La rénovation du cadre conventionnel que propose le gouvernement constitue-t-elle une avancée par rapport à la situation actuelle de blocage total ?
Dr CLAUDE MAFFIOLI
Il n'y a pas d'avancée. C'est un texte terriblement ambigu et qui, en tout cas, n'abandonne rien de la logique qui a prévalu depuis le plan Juppé, c'est-à-dire une logique punitive et strictement budgétaire. Depuis cinq ans, les médecins réclament un discours simple, clair et surtout de confiance. Or cet amendement ne renonce ni à la logique comptable et crcitive ni à l'étatisation. Le gouvernement n'a pas tranché dans le sens de ce que souhait la majorité des médecins, à savoir une vraie maîtrise médicalisée et un réel partenariat conventionnel. J'avais pourtant cru comprendre que ce gouvernement admettait que le système des lettres clés flottantes était nul. Si c'est le cas, pourquoi ne le fait-il pas disparaître complètement ? Pourquoi ne supprime-t-il pas le bouclage comptable de la loi ?
Que dit ce texte dans le détail ? Il évoque, certes, la maîtrise médicalisée dans le cadre conventionnel avec des accords de bon usage des soins ou encore des contrats de bonnes pratiques. Mais en même temps, et toujours dans le cadre conventionnel, certaines phrases renvoient à la régulation économique, à des objectifs quantifiés de dépenses dont le respect devra être assuré par « tout autre dispositif » ou des « mesures de toute nature ». Depuis des années, on est dans la même ambiguïté, et on y reste. Rappelez-vous : le plan Juppé aussi prévoyait des outils intéressants de maîtrise médicalisée avec un bouclage comptable et des objectifs opposables. Ce que propose aujourd'hui le gouvernement, c'est l'ordonnance Juppé réécrite autrement. On est dans l'habillage, le maquillage. On met en avant ce qui est médicalisé, ce qui fait plaisir aux médecins, mais le problème de fond n'est pas réglé.
Une présentation des choses " intolérable"
Ne risquez-vous pas de pénaliser les médecins libéraux en refusant de négocier dans le cadre conventionnel ?
Aujourd'hui, je vous donne mon avis : ce texte ne règle rien, il n'est pas recevable. S'il est voté par le Parlement, s'il paraît au « Journal officiel », s'il franchit les différents recours, j'expliquerai alors ma position dans ce cadre conflictuel. Mais je ne vais quand même pas militer pour des contraintes de maîtrise médicalisée avec, en plus, des sanctions à la clé. Ceux qui estiment que ce texte est une ouverture ou une opportunité sont les mêmes que ceux qui ont soutenu le plan Juppé. Je m'étonne par ailleurs qu'un syndicat (MG-France) se félicite d'un texte qui ouvre la porte au conventionnement individuel.
J'ajoute que la façon de présenter les choses est intolérable. On nous dit en gros : « Signez ou sinon vous irez en enfer. » C'est du mépris. Le gouvernement répète qu'il veut rétablir la confiance avec les médecins libéraux, mais il sort un texte de méfiance et de conflit.
C'est une vieille demande des professions de santé libérales. Le problème, c'est qu'on ne sait pas ce qu'il y aura dans cet accord-cadre, le contenu n'est pas explicite. De toute façon, ce socle interprofessionnel ne règle rien tant que la logique budgétaire opposable perdure.
Au sein du G7, nous nous étions entendus pour affirmer que l'ONDAM (objectif national de dépenses d'assurance-maladie) ne devait pas être opposable aux professionnels. On l'a écrit noir sur blanc dans un rapport commun. Moi, j'en reste là.
Je ferai deux remarques à propos de l'attitude de la caisse. En 1996, à part FO, la CNAM a voté pour le plan Juppé. Et on s'est rendu compte que le système était totalement inefficace. Un vote de la CNAM n'est donc pas une référence. Par ailleurs, il s'agit peut-être d'un vote politique : certains ont sans doute intérêt à ne pas être trop en désaccord avec le gouvernement.
Coupables à punir
Les dépenses de soins de ville continuent d'augmenter à un rythme soutenu. N'est-il pas dangereux, pour le gouvernement, d'abandonner tout filet de sécurité ?
Mais que représentent les dépenses de ville par rapport à la totalité des dépenses d'assurance-maladie ? Que représente le dépassement de l'enveloppe réservée aux honoraires ? Pas grand chose. Qu'on arrête de désigner les professionnels de santé libéraux comme des coupables à punir. Il appartient aux politiques de prendre leurs responsabilités et de fixer un ONDAM qui corresponde aux besoins de santé de la population.
Non, je n'ai jamais joué l'alternance. Ce n'est pas aujourd'hui que je vais commencer, d'autant qu'on n'est jamais certain du résultat. Rappelez-vous Balladur à la dernière élection présidentielle. Moi, je défends le corps médical et je me bats sur un point conflictuel qui n'est pas résolu depuis cinq ans. Nous sommes prêts à accepter les contraintes d'une maîtrise médicalisée, à faire porter l'opposabilité sur la pratique professionnelle. Mais nous refusons la régulation budgétaire qui s'infiltre en permanence et qui est la marque du mépris.
(1) Le groupe de réflexion du G7 réunit trois syndicats de médecins (CSMF, SML et FMF) et quatre organisations de salariés (CGT, CFE-CGC, FO et CFTC). La FMF est désormais en marge de ce groupe, en désaccord sur la question de l'avenir du secteur à honoraires libres.
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