On ne peut pas extrapoler la mortalité attendue liée à la consommation de cannabis à partir de celle du tabac. C'est, en tout cas, l'opinion de Stephen Sidney (Oakland, Etats-Unis), qui s'inscrit en faux, dans le dernier « BMJ » contre un éditorial paru récemment dans la même revue. Henry Ja et coll. évaluaient à 30 000 le nombre de décès annuels dus au cannabis, puisque la plante se fume aussi et que les consommateurs représentent environ un quart des tabagiques (120 000).
Stephen Sidney apporte, cette semaine, trois arguments contradictoires majeurs.
Tout d'abord, les données issues de la littérature. Une étude suédoise menée chez plus de 45 000 conscrits ne montre pas de surmortalité à 15 ans chez les consommateurs. Mêmes résultats, en Californie, après dix ans de suivi de plus de 65 000 hommes et femmes.
Ensuite, il faut considérer la durée d'exposition au risque. La mortalité par affection chronique due à une substance toxique apparaît généralement après un usage prolongé, rappelle l'auteur. Il ajoute que la plupart des fumeurs de cannabis arrêtent relativement tôt au cours de leur vie adulte. Ainsi, aux Etats-Unis, la proportion d'adultes jeunes fumant du cannabis est de 18 % (60 % pour le tabac). Et ce pourcentage diminue régulièrement depuis une vingtaine d'années. Dès lors, le risque de cancer du poumon, qui survient au bout de vingt ans au moins de tabagisme, semble peu probable. Même si la fumée du « pétard » est inhalée plus profondément.
La maladie coronarienne
Dernier argument : la prise en compte du cannabis parmi les affections les plus mortelles. La maladie coronarienne vient en tête de liste, aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, avec un tiers des décès. Contrairement à ce qui se passe avec le tabac, le cannabis, selon les études, ne favorise pas l'athérosclérose coronarienne. Aucune association entre hospitalisation pour infarctus et consommation de cannabis n'a été relevée.
Honnêtement, S. Sidney note deux failles dans les études. Les suivis des fumeurs de cannabis n'ont jamais été réalisés sur suffisamment de temps au cours de la vie adulte pour juger de l'apparition de cancers ou d'affections chroniques et de la mortalité. Enfin, et surtout, le faible impact actuel du cannabis sur la mortalité serait-il le même s'il était dépénalisé ?
En conclusion, le médecin américain considère que « les connaissances actuelles ne confortent pas l'affirmation que le cannabis ait un quelconque impact négatif sur la santé publique en relation avec la mortalité ».
« British Medical Journal », vol. 327, 20 septembre 2003, pp. 635-636.
* Henry Ja et coll., « BMJ » 2003 ; 326:942-3.
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