LE PROJET DE BUDGET pour l'année prochaine ne mérite ni les compliments que le gouvernement s'est déjà adressés à lui-même ni le charivari de commentaires indignés que lui ont réservé l'opposition et les syndicats. Henri Emmanuelli (PS) est désespéré parce que sa femme de ménage le fait passer au-dessous du seuil des revenus imposables, alors que sa secrétaire, qui gagne moins que lui, va payer des impôts. La démonstration fait sourire, mais ne convainc personne.
Vertus et tares.
Le projet de loi a ses vertus et ses tares : premier avantage, les dépenses n'augmentent que du taux d'inflation, comme en 2004 et comme en 2003, ce qui témoigne de la rigueur du gouvernement. Comme, en même temps, de gros efforts sont faits en matière d'éducation, de recherche et de cohésion sociale, le projet Sarkozy procède inévitablement à une redistribution des ressources. En outre, les réductions d'impôts (sur la succession, pour l'emploi domestique) et des charges sociales des entreprises rendaient l'objectif de 3 % de déficit encore plus difficile à atteindre.
L'effort en direction de la diminution des effectifs de la fonction publique est purement symbolique : une dizaine de milliers d'emplois sur un total de deux millions et demi ; cela représente un pourcentage - dérisoire - de 0,4 %. Les projections en matière d'inflation, de croissance, de commerce extérieur, de consommation, de taux de change nous semblent raisonnables.
Il faut noter à ce sujet que la croissance en France (2,5 % en 2004, 2,5 % prévus pour 2005) est légèrement supérieure à la moyenne européenne, ce qui est à mettre au crédit du gouvernement. Jean-Louis Borloo annonce comme une certitude une réduction du taux de chômage imminente ; on ne demande qu'à le croire. Néanmoins, elle ne saurait être spectaculaire.
Renoncement salutaire.
Le gouvernement a renoncé à la réduction annuelle de l'impôt sur le revenu promise en 2002 par Jacques Chirac et tenue pendant deux ans seulement. La promesse était téméraire, le renoncement est salutaire. L'opposition a beau dire, M. Raffarin s'efforce vraiment de baisser les impôts dans les domaines (comme celui des donations et des successions) où cette baisse a une bonne chance d'encourager la consommation et donc l'embauche. L'accusation lancée par la gauche - « un budget de classe » - n'aurait de sens si l'objectif consistait seulement à protéger les riches : chaque personne arrachée au chômage se moque bien de ce que gagnent les autres.
L'inspiration libérale.
Bien entendu, l'opposition se situe dans son courant idéologique : c'est l'économie libérale qu'elle met en accusation et à laquelle elle prédit l'échec. En dépit de son impopularité, le Premier ministre a aujourd'hui l'occasion de démontrer que des mesures budgétaires libérales peuvent effectivement encourager la croissance. On jugera sur pièces l'année prochaine.
EXERCER LA RIGUEUR QUAND LES SERVICES PUBLICS CRIENT FAMINE N'EST PAS FACILE
Mais le projet de budget 2005 indique tout de même un sérieux échec : sa rigueur n'empêchera pas les prélèvements obligatoires (qui avaient baissé pendant deux ans) de remonter d'un point de pourcentage et de passer de 42,7 % du produit intérieur brut (PIB) à 43,7 %. Pourquoi ? Parce que la réforme de l'assurance-maladie contient des hausses de prélèvements sociaux qui ne sont pas négligeables. M. Chirac, on s'en souvient, voulait réduire non seulement les impôts des ménages et des entreprises, mais la pression fiscale dans son ensemble. Or le pourcentage de PIB affecté aux dépenses publiques est en France l'un des plus élevés d'Europe et continue à représenter une menace à long terme pour la croissance.
L'omniprésence de Sarkozy.
On doit voir, dans la configuration du projet de loi de Finances, l'omniprésence de Nicolas Sarkozy, qui s'est attaqué aux ministères dits dépensiers et n'a pas hésité à réclamer une réduction du budget militaire. Ce dont M. Chirac s'est fâché tout rouge. Il demeure que le gouvernement a tourné la page du libéralisme à tous crins, quoi qu'en dise la gauche. Il en revient à une conception plus dirigiste du budget.
Lequel apparaît donc comme la traduction de plusieurs nécessités contradictoires : pour aider l'emploi, ne taxons pas trop le citoyen. Ce qui est en contradiction avec l'indispensable financement du trou de la Sécu : le résultat est que le Français moyen n'a pas plus d'argent dans la poche. Pour contribuer à l'embauche, baissons les charges des entreprises : le risque est grand que la consommation soit entravée par les prélèvements sociaux (les impôts, eux, n'ont pas augmenté) et que les entreprises qui ne vendront pas plus ne recruteront pas.
En outre, les enseignants ne sont nullement satisfaits de l'effort (assorti, il est vrai, d'une réduction des personnels) qui est fait en faveur de l'éducation, le manque de bras reste criant dans les hôpitaux, le milliard accordé à la recherche laisse les chercheurs de marbre, les préoccupations écologiques sont mises entre parenthèses, etc : il y a beaucoup de motifs d'insatisfaction. Exercer la rigueur quand les services publics crient famine n'est pas facile.
Il se passe avec les mesures budgétaires ce qui se passe avec le système de santé : il existe un tel besoin de financement que les institutions elles-mêmes et en particulier le service public, sont menacées. Et c'est justement dans cette période qu'il faut « dégraisser le mammouth », expression savoureuse de Claude Allègre, qui n'a jamais été aussi actuelle.
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