Les jours passant, et la question du coût de l'opération et de son financement ayant surgi dans le débat, les réactions à l'accord signé le 5 juin par l'assurance-maladie et les généralistes libéraux se politisent.
Du côté de la majorité présidentielle, c'est Jacques Chirac en personne qui donne le ton. Intervenu une première fois sur le sujet à l'issue du conseil des ministres (« le Quotidien » du 7 juin), il est revenu à la charge lors de son intervention télévisée sur France 3 la semaine dernière. « Il était urgent de sortir de cette crise, a-t-il affirmé, rejetant par avance toute accusation d'opportunisme : ce n'est pas un problème de date, pas un problème d'élection. C'était un problème profondément injuste, un problème d'absence de dialogue, d'incompréhension, qui a été réglé comme il devait l'être, c'est-à-dire par le dialogue social (...) Pour la première fois, la quasi-totalité des médecins ont signé cet accord parce que c'était un accord légitime. C'est un contrat de confiance. »
Secrétaire national du RPR à la Santé, le Dr Pierre Morange ne dit pas autre chose. Il constate qu'un « nouvel état d'esprit conventionnel » est à l'uvre, qui « tranche avec la surdité sociale qui a marqué les cinq années de la gauche plurielle ».
Le Premier ministre, Jean-Pierre Raffarin, n'a pas omis de monter au créneau et de marquer, lui aussi, sa « satisfaction » de ce que soient « renoués » les « fils du dialogue ». Il estime que la négociation a abouti à un protocole « équilibré ». L'adjectif, rempart contre les inquiétudes que n'a pas manqué de soulever l'accord du 5 juin en matière de coût, n'a certainement pas été choisi au hasard. Après que le ministre de la Santé, Jean-François Mattei, s'est publiquement interrogé sur une éventuelle augmentation des cotisations d'assurance-maladie, le porte-parole du gouvernement, Jean-François Copé, a rectifié le tir et s'est montré plus explicite encore que le chef du gouvernement. Il est catégorique : « Il n'est pas question d'augmenter les cotisations. »
L'opposition n'est pas convaincue. Le député-maire PS de Nantes, Jean-Marc Ayrault, juge que l'accord est « lourd d'ambiguïté », qu'il « n'est pas financé » et qu' « il va coûter très cher ». Répondant directement au président de la République, le député socialiste de l'Essonne, Julien Dray, affirme que le protocole n'a « de contrat de confiance que le nom ». « Il s'agit avant tout d'une manuvre électorale de veille de législatives (et l'accord) apparaît dans les faits comme un marché de dupes », a-t-il ajouté. « Inquiets », craignant « une augmentation des cotisations et de la CSG », les sénateurs communistes ont eux aussi fait entendre leur voix.
Hors du champ politique, les commentaires vont bon train. La Fédération des médecins de France (FMF), non signataire de l'accord du 5 juin, n'a pas mâché ses mots, faisant du protocole un « trompe-l'il ». « Les contraintes pour les médecins contenues dans l'accord sont importantes, explique le syndicat, et le C à 20 euros n'est qu'un rattrapage insuffisant qui risque fort de n'être que de la poudre aux yeux de nos confrères. » Satisfait évidemment de l'accord, l'Union nationale des médecins spécialistes (UMESPE, CSMF) demande cependant que s'ouvrent rapidement des négociations pour un nouvel accord conventionnel, qui prenne en compte « un rattrapage des honoraires qui seul permettra aux médecins spécialistes de retrouver une confiance dans le système conventionnel ».
Plutôt favorables à l'accord, la MSA (Mutualité sociale agricole) et la CFDT ont toutes deux fait preuve de prudence. La première, qui a signé le texte, a rappelé « son refus »« d'une augmentation des cotisations ». La seconde, qui assure la présidence de la Caisse nationale d'assurance-maladie (CNAM, voir l'interview de Jean-Marie Spaeth), a fait savoir aux médecins, par la voix de son nouveau secrétaire général, François Chérèque, que « si demain » certains d'entre eux venaient à rompre « le contrat passé avec les assurés sociaux », elle « veillerait à ce qu'ils soient sanctionnés ». A bon entendeur.
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