Décidément, les infirmiers essuient les plâtres de beaucoup de réformes inédites : à l’hôpital, le gouvernement a troqué cet été allongement de carrière contre revalorisations salariales ; en ville, la cnamts a testé il y a deux ans sur les infirmières un premier modèle de numerus clausus au conventionnement. Les infirmières libérales sont en effet les premières à avoir signé un accord au sujet de leur répartition sur le territoire, mais sûrement pas les dernières. L’Assurance-maladie a tiré jeudi un premier bilan de cet avenant qu’elle avait signé en 2008 avec les représentants des infirmiers libéraux pour tenter de remédier aux disparités énormes dans la présence de cette profession selon les départements français.
Ainsi, les effectifs d’infirmiers installés dans les zones définies comme très sous-dotées ont fortement progressé : +11 % entre avril 2009 et janvier 2010 pour une hausse nationale moyenne de 2,4 %. Dans ces endroits, les professionnels bénéficient, en contrepartie de quelques engagements notamment d’exercice de groupe et de remplacement en cas d’absence, d’un coup de pouce de 3 000 euros par an sur une période de trois ans. À l’inverse dans les zones très sur-dotées, l’installation d’une nouvelle infirmière est conditionnée au départ d’une autre. Résultat : leur nombre dans ces zones a diminué de 3 % sur la même période alors qu’il était encore en augmentation de 5 % l’année précédente.
Le déséquilibre démographique demeure
Il reste que ces évolutions n’influent que sur les marges. Sur les neuf premiers mois, 380 infirmières ont adhéré à ce contrat dans les zones très sous-dotées, soit plus de 40 % des professionnels éligibles. Un quart de ces contrats signés en 2009 concerne des infirmiers qui se sont installés pour la première fois en libéral (17 %) ou qui ont choisi de modifier leur lieu d’exercice (7 %). Parallèlement dans les zones très sur-dotées, 228 cessations d’activités ont été enregistrées pour 158 nouvelles demandes de conventionnement immédiates. L’accord ne modifie donc pas en profondeur les déséquilibres de l’offre de soins infirmiers sur le territoire.
Mais très clairement ces premiers résultats incitent l’Assurance-maladie à étendre le dispositif. Si les infirmières ont expérimenté les premières ce type d’accord c’est parce que c’est dans cette profession que les disparités sont les plus criantes : le ratio varie de 1 à 7 entre les départements. Une situation qui modifie jusqu’à la nature de leur exercice. « Dans les zones très sous-dotées, les infirmières n’ont plus le temps que pour des actes techniques indispensables, note Jean-Marc Aubert, directeur délégué à la gestion et à l’organisation des soins de la CNAMTS. Ce sont aussi elles qui, parmi tous les professionnels de santé libéraux, travaillent le plus le week end en particulier le dimanche ».
Après les infirmières, les kinés, et pourquoi pas les médecins ?
À qui le tour à présent ? « Dans un premier temps, nous allons d’ici au mois d’avril, renégocier notre accord avec les syndicats d’infirmiers pour pouvoir l’étendre, explique Frédéric van Roekeghem, le directeur général de la CNAMTS. Nous sommes aussi en discussion avec les syndicats de kinésithérapeutes qui connaissent également de très fortes disparités ». Ces derniers ont pour spécificité, parmi les libéraux, de s’installer en ville quasiment tout de suite après la fin de leurs études, contrairement aux médecins.
Nul doute dans ce contexte que la démographie sera un des sujets centraux de la prochaine convention médicale. « Il n’y a que deux possibilités pour réguler la démographie d’une profession libérale : le modèle théorique du SROS opposable ou la voie conventionnelle, » lance Frédéric van Roekeghem. Le bon départ de l’accord « infirmières » tranche avec le bide de l’avenant 20 à la convention médicale qui offrait un bonus de 20 % d’honoraires aux médecins exerçant en groupe dans les zones déficitaires. À peine une vingtaine de nouveaux praticiens se sont installés dans les zones concernées en trois ans, contre « 105 nouvelles infirmières dans l’ensemble des zones très sous-dotées qui comptaient à peine 800 professionnels » souligne Jean-Marc Aubert. « La loi ne prévoit pas que les SROS ambulatoires soient opposables, » rappelle le patron de la CNAMTS. Mais du coup, les partenaires conventionnels auront plus que jamais l’obligation de parvenir à un accord qui marche. Tout porte à croire que le modèle infirmière, d’ailleurs promu par le Président de la République en personne, soit la voie à suivre.
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