INITIALEMENT, le bilan urodynamique a été utilisé chez des patients paraplégiques et tétraplégiques chez lesquels l'évaluation de la fonction vésicale ne pouvait s'appuyer sur des arguments cliniques. Petit à petit, le recours à ce bilan s'est élargi à des patients indemnes de troubles neurologiques, notamment chez les femmes ayant une incontinence urinaire d'effort pure. «Cette “indication” a ainsi été établie sans aucune démonstration, explique le Pr Paul Perrin. Ce qui n'est évidemment pas sans conséquences économiques.»
Pour le Pr Perrin, les arguments contre l'utilisation du bilan urodynamique dans l'incontinence urinaire d'effort pure chez la femme sont nombreux. En premier lieu, il s'agit d'un examen de réalisation complexe, dont les critères de qualité sont élevés et donc difficiles à atteindre. La reproductibilié des mesures est faible. Ainsi, lors de deux mesures successives, on peut noter une variation physiologique de 60 %. Il n'est donc pas facile dans ce contexte de standardiser les tests urodynamiques.
Un chevauchement des mesures avec les valeurs normales.
En deuxième lieu, les valeurs urodynamiques mesurées sont très dispersées et se chevauchent avec celles de la population générale et celles obtenues chez des femmes ayant des mictions impérieuses. De ce fait, il est difficile d'établir une valeur seuil discriminante ; l'utilisation de valeurs bornes aurait, quant à elle, soit une très faible sensibilité, soit une très faible spécificité.
L'absence de corrélation entre les symptômes de l'incontinence urinaire et les mesures urodynamiques rend délicate l'interprétation du bilan et constitue un argument majeur contre son utilisation dans ce contexte. «Une corrélation est considérée comme bonne à partir de 0,7, rappelle le Pr Perrin. Or la relation entre le symptôme “mictions impérieuses” et l'hyperactivité du détrusor, admise comme sa signature urodynamique, est comprise entre 0,2 et 0,3, ce qui est très bas.» Une analyse multifactorielle récente, présentée à l'ICS en 2007, montre que seuls l'âge et la nycturie sont corrélés avec l'activité du détrusor. Mais ni la pollakiurie diurne, ni les mictions impérieuses, ni l'incontinence par miction impérieuse ne sont corrélées avec ce concept urodynamique. Un autre travail, qui cherchait à mettre en évidence une relation entre les fuites à l'effort et différentes mesures uréthrales passives, n'a trouvé que des corrélations faibles, inférieures à 0,3, à l'exception du VLPP (Valsalva Leak Point Pressure), pour lequel la corrélation était de 0,4.
Pas de parallélisme avec la clinique.
Le Pr Perrin avance un autre argument contre le recours au bilan urodynamique : l'absence de parallélisme entre les résultats urodynamiques et la clinique. Le classement de dossiers de femmes selon des critères cliniques, d'une part, et urodynamiques, d'autre part, met en évidence une grande discordance entre les deux.
D'aucuns estiment que c'est justement cette discordance qui donne tout son intérêt au bilan urodynamique, qui serait, par définition, objectif, contrairement à la clinique, les symptômes étant subjectifs. Mais cette discordance est la conséquence de la variabilité, tant des mesures urodynamiques que des symptômes cliniques.
Toutefois, la plainte de la femme est bien d'ordre clinique et, pour le Pr Perrin, c'est sur cette base que doit se décider la prise en charge. Ce d'autant plus que le bilan urodynamique n'est ni lié à la sévérité des symptômes, ni prédictif du succès thérapeutique.
D'après un entretien avec le Pr Paul Perrin, centre hospitalier Sud, CHU de Lyon.
Et les arguments pour...
Si, pour le Dr Xavier Gamé*, il n'est pas justifié de faire un bilan urodynamique complet à toutes les patientes présentant une incontinence urinaire d'effort isolée, ce bilan a un intérêt en préopératoire. Le bilan se limitera dans un premier temps à la débitmétrie et à la mesure du résidu postmictionnel par échographie sus-pubienne qui renseignent sur l'existence d'un résidu postmictionnel, de poussées abdominales, de dysurie. Des résultats anormaux justifient un bilan plus complet, avec la réalisation d'une cystomanométrie. Dans les cas particuliers de patientes déjà opérées pour incontinence, chez les patientes qui ont des antécédents de pathologie systémique ou neurologique et chez celles qui ont des urgences mictionnelles, la question ne se pose pas, le bilan doit être fait.
Les trois principaux arguments qui justifient un bilan urodynamique dans l'incontinence urinaire d'effort en préopératoire sont, pour le Dr Gamé :
1) La valeur pronostique du bilan urodynamique. Il permet de détecter les insuffisances sphinctériennes majeures avec pression de clôture basse pour lesquelles le pronostic des interventions est moins favorable.
2) Le bilan permet de prédire les complications en précisant le mode mictionnel et le fonctionnement de l'appareil vésico-sphinctérien. Les patientes qui urinent avec une poussée abdominale (de 30 à 50 % des femmes) sont à haut risque de rétention après la pose d'une bandelette sous-uréthrale.
3) Le bilan permet de détecter une incontinence urinaire mixte et un signe d'hyperactivité détrusorienne (contraction non volontaire du détrusor) qui signe la présence d'une pathologie vésicale à côté de l'incontinence urinaire d'effort. Dans ce cas, l'intervention ne permettra qu'une résolution partielle de l'incontinence, les fuites par urgence persisteront. Il vaut mieux que la patiente soit avertie avant l'intervention.
> YVONNE EVRARD* CHU de Toulouse
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