que les missions concernées «soient très précisément définies». «Dire qu'une clinique fait de la permanence des soins, c'est très bien, mais, concrètement, cela veut dire quoi? Quels services doivent être ouverts et de quelle heure à quelle heure? Qui doit être d'astreinte…? Tout cela doit être écrit et tout cela doit être compté» – sous-entendu, l'opération n'a rien d'évident.

Pas gagné non plus : le souhait émis par Gérard Larcher de limiter la marge d'action des gros investisseurs sur le marché des cliniques. «Il faut une clause dans le droit de la concurrence, remarque Dominique Coudreau, c'est très compliqué à mettre en oeuvre. Les parlementaires se débrouilleront!» Fin connaisseur de l'histoire des cliniques françaises, il note que, spécificité de notre système, «en l'absence de capitaux français» – les investisseurs hexagonaux ne se bousculent pas au portillon d'un secteur qu'ils connaissent mal et jugent trop contrôlé par la puissance publique –, «le besoin de capitaux pour la constitution de grands hôpitaux privés accroît la part des investisseurs étrangers». Ironie de l'histoire, Dominique Coudreau explique que si les financiers étrangers se précipitent sur les cliniques françaises, c'est qu'ils ont bien compris qu'il y avait des parts de marché à récupérer du fait… «de la dégradation de l'hôpital public».

> KARINE PIGANEAU

Source : lequotidiendumedecin.fr: 8393