Le ministère de l'Emploi et de la Solidarité a transmis aux partenaires sociaux qui gèrent les caisses d'assurance-maladie un projet d'amendement à la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2002 définissant une nouvelle architecture dans leurs relations avec les professions de santé. Elle doit permettre la mise en uvre d'un nouveau dispositif pluriannuel de maîtrise des dépenses de santé.
Cet amendement, qui devrait être soumis aux parlementaires à l'occasion de la deuxième lecture du projet de loi, complète le cadre général qui avait déjà été adopté en première lecture. « Nous faisons le pari de la responsabilité, celui de l'engagement collectif et individuel des professionnels de santé dans le développement des bonnes pratiques qui sont et pourront être sources d'économies », avait alors expliqué Elisabeth Guigou, en précisant que le respect de ces engagements exonérerait les professionnels de l'application du système tant contesté des lettres clés flottantes.
Un socle interprofessionnel
Le dispositif proposé reprend grosso modo les suggestions faites par le comité des sages, nommé au début de l'année, dans le cadre du « Grenelle de la santé » pour faire des propositions de réforme dans le domaine des soins de ville.
Il s'agit d'un système à trois étages, avec d'abord une convention « interprofessionnelle » édictant les règles communes à l'ensemble des professionnels de santé. S'y ajouteraient les conventions nationales par profession, telles qu'elles existent aujourd'hui, complétées par des contrats types de bonnes pratiques auxquels les médecins pourront adhérer individuellement.
Des engagements facultatifs
La convention interprofessionnelle, qui devra être conclue entre au moins deux caisses et un syndicat représentatif pour chaque profession, servira d'accord-cadre et définira à la fois leurs conditions d'exercice et les modalités d'une meilleure coordination des soins entre les différents professionnels exerçant en ville.
C'est en revanche au niveau des conventions nationales que seront définis, pour chaque profession, leurs tarifs, négociés chaque année avant le 1er septembre, ainsi que des engagements pluriannuels sur l'évolution de leurs dépenses et les mesures destinées à les faire respecter. Elles prévoiraient également des contrats types auxquels les médecins pourront ou non choisir d'adhérer individuellement.
Ces contrats seraient de deux types : d'une part, les contrats « de bonnes pratiques » dans lesquels les professionnels peuvent s'engager plus avant sur l'évolution et le contrôle de leurs activités, de leurs prescriptions, de leurs dépassements d'honoraires, de la mise en uvre des recommandations de bonnes pratiques ou encore des prescriptions de médicaments génériques ; d'autre part, les contrats « de santé publique » dans lesquels les engagements portent sur la permanence et la coordination des soins, les actions de prévention ou d'informations. En échange de ces engagements, les professionnels toucheront des compléments forfaitaires de rémunération sur le modèle du médecin référent.
En l'absence de convention signée par les représentants d'une profession, comme c'est le cas aujourd'hui pour les médecins spécialistes, les professionnels concernés seraient assujettis à un « règlement professionnel » défini par arrêté interministériel et l'évolution de leurs dépenses serait suivie tous les quatre mois.
Des négociations " le revolver sur la temple"
Le système de modification des tarifs, en cas de dérapage trop important, continuera donc à être appliqué. Le texte de l'amendement prévoit cependant que, même en cas d'absence de convention, les caisses pourront conclure avec les professionnels qui le souhaitent des contrats individuels de bonnes pratiques.
Cette dernière disposition irrite particulièrement les représentants des professionnels de santé qui y voient une tentative de contournement de leurs organisations. Consulté par la gouvernement, le Centre national des professions de santé (CNPS), qui regroupe 22 organisations syndicales, a jugé plutôt positif le principe d'une convention interprofessionnelle et l'autonomie laissée aux partenaires conventionnels pour négocier les modalités de la maîtrise des dépenses. Mais il indique qu'un tel projet, s'il était appliqué, conduirait les syndicats à négocier « le fusil sur la tempe ». Par ailleurs, il a rappelé leur hostilité absolue aux contrats individuels, « qui est la négation même du rôle des syndicats et va à l'encontre de la relance de la vie conventionnelle ».
Certains syndicats médicaux ont cependant la dent plus dure à l'égard des propositions du gouvernement. Irrité d'avoir eu connaissance du texte « par la bande », le Dr Claude Maffioli, qui préside le principal syndicat de médecins libéraux, la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF), s'en prend vivement au dispositif : « C'est le revolver sur la tempe qu'il faudra aller négocier et accepter toutes les contraintes décidées par les représentants des caisses d'assurance-maladie afin d'éviter " la tombée en enfer", c'est-à-dire la mise en uvre des sanctions collectives. »
Le président de la CSMF estime que si l'on souhaite « redonner confiance aux professionnels de santé, celle-ci ne peut s'établir avec le maintien d'une logique punitive ».
Le même sentiment est exprimé par le Syndicat des médecins libéraux, pour qui les propositions du gouvernement sont « la négation même du syndicalisme et de la concertation ».
L'opposition des syndicats
Par ailleurs, dans un communiqué commun, quatre syndicats de salariés (FO, la CGT, la CGC et la CFTC) sur les cinq qui siègent au conseil d'administration de la Caisse nationale d'assurance-maladie (CNAM) considèrent ce projet d'amendement comme « provocateur et inopportun » et de nature à « casser la dynamique conventionnelle au lieu de la relancer ». En conséquence, ils demandent au gouvernement de le retirer et de laisser les partenaires conventionnels débattre au préalable des orientations qu'ils souhaitent mettre en uvre dans ce cadre.
Le cabinet d'Elisabeth Guigou, qui devait recevoir, outre le CNPS et les organisations de salariés, les trois présidents des Caisses nationales d'assurance-maladie et les représentants du Medef, pourrait tenir compte des observations faites par les différentes organisations et leur soumettre un nouveau texte la semaine prochaine. Toutefois, le calendrier de cette concertation s'annonce serré puisque la seconde lecture du projet de loi de financement de la Sécurité sociale est prévue à l'Assemblée nationale le 26 novembre et que le texte devrait être soumis pour avis au prochain conseil d'administration de la CNAM qui se réunit le 20 novembre. « Il y a une opportunité pour renouer le dialogue conventionnel. Si on la laisse passer, on risque de se retrouver dans la même situation qu'aujourd'hui. Mais on ne peut pas non plus accepter la voie qui nous est proposée aujourd'hui », commente le Dr Jacques Reignault (CNPS), qui espère encore possible de parvenir à un compromis.
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