O N préfèrera un débat sur l'avenir de la Corse à une polémique sur Loft Story. Le projet de loi sur la Corse, préparé par le gouvernement et les militants nationalistes en juillet dernier, fait l'objet d'une discussion en première lecture à l'Assemblée. Pas moins de 263 amendements ont été déposés.
Si, grosso modo, on sait que le PS votera pour et le RPR contre, l'UDF est profondément divisée puisque les retouches apportées par le gouvernement en vue du passage du texte devant le Conseil constitutionnel ont rallié une partie des centristes mais n'ont pas convaincu les autres, qui s'abstiendront ou voteront contre.
Sur la Corse aussi, le président de la République, qui se dit par ailleurs très favorable à la décentralisation, a émis des réserves. C'est une bataille où il trouve des alliés, ceux de sa famille politique mais aussi le MDC de Jean-Pierre Chevènement et les amis de Charles Pasqua. En revanche, Valéry Giscard d'Estaing et Raymond Barre se sont prononcés en faveur du projet de loi.
Les chances de l'accord
Les partisans du texte raillent ses détracteurs qu'ils désignent comme des jacobins impénitents et passéistes. Mais d'abord, le jacobinisme n'a pas toujours été une tare, surtout lorsqu'il a assuré l'unité d'un pays en pleine révolution, donc en plein désordre et menacé ; et puis, on n'a besoin d'être ni pasquaïen ni chevènementiste pour souhaiter que les Corses demeurent français. Si encore on avait prouvé qu'ils veulent prendre le large...
Très politiquement, Lionel Jospin a choisi les nationalistes purs et durs pour élaborer avec eux un accord durable qui ne s'effondrera pas sous la violence ; il s'est dispensé, comme toujours, de l'aval du président, de même qu'il a fait inverser le calendrier électoral contre l'avis du chef de l'Etat ; il a obtenu, ce qui n'est pas un mince résultat, une diminution des actes de violence dans l'île de beauté, alors qu'on avait assisté à une recrudescence des attentats au lendemain de la signature des accords, ce qui avait donné un argument solide mais éphémère à ceux qui y étaient hostiles.
En outre, le projet a maintenant de très bonnes chances d'être avalisé par le Conseil constitutionnel et, s'il l'est, cela signifiera qu'il ne porte pas vraiment atteinte à l'unité de la république. Enfin, le corse est déjà enseigné dans les écoles de l'île et personne ne peut dire avec certitude que la spécifité corse distendra les liens des Corses avec la France.
Il n'empêche que, dans cette affaire, on voudrait, en premier lieu, avoir la conviction qu'une majorité de Corses approuve le projet, ce dont on doute dès lors que les exigences maximalistes proviennent d'une minorité militante et souvent violente. Et que c'est avec cette minorité (certes avec le concours aussi de l'Assemblée corse) que le gouvernement a choisi de négocier. Les Corses constatent, pour leur part, que le niveau de violence a beaucoup baissé et, du coup, ils y voient le résultat des promesses faites par Paris aux nationalistes. Mais ils ne sont pas unanimes, loin de là, à approuver l'accord.
On peut considérer le nouveau statut de la Corse de deux manières : comme le laboratoire d'une décentralisation qui sera appliquée au reste de la France, pour le bénéfice de toutes les régions ; ou comme le début d'un mouvement centrifuge qui affaiblira les institutions nationales et l'autorité de l'Etat.
Il y a un mot dont tous les partisans du projet se servent comme d'un étendard : liberté. Ils veulent que les Corses soient libres de gérer leurs affaires comme ils l'entendent et, plus tard, les Bretons, les Basques, les Savoyards, les Alsaciens. Avec ce puissant atout moral, ils apparaissent comme les détenteurs de la vérité, car la liberté, n'est-ce pas, n'a pas de limites.
Un dénominateur commun
C'est pourtant un raisonnement dangereux. Des communautés régionales existent qui doivent certes prospérer, un peu comme de grandes familles dont le langage, les habitudes et les traditions renforcent la convivialité.
Mais il faut aussi à tous les Français un dénominateur commun. Il est d'abord exprimé par le langage qui permet à tous les citoyens de ce pays de disposer d'un moyen primordial de communication et d'être instantanément ensemble dans les moments de crise et dans les périodes sombres ; il s'inscrit aussi dans le destin national si surviennent une crise, une guerre, ou un problème qui affecte le fonctionnement des institutions.
Enfin, ce dénominateur commun est le seul facteur réellement efficace et puissant d'assimilation des immigrés d'aujourd'hui ou d'hier, ou de leurs enfants. Les immigrés sont souvent plus nationalistes que les Français dits de souche, parce qu'ils ont choisi leur patrie. Loin de vouloir le contester, la plupart, sinon tous, vénèrent l'ordre établi par la République. Si on leur envoie un message selon lequel leurs différences sont assez grandes pour qu'ils constituent leur propre entité au sein de la République, quand seront-ils assimilés ?
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