Onze mois de négociations pour rien. Faute d'avoir pu trouver un accord conventionnel, ne fût-ce que transitoire jusqu'au 31 décembre de cette année, les Caisses nationales d'assurance-maladie et les syndicats de médecins libéraux ont officiellement rompu leurs discussions et passé le relais, une fois pour toutes, au ministre de la Santé.
Jean-François Mattei a d'ailleurs aussitôt annoncé qu'il publierait « à court terme » un nouveau règlement minimal conventionnel pour « régir les relations entre caisses et médecins et assurer la continuité des remboursements ». Il a pris acte de l'absence d'accord en rappelant qu'il « a tenté (...) de rapprocher les points de vue dans une fonction de médiation que chaque partie a acceptée ». Mais, a prévenu d'emblée le ministre, « le dialogue conventionnel devra impérativement se poursuivre dans la perspective d'une réforme de l'assurance-maladie, qui sera présentée à l'automne prochain (et) sera préparée dans un dialogue étroit avec l'assurance-maladie et les professionnels de santé ». Enfin, Jean-François Mattei « demande à chacun de surmonter sa déception, de maintenir des relations de respect entre partenaires et de privilégier le service à rendre au patient et à l'assuré social ».
Un message qui a tout l'air d'être un avertissement aux médecins libéraux, alors que les responsables des syndicats CSMF, SML, Alliance et FMF prévoient justement des « actions de contestation », et même, dans l'hypothèse où le RCM se révélerait insuffisant, « un trouble très-très important après la date fatidique (et anniversaire de l'accord généralistes-caisses) du 5 juin », selon les termes du Dr Dinorino Cabrera, président du SML. Dès le lever de rideau pour l'ultime représentation du spectacle des négociations conventionnelles au dernier étage de la Caisse nationale d'assurance-maladie (CNAM), on savait que les chances de signature d'un « accord de transition » par les syndicats majoritaires de médecins libéraux étaient minces. La pièce a quand même été jouée en plusieurs actes, comme si les acteurs s'ingéniaient à montrer qu'ils avaient vraiment tout essayé jusqu'au bout.
Pourtant, le Dr Michel Chassang, président de la CSMF, ne s'attendait guère à un rebondissement. « Les caisses campent désespérément sur leurs positions et n'ont pas bougé d'un iota », constate le dirigeant de la première centrale syndicale de médecins libéraux. « On a décidé de mettre un terme à cette mascarade », ajoute le Dr Chassang, tout en précisant que « ce ne sont pas les médecins qui ont claqué la porte de l'assurance-maladie ».
De son côté, le président de la CNAM, Jean-Marie Spaeth, a déploré que les caisses se soient « heurtées à un mur de refus ».
C'est le président du SML qui a demandé de prolonger les négociations au fil de la journée, dans l'espoir de négocier une revalorisation plus substantielle de la valeur de la consultation spécialisée (CS), dans le cadre de l'Objectif national de dépenses d'assurance-maladie (ONDAM) et de l'enveloppe de 180 millions d'euros prévue par l'accord du 10 janvier. Il s'agissait, pour le Dr Cabrera, de trouver le moyen de se rapprocher le plus possible de l'objectif visé par le SML et la CSMF, à savoir une revalorisation de 23 à 26 euros pour 90 % des CS. Mais les caisses ont rapidement fait savoir que les comptes n'étaient pas bons. Elles ont formulé une ultime proposition correspondant à une majoration de 3 euros de la moitié seulement des actes spécialisés. Arguant du fait que l'évolution actuelle du volume des actes des spécialistes était de + 5 % au lieu des 3 % prévus par l'accord de janvier, le directeur de la CNAM a estimé que les propositions CSMF-SML étaient « aventuristes sur le plan économique et médical », puisqu'elles présenteraient un surcoût d'environ « 200 millions d'euros » par rapport à l'ONDAM, « dans une situation économique pas facile », et cela sans amélioration de la qualité des soins pour les patients.
La déception des caisses
Au terme de la dernière et vaine discussion avec les médecins, le président de la CNAM se refusait pourtant à parler d'échec. « Les caisses ont proposé une revalorisation des honoraires des médecins de 721 millions d'euros, soit près de 5 milliards de francs, a souligné Jean-Marie Spaeth. Jamais, dans l'histoire de la Sécurité sociale, une telle offre n'a été faite et jamais une telle offre n'a été rejetée », assure Jean-Marie Spaeth. La présidente de la MSA, Jeannette Gros, s'est dite « surprise qu'on puisse ainsi cracher dans la soupe ».
Le Dr Jean-Claude Régi, président de la FMF, qui est la seule organisation à n'avoir pas signé l'accord-cadre du 10 janvier, déclare pour sa part que son syndicat a fait preuve de « clairvoyance » avant les autres et « ne peut que se réjouir du ralliement des autres centrales à (ses) positions ». Le Dr Régi, toujours partisan d'un secteur unique avec une possibilité de liberté tarifaire pour tous, est plus que jamais convaincu qu'il « ne faut plus lier les honoraires des médecins aux possibilités financières des caisses ». Le Dr Félix Benouaich, président de l'Alliance, s'est déclaré « extrêmement déçu », mais n'envisageait pas de toute façon de signer un accord minoritaire.
Malgré l'épilogue négatif des négociations avec les médecins, le président de la CNAM a affiché un certain optimisme. « Ce n'est pas la fin du paritarisme ni de la vie conventionnelle », a-t-il martelé, puisque les médecins spécialistes ne représentent qu'une « minorité » chez les professionnels de santé.
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