ON PENSE, notamment, à l'annonce d'une politique de « rigueur » par Christine Lagarde, ministre de l'Economie, qui a contraint le Premier ministre à monter au front pour tenter de prévenir le mécontentement éventuel de l'opinion publique. La réaction de M. Fillon aura été surprenante : Mme Lagarde parlait de la nécessité de contenir les dépenses budgétaires ; le mot rigueur n'est pas le mot austérité. Mais bien sûr, l'opposition s'est emparée de l'expression pour comparer une fois de plus « les quinze milliards accordés aux riches » et le tour de vis budgétaire que tous les autres allaient payer. Ce n'est pas de la bonne polémique et l'obsession des médias devient telle, à tous les niveaux du pouvoir, qu'il finit par avoir peur de son ombre. Mme Lagarde qui, pour avoir dirigé naguère un cabinet d'avocats comprenant des milliers d'employés, ne risque pas de parler à la légère.
LES DISSONANCES DU GOUVERNEMENT SONT SOUVENT ATTRIBUABLES A SARKOZY
Des ministres qui ont raison.
D'ailleurs, les mises au point de Nicolas Sarkozy et de François Fillon ne sont pas toujours justifiées. On se souvient que, avant l'été, Eric Woerth, ministre du Budget, avait exclu de la nouvelle déduction fiscale les achats immobiliers antérieurs au 6 mai 2007. L'Elysée a alors fait savoir que ces achats antérieurs étaient bel et bien concernés. Le Conseil constitutionnel n'en a pas voulu pour des raisons liées, justement, à la « rigueur » budgétaire, alors qu'il lui aurait suffi de rappeler la sacro-sainte non-rétroactivité des lois, que seul le régime de Vichy a adoptée. M. Woerth avait donc raison.
Plus tard, M. Sarkozy a chargé Valérie Précresse, ministre de l'Enseignement supérieur, de mettre en place la réforme des universités. Mme Pécresse s'est engagée dans une négociation extrêmement difficile avec les étudiants et les enseignants sur la base d'un projet qui exigeait des uns et des autres beaucoup de concessions. Losque la réforme a paru compromise, le président de la République a fait machine arrière et contraint Mme Pécresse de réviser le projet. Là encore, la ministre ne pouvait pas savoir que le président changerait d'avis et accepterait en définitive une réforme beaucoup moins profonde.
Personne n'a oublié non plus que le projet de TVA sociale est différé sine die depuis que Jean-Louis Borloo a été piégé sur le sujet par Laurent Fabius. C'est de cette manière que M. Borloo est passé de l'Economie dans le premier gouvernement Fillon à l'Environnement dans le second. Dans chacun de ces exemples, les ministres ont été désavoués d'une manière ou d'une autre alors qu'ils se contentaient d'obéir aux instructions de M. Sarkozy ou de dire la vérité : on accuse M. Borloo d'avoir permis l'élection d'un plus grand nombres de députés socialistes aux élections législatives ; il demeure qu'on ne nous a toujours pas dit si la TVA sociale est une bonne ou une mauvaise chose. Tout ce qu'on sait, c'est qu'elle a été appliquée avec succès par l'Allemagne, ce qui n'empêche pas de nombreuses voix, de droite et de gauche, de s'élever contre elle. Bien entendu, il n'est pas certain que ce qui marche en Allemagne fonctionnerait en France, mais nous avons, collectivement, la regrettable tendance à dénigrer les idées qui viennent de l'étranger, même si ces idées produisent des résultats.
Charivari à la Justice.
Le dernier exemple de dysfonctionnement du gouvernement vient du ministère de la Justice, qui semble traverser une période noire, pour ne pas dire infernale. D'abord, il est clair que la loi sur la récidive s'ajoute à un arsenal de lois répressives qui ne semblent pas avoir diminué la criminalité en France, et qu'elle est mal vécue par le corps judiciaire. Dans ce domaine, on quitte la sémantique pour aborder une question de fond : Nicolas Sarkozy veut tenir une promesse électorale, celle d'une justice plus dure, qui a lui valu beaucoup de voix de l'extrême droite. Ensuite, il a nommé Rachida Dati au poste de garde des Sceaux, ce qui a émerveillé la France ; il demeure que la ministre de la Justice est maintenant engagée dans la mise en oeuvre d'un certain nombre de dispositions que le corps judiciaire, lassé par l'accumulation de nouvelles lois et dans l'ensemble mécontent de la mainmise du gouvernement sur la magistrature, refuse d'appliquer ; en tout cas, il oppose une résistance passive.
On ne sait pas trop ce qui se passe au ministère de la Justice, mais les démissions s'y multiplient, quand certains membres du cabinet de Mme Dati ne sont pas purement et simplement congédiés. Cela pose deux problèmes : le premier porte sur la nécessité, pour le gouvernement, d'avoir des relations sereines avec les magistrats et de protéger leur indépendance ; le second porte sur l'autorité de Rachida Dati, qui ne semble gouverner qu'en montrant la porte à ses collaborateurs. Or le pouvoir absolu n'existe pas ; le pouvoir, de nos jours, ne peut être exercé que si celui qui le possède recueille les avis pour en faire la synthèse. Il est possible que Mme Dati n'ait pas été suffisamment préparée à l'exercice de ses importantes prérogatives, qui n'ont été précédées par aucune fonction qui aurait pu la roder. Quoi qu'il en soit, il est impératif que le ministère revienne au calme et que la ministre se réconcilie avec la magistrature si elle veut rester crédible.
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