ARTS
La programmation de l'exposition Dubuffet au Centre Georges-Pompidou peut réjouir ceux qui veulent sortir de la sinistre et laborieuse culture du « non-art » qui invoque, pour se justifier, l'action, salvatrice en son temps, de Marcel Duchamp. Elle n'échappe pas à un risque. Ne va-t-on pas enfermer dans la prison des institutions cet art qui se veut l'expression de la liberté la plus absolue ? Dubuffet lui-même entretenait l'équivoque, dénonçant le musée et ne répugnant pas d'y exposer et d'y faire une belle carrière d'artiste vedette.
L'art brut qu'il a révélé a été jusqu'ici la seule voie ouverte contre la pensée unique qui règne dans le monde de l'art, téléguidée par des organisme puissants, comme le Centre Georges-Pompidou justement et les musées qui l'imitent dans ses choix. Accueillir les protestataires, les délinquants des Beaux-Arts, les farfelus de tous poils qui uvrent chacun pour soi, n'est-ce pas tuer dans l'uf la révolte, l'imagination salvatrice ?
Ne boudons pourtant pas le plaisir de voir renaître une revue qui a beaucoup joué par la reconnaissance de ces franges de l'art...
« Artention » se veut l'organe des sans lois, des sans frontières, des marginaux de l'art, ceux qui échappent à cette pensée unique.
De son côté la Halle Saint-Pierre, délicieusement nichée aux pieds du Sacré-Cur, est devenu le sanctuaire de ces corsaires du rêve, de la fantaisie et de la folie douce. Avec « Noir sur blanc, mondes intérieurs », et « Aux frontières de l'art brut », la Halle est devenue le vaisseau de toutes les aventures d'un art qui refuse les consignes venues des institutions, des modes et donne à toute vapeur, l'esprit le plus indépendant, le plus aventurier.
La plume errante
« Noir sur blanc », comme son nom l'indique, privilégie l'aventure du dessin, de la plume errante. Ils sont huit, au style différent « qui ont en commun de plonger dans leur monde intérieur, dans cette zone sans limite et obscure, où naissent pensées, rêves, croyances, mythes et pulsions ». Nick Blinko, poète, chanteur punk, abandonne au dessin le tout pouvoir de lever ses cauchemars, ses phobies. Il use d'une écritures serrée, minutieuse, ardente et macabre ; tout comme lui, Anne Grgich erre entre toxicomanie et folie, et confère au dessin toute l'attention d'une petite main soucieuse du détail, créant un étrange bestiaire hantée ; Chris Hipkiss confie au dessin ses rêves d'un monde androgyne, source de renaissance de la condition humaine ; Damian Michaels croit en des forces supérieures, son art est celui du médium ; Jean-Pierre Nadau invente des architectures fabuleuses, des villes grouillantes et ubuesques ; Ody Saban, imprégnée de culture moyen-orientale, développe les rythmes de la calligraphie en inventant des figurations extravagantes ; Claudia Sattler échappe aux fadeurs d'une vie de bureau en délirant graphiquement sur des papiers de récupération ; Felix Tuszynski, qui survécut aux horreurs des camps de déportation, revisite, par le dessin, un passé de cauchemar. Ce versant est celui de la confidence, d'un art qui est un journal intime.
Pulsions intimes
« Aux frontières de l'art brut » réajuste des créations échappant à tout critère, dans la perspective ouverte par l'idée de Dubuffet que l'art n'est pas affaire de savoir mais de pulsions intimes. Sans formation souvent, ils sont sept créateurs qui partagent l'ardeur imaginative, créant moins pour paraître ou rencontrer la gloire, que pour survivre.
Eliane Larus est de cet univers qui échappe à toutes les règles. Et si la gloire veut la rattraper, elle reste identique à elle-même, cultivant son monde aux singuliers raccourcis, à la morphologie hybride, sans perspective, et comme coulé dans les lacis labyrinthiques d'un rêve. C'est une peinture de la somnolence habitée.
Halle Saint-Pierre, 2, rue Ronsard, Paris-18e. Jusqu'au 6 janvier. Tous les jours de 10 heures à 18 heures. Entrée 40 F.
Eliane Larus. Galerie Lefor-Openo. 29, rue Mazarine. Jusqu'au 20 octobre.
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