La grogne gagne du terrain dans les milieux médicaux

Convention : médecins et caisses se retrouvent pour une semaine déjà décisive

Publié le 06/01/2003
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Dossier

« Il est temps de faire en sorte que nous puissions conclure un accord acceptable par tous, il faut savoir composer, on n'a que trop perdu de temps. » Parole de Dinorino Cabrera, président du Syndicat des médecins libéraux (SML). Après l'échec des négociations conventionnelles le mois dernier, les partenaires avaient convenu de se retrouver le 17 janvier. Un rendez-vous trop lointain au goût du ministre de la Santé, Jean-François Mattei, et de celui de certains syndicats médicaux qui estimaient préférable de battre le fer pendant qu'il était chaud. Dont acte. Un premier rendez-vous a donc été fixé à aujourd'hui, le suivant étant prévu jeudi.

Pour Jean-François Rey, président de l'Union nationale des médecins spécialistes confédérés (UMESPE), la branche spécialiste de la CSMF, les choses sont simples : « Si le 9 janvier, on n'arrive pas à esquisser les grandes lignes d'un accord, il n'y aura plus de raison de se revoir le 17, on se trouvera de fait hors convention. »

Du grain à moudre

Pour l'ensemble des syndicats, le sentiment qui domine est qu'il faut absolument trouver « du grain à moudre », mais tous ajoutent en substance que le grain est rare, qu'ils sont las d'actionner la moulinette et que les propositions des caisses sont très insuffisantes. Quelques axes semblent cependant se dégager : sur la question de la responsabilité civile professionnelle, le SML penche pour une action commune de l'ensemble des médecins qui pourraient prendre contact avec chaque compagnie d'assurances pour leur demander leur meilleur prix au cas où tous viendraient s'assurer chez eux, faisant ainsi jouer la concurrence, et permettant de sortir du problème par le haut. A noter que, sur cette question de la RCP, l'UMESPE estime que le problème est déjà virtuellement réglé, puisque la CNAM s'est engagée à prendre en charge les deux tiers des primes au-dessus de 1 000 euros pour les médecins de secteur I, tandis que Jean-Claude Régi, président de la Fédération des médecins de France (FMF), estime, quant à lui, que cette question n'est pas du ressort de la convention mais du gouvernement, puisque c'est lui qui a provoqué l'inflation des polices d'assurances avec la loi du 4 mars sur les droits des malades. Jean-claude Régi prône plutôt un crédit d'impôt dont le gouvernement pourrait faire bénéficier les spécialistes afin de compenser la hausse des assurances.
Le deuxième axe sur lequel des progrès pourraient être faits est celui des accords de bon usage des soins (AcBUS). Selon Jean-François Rey, il est possible de dégager 300 millions d'euros d'économies sur les indemnités journalières qui ont augmenté de 15 % l'année dernière. « Mais, attention, prévient Dinorino Cabrera, le ministre a toujours dit que, si on dégageait des économies sur l'assurance-maladie, les médecins pourraient en récupérer une partie. » Pour les syndicats, le message à faire passer est simple : d'accord pour s'impliquer dans une démarche d'économies à condition que tous en partagent les fruits. Mais, à ce sujet, Jean-Claude Régi n'est pas trop optimiste : « Les niches d'économies existent, mais il ne faut pas s'attendre à des miracles à ce sujet. » Enfin, le sujet qui revient sur toutes les lèvres est celui de la liberté tarifaire. Pour Dinorino Cabrera, les médecins pourraient travailler 35 ou 39 heures en tarifs opposables et appliquer des dépassements pour exigence particulière du patient (DE) durant les « heures supplémentaires ». Le président du SML prend d'ailleurs lui-même cet exemple : « C'est la même chose qu'au restaurant, il y a le menu et puis il y a la carte. » Même point de vue chez Jean-François Rey : « Puisque les caisses n'ont pas les moyens de répondre à nos demandes de revalorisations, il faut prévoir des espaces de liberté tarifaire, et nous pourrions très bien pratiquer 30 à 50 % de DE. » Quant à Jean-Claude Régi, il préférerait la réouverture du secteur II, mais, au vu des difficultés de tous ordres (y compris psychologiques) que cela entraînerait, il propose « un secteur I unique avec liberté tarifaire ». Et tous d'insister à ce sujet sur la responsabilité des médecins qui, comme tous les professionnels libéraux, sont soumis à la loi du marché, et ne peuvent de toute façon pas augmenter leurs tarifs à leur guise. Bref, le sentiment qui prime n'est pas à proprement parler l'optimisme, mais chacun paraît conscient du fait qu'un échec des négociations serait préjudiciable à tous. La semaine s'annonce donc décisive. Jean-François Rey prévient d'ailleurs : « Si on ne conclut pas dans les huit jours, cela signifie l'arrêt de la télétransmission, l'application du DE de façon systématique et, à terme, donc, la rupture du système. »

Henri de SAINT ROMAN

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7246