@Q1:LE QUOTIDIEN
Que pensez-vous de la réforme du système conventionnel proposée par le gouvernement ?
@SX:Dr JACQUES REIGNAULT
Ce n'est pas tout à fait une réforme du système conventionnel mais du support législatif aux relations entre les caisses d'assurance-maladie et les professionnels de santé. Tout dépendra ensuite de ce que les partenaires conventionnels mettront dedans. Cependant, que peut-on, dès à présent, constater ? Que si rien n'avait été fait, nous restions dans le dispositif mis en place par la loi de financement de la Sécurité sociale 2000 avec un cadre législatif contraignant, des rendez-vous quadrimestriels pour analyser l'évolution des dépenses et un système des lettres clés flottantes. Le nouveau cadre proposé par le gouvernement laisse théoriquement plus de place à la négociation et au dialogue. Je dis bien théoriquement, car tout dépendra de l'attitude de nos partenaires. Dans ce système, les professionnels de santé sont en position d'infériorité par rapport aux caisses dans la mesure où, s'ils refusent de signer un accord, ils retombent dans un système de sanctions financières collectives, ce que certains appellent « négocier le revolver sur la tempe ». Nous devons cependant reconnaître qu'il y a un léger mieux, que cela constitue une avancée que l'on doit considérer d'un il favorable.
Le CNPS reconnu
@Q2:Le Centre national des professions de santé qui est un regroupement de syndicats obtient une reconnaissance officielle en tant que négociateur de l'accord-cadre commun à toutes les profession de santé. A-t-il, selon vous, une légitimité pour cela ?
Nous avons obtenu la création d'un accord-cadre pour tous les professionnels de santé qui est une revendication du CNPS et de ses composantes depuis près de vingt ans. C'est-à-dire avoir une négociation globale sur tous les sujets qui nous sont communs plutôt que profession par profession. Le CNPS voit donc sa revendication aboutir et sa reconnaissance officialisée. Nous n'allons pas bouder notre plaisir. Quant à notre légitimité, elle est fondée sur le fait que nous regroupons la quasi-totalité des syndicats représentatifs du secteur. Maintenant, il faudra bien sûr se concerter pour voir jusqu'à quel point le CNPS peut négocier pour tous, si l'on reste sur des thèmes généraux ou si on peut aller plus loin. Le CNPS a abandonné depuis longtemps l'idée de l'unanimité ou du consensus ; il s'en tiendra à la règle de la plus large majorité et négociera tant qu'il pourra la respecter.
@Q1:Les syndicats qui composent le CNPS semblent cependant déjà divisés sur le fond de cette réforme.
Je ne crois pas que les divisions portent sur le fond. Nous sommes tous d'accord pour dire que la seule alternative à la maîtrise strictement budgétaire est une maîtrise médicalisée basée sur le respect d'engagements qualitatifs. Le nouveau cadre conventionnel nous donne la possibilité de mettre en place cette alternative. Ensuite, la question est de savoir si, en cas d'échec des négociations, on doit conserver ou non le dispositif de sanctions financières (ndlr : baisse des tarifs en cas d'augmentation des dépenses plus rapide que prévu). Certains font de la suppression de ce système un préalable, d'autres disent : essayons d'avancer et de toutes façons ces sanctions disparaîtront d'elles-mêmes. C'est davantage une question de stratégie.
Ensuite, comme je l'ai déjà dit, tout dépendra de l'attitude des caisses d'assurance-maladie au cours des négociations. C'est une bouteille à moitié pleine ou à moitié vide. Je ne suis ni angélique ni dupe, mais je suis optimiste car le système actuel a démontré son inefficacité et la logique de conflits qu'il génère. Un grand pas a déjà été fait, la négociation conventionnelle devra en franchir un supplémentaire. Mais en tout état de cause, moins l'Etat s'en mêle et plus les possibilités de négociation sont grandes.
Une contradiction
@Q2:Dans la réforme proposée, l'Etat se garde néanmoins la possibilité de se substituer aux caisses pour proposer des contrats à l'adhésion individuelle des médecins. Qu'en pensez-vous ?
C'est regrettable. C'est encore cette vieille manie de l'Etat de vouloir légiférer sur tout. Il est pris là dans une contradiction évidente, car d'un côté il propose de faire confiance aux partenaires conventionnels et de les laisser négocier et, de l'autre côté, il se laisse la possibilité d'intervenir et de proposer ses propres solutions. Ce n'est pas une bonne chose. Il y a des ouvertures importantes dans cette réforme, mais on sent que les pouvoirs publics hésitent à sauter le pas, comme sur la question de la suppression des lettres clés flottantes ou de la fixation de l'ONDAM.
@Q1:Le cadre proposé va-t-il permettre, selon vous, de relancer la dynamique conventionnelle qui était bloquée depuis plusieurs mois ?
C'est un pari qu'on fait. On a une année pour aboutir à quelque chose qui soit cohérent avec nos convictions et négociable avec les caisses. Moi, en tant que président du CNPS, je suis prêt à relever ce pari. Il est vrai qu'aujourd'hui les négociations sont au point mort et que certaines conventions ont été signées par des syndicats minoritaires. Il faut donc prendre en compte les propositions majoritaires et les défendre soit au sein de l'accord-cadre, soit au sein de nos conventions respectives. C'est une chance donnée aux syndicats majoritaires d'entrer à nouveau dans le système conventionnel et de faire entendre leur voix au lieu d'être en conflit permanent. C'est, à mon sens, une opportunité à saisir.
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