Les psychiatres libéraux ont clairement manifesté leur mécontentement dès l'annonce de l'enveloppe budgétaire supplémentaire de 26 millions d'euros prévue pour eux par l'accord du 10 janvier, signé par quatre syndicats médicaux et les caisses d'assurance-maladie. Cette enveloppe prévoyait une hausse du CNPsy d'à peine deux euros, alors que les psychiatres demandaient que cette lettre clé passe de 34,30 euros (sa valeur inchangée depuis 1995) à 50 euros.
Très vite, le décalage entre les exigences des psychiatres et les propositions du relevé de conclusion du 10 janvier a même provoqué un début d'hémorragie au sein de la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF), avec la décision du Syndicat national des psychiatres privés (SNPP), qui compte environ 1 500 adhérents, soit un quart des 6 000 psychiatres libéraux, de quitter la CSMF. Dans la foulée, le Syndicat des psychiatres français (SPF) a fait part de sa volonté d'en faire autant si d'aventure la CSMF signait la convention en l'état.
Eclosion de coordinations
Depuis, un certain nombre de coordinations de psychiatres libéraux ont vu le jour, que ce soit en région parisienne, ou dans le Vaucluse, le Var ou le Finistère. Pour Michel Chassang, président de la CSMF, l'attitude du SNPP est « irresponsable ». Il s'interroge : « En quoi peut-on reprocher à la CSMF des propositions qui ont été faites aux psychiatres par Jean-Marie Spaeth (le président de la Caisse nationale d'assurance-maladie, la CNAM, NDLR) ? C'est puéril ! » Le Dr Chassang reconnaît bien volontiers que les psychiatres sont défavorisés par l'accord du 10 janvier, mais il ajoute : « Mon objectif est d'obtenir pour eux une enveloppe supplémentaire, et le SNPP doit comprendre que le seul rempart contre l'hégémonie des caisses, c'est la CSMF ; je ne me préoccupe pas des allers et retours de tel ou tel syndicat, je me préoccupe du sort des psychiatres matures. »
Lors de la réunion de négociation conventionnelle du 20 février dernier, Jean-Marie Spaeth est allé un peu plus loin en proposant « des mesures immédiates » pour les psychiatres, avec la création de deux nouvelles consultations, toutes les deux à 45 euros : une « consultation de rencontre », sorte de première consultation approfondie avec un nouveau patient ; une « consultation familiale ».
Le président de la CNAM a également annoncé la mise en place prochaine d'un groupe de travail chargé de procéder à une évaluation de la psychiatrie française dans son ensemble. Daniel Lenoir, directeur de la CNAM, a même suggéré que les psychiatres fassent l'objet d'un « volet particulier » dans la prochaine classification commune des actes médicaux (CCAM), qui doit entrer en vigueur au début de 2005.
Autant de propositions qui ne font pas bondir les psychiatres de joie. Jean-Luc Jurin, psychiatre et premier vice-président de l'UMESPE (la branche spécialiste de la CSMF), rappelle que la proposition de deux nouvelles consultations n'est pas nouvelle : « Le Syndicat des psychiatres français (SPF) avait demandé l'instauration d'une consultation de rencontre qui ne soit pas unique, partant du principe qu'une seule consultation ne saurait être suffisante à l'établissement du profil d'un nouveau patient ; quant à la consultation familiale, elle a déjà aussi été demandée, mais, de toute façon, le montant proposé de 45 euros est insuffisant et doit être relevé à 50 euros. »
Pour Jean-Luc Jurin, au-delà de tous les griefs déjà exposés par les psychiatres, il en est un qui contribue par dessus tout à leur « abattement », c'est d'avoir le sentiment d'être victimes d'une injustice : « Les propositions des caisses ne sont pas équitables, alors que c'est tout ce qui fait qu'on est médecin qui est en jeu », regrette-t-il.
Sur la question des nouvelles consultations à 45 euros, la réponse de Pierre Staël, président du SPF, n'est pas très différente : « Cette proposition est très en retrait de ce que nous demandons. » En revanche, le même Pierre Staël est plus nuancé sur la volonté affichée par Jean-Marie Spaeth de mettre en place un groupe de travail chargé de plancher sur l'évaluation de la psychiatrie française : « Un groupe de travail, pourquoi pas, déclare-t-il, mais, s'il s'agit de séparer les psychiatres des autres médecins dans la future nomenclature, c'est non ! »
Restaurer la confiance
Jean-Luc Jurin, de la CSMF, s'oppose franchement à cette proposition : « Cela fait neuf mois qu'on est en négociations ; Jean-Marie Spaeth a reçu les psychiatres à plusieurs reprises. Nous avons fourni des documents de travail, des Livres blancs, et c'est seulement aujourd'hui qu'il découvre le besoin de créer un groupe de travail ? Il est malheureux de constater qu'il faut toujours un rapport de force pour avancer, ça n'est pas ainsi qu'on va restaurer la confiance. De plus, comme les psychiatres sont pressés, on va travailler dans l'urgence, et les solutions ne seront pas forcément les bonnes. »
Du côté du SNPP, le syndicat qui a d'ores et déjà claqué la porte de la CSMF, le secrétaire général Yves Froger est catégorique : « On ne veut pas de consultations nouvelles ; on veut une revalorisation du CNPsy, 40 euros en avril, 50 euros en octobre, on n'en démord pas. » En revanche, la proposition de mise en place d'un groupe de travail n'est pas trop mal accueillie : « Si on nous y invite, on y participera. Tout ce qui permet de définir la spécificité de la psychiatrie nous intéresse. Mais, attention, nous serons attentifs : il ne faudrait pas que la CNAM prenne cette initiative uniquement pour nous faire lanterner ! » Quant à la question d'un éventuel retour dans le giron de la CSMF, elle est traitée par Yves Froger avec pragmatisme : « On n'exclut rien étant donné que nous avons besoin d'une centrale syndicale ; mais vous imaginez bien que les autres grands syndicats médicaux se bousculent au portillon pour nous accueillir ! » Une affirmation que tempère Jean-Claude Régi, président de la Fédération des médecins de France : « La FMF ne fait pas de retape, mais il est vrai que j'ai reçu un courrier d'Antoine Besse, le président du SNPP ; nous avons fixé un rendez-vous aux alentours du début du mois de mars. Quant aux problèmes spécifiques des psychiatres, tout le monde s'aperçoit aujourd'hui qu'on les a notoirement sous-estimés ; c'est un des motifs de notre non-signature le 10 janvier dernier. »
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