Il était urgent d'attendre, il devient urgent d'intervenir.
Désigné comme arbitre par le SML et la CSMF dans le différend qui oppose les syndicats médicaux aux caisses d'assurance-maladie, le ministre de la Santé, Jean-François Mattei qui, pendant longtemps, a répété qu'il fallait laisser négocier caisses et syndicats médicaux, doit aujourd'hui revoir sa position.
Il ne peut en effet continuer à se taire alors que les tensions se font de plus en plus fortes entre ces deux interlocuteurs et que la situation s'aggrave jusqu'à présenter quelque ressemblance avec celle qui a précédé l'arrivée au pouvoir de l'actuelle majorité. On se souvient sans peine du conflit des généralistes, tout au long duquel l'ancienne ministre de l'Emploi et de la Solidarité, Elisabeth Guigou, avait refusé d'intervenir dans ce qui était, disait-elle alors, l'affaire des partenaires sociaux.
Jean-François Mattei se trouve aujourd'hui prisonnier des mêmes filets. En refusant de prendre position, ou du moins en renvoyant les acteurs à leurs débats, il prend le risque d'accroître les ressentiments des syndicats médicaux, et notamment des spécialistes qui pourraient multiplier les actions et les revendications et rejoindre en nombre les coordinations qui se créent aux divers coins du pays ; en intervenant trop directement dans le débat aujourd'hui ouvert, il se verrait vertement reprocher, par l'opposition mais aussi par les administrateurs des caisses, une intrusion qui ressemblerait fort, disent déjà certains d'entre eux, à un coup de force.
Et pourtant Jean-François Mattei ne peut pas se permettre de rester silencieux. La forte dégradation des comptes de l'assurance-maladie ces derniers mois et le déficit presque abyssal attendu à la fin de 2003, qui devrait largement dépasser les 7 milliards d'euros inscrits dans la loi de financement de la Sécurité sociale - certains parlent de 10 milliards d'euros, voire plus - exigent son intervention. D'autant que la question du déficit, et des moyens à mettre en place pour la contenir, agite bien des élus de l'UMP, qui s'inquiètent de l'état des comptes. Si certains sont aujourd'hui partisans de laisser quelque peu filer les déficits (mais jusqu'où ?), beaucoup, préoccupés par la situation économique, seraient favorables à des mesures drastiques et à la mise en place de certains outils de maîtrise.
Jean-François Mattei, qui a encore en mémoire le précédent du plan Juppé et de ses effets désastreux, n'est sans doute pas décidé à prendre brutalement cette direction, même si, l'il rivé sur les comptes, il craint des dérapages sérieux au cours des prochains mois.
Une situation bloquée
Il devra cependant manoeuvrer avec habileté : en rappelant aux caisses et aux médecins libéraux que leurs destins sont liés, il devra s'efforcer de ramener l'ensemble des syndicats médicaux à la table des négociations, sans leur promettre la lune. Le résultat n'est pas acquis, tant la situation paraît bloquée aujourd'hui. Le ministre de la Santé, qui ne cesse depuis son arrivée aux affaires, de faire l'éloge des médecins libéraux lesquels, a-t-il dit à plusieurs reprises, ont su faire preuve de responsabilité, et se félicite des résultats de l'accord signé avec les médecins généralistes, peut espérer, grâce au crédit dont il bénéficie dans la profession, faire entendre sa voix et peut-être raison aux médecins.
L'exercice semble difficile tant les syndicats médicaux, notamment la CSMF (même si cela fait partie des surenchères habituelles en période de négociations), affirment que le partenariat conventionnel tel qu'il existe aujourd'hui est bel et bien révolu, et qu'ils attendent la réforme de la Sécurité sociale pour qu'il soit rénové en profondeur. Le ministre de la Santé ne peut se permettre de patienter jusque-là, c'est-à-dire au plus tôt à l'automne, pour intervenir. Dans six mois, il sera tard, peut-être même trop tard.
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