Quelque chose a bougé dans les mentalités occidentales depuis quelques jours. S'il est vrai, par exemple, que la presse américaine exprime des doutes sur la stratégie de George W. Bush en Afghanistan, si elle s'impose une censure qui commence à devenir suspecte, si l'administration fluctue face aux risques et aux inconnues de la guerre, les éditorialistes déversent sur le gouvernement fédéral des tombereaux de conseils qui vont tous dans le même sens et ont déjà changé l'approche militaire du problème.
Le message général de la presse américaine est le suivant : on ne peut pas ménager la chèvre et le chou. On ne peut pas à la fois satisfaire la prudence saoudite, protéger le régime du général Moucharraf au Pakistan, s'inquiéter du rôle ultérieur que jouera l'Alliance du Nord et combattre efficacement les talibans et Oussama Ben Laden. Si on veut en finir avec les victimes civiles du conflit, il faut bombarder les positions talibanes dans le nord ; si on veut que l'Alliance progresse sur le terrain, il faut lui donner des armes ; si les forces de l'Alliance sont insuffisantes, il faut envoyer des troupes américaines sur le terrain.
Depuis près de huit jours, les énormes B52 bombardent le front et beaucoup moins les villes. Et les Américains, avec le concours des Britanniques, envisagent désormais très sérieusement d'envoyer un corps expéditionnaire de plusieurs milliers d'hommes. Personne n'oublie que la victoire contre l'Irak n'a été possible que parce que 500 000 soldats américains et non américains ont été envoyés au front.
Mais pourquoi un tel effort est-il indispensable ? Pourquoi ne pas s'en tenir à de la pure prévention, en contrôlant le front intérieur ? D'abord parce que le régime des talibans est d'une férocité sans égale ; ensuite, parce que les Afghans, quoi qu'on en dise, espèrent une libération prochaine ; enfin parce que les obstacles politiques ne sont pas infranchissables.
C'est déjà un signe que Pervez Moucharraf ait traité par le mépris un récent message de Ben Laden, transmis complaisamment par la chaîne de télévision Al Djazira, qui n'est qu'une agence de propagande du terrorisme, ce que personne ne consent à dire clairement. Il ne s'agit pas seulement de punir les auteurs des attentats du 11 septembre ; la guerre continue et ceux qui multiplient les menaces n'attendent que le premier signe de faiblesse occidental pour passer de nouveau à l'acte. Quant à l'Arabie saoudite, pays où ont été délivrés 15 des visas accordés aux 19 kamikazes du 11 septembre, il lui appartient de s'accommoder de la politique américaine, non l'inverse.
Tous les gouvernements musulmans ou arabes devraient s'en convaincre : eux qui savent si bien museler leur presse peuvent diriger vers d'autres fantasmes l'excitation de leur opinion publique. S'ils ne le font pas, tant pis. Mais entre de nouveaux attentats sur le sol américain et une crise diplomatique ou même pétrolière, M. Bush n'hésitera pas.
Les Américains et les Britanniques ont entendu un autre message que celui des éditorialistes américains : celui d'Ariel Sharon. Au moment où des commandos cherchent en vain Ben Laden dans les grottes afghanes, M. Sharon a répondu à l'assassinat d'un ministre israélien par une campagne antiterroriste d'une durée et d'une violence insoutenables. A plusieurs reprises, M. Bush et son secrétaire d'Etat, Colin Powell, lui ont téléphoné pour qu'il s'arrête. On peut imaginer que le Premier ministre israélien leur a répondu : « Moi, je vais chercher les terroristes là où ils sont et moi, je les élimine. » Le parallèle est bien entendu un peu trop facile, dans la mesure où il occulte la dimension politique du problème palestinien. Mais M. Blair, qui vient de se rendre à Gaza pour y rencontrer Yasser Arafat, lui a dit qu'un Etat palestinien ne peut voir le jour que lorsque cesseront les attentats contre Israël. M. Arafat est déçu et on le comprend. De toute façon, et tôt ou tard, il faudra bien évacuer les colons, et créer l'Etat palestinien. Cela ne veut pas dire que cet Etat puisse naître par la force ou qu'il puisse constituer une menace pour Israël. Face à la violence et à la terreur, il n'y a, hélas ! que la force nue.
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