Pratique
GENERALITESDepuis 1998, il existe en France deux produits de contraception d'urgence : Tétragynon (50 mg d'éthinyl-estradiol associés à 250 mg de lévonorgestrel), spécialité estroprogestative, et NorLevo, spécialité qui ne contient qu'un progestatif (750 mg de lévonorgestrel). Une étude faite sous l'égide de l'OMS en 1998 a montré que le lévonorgestrel seul, administré en contraception d'urgence, était plus efficace et significativement mieux toléré que l'association estradiol/lévonorgestrel (2). C'est l'absence d'éthinyl-estradiol qui confère à NorLevo ses avantages les plus significatifs : une excellente tolérance (les vomissements sont très rares), une absence de contre-indications, vasculaires notamment, en dehors d'une allergie au lévonorgestrel ou à certains excipients de la spécialité.
La contraception d'urgence est-elle efficace ?
La réponse à cette question est fournie par de grandes études cliniques disponibles dans la littérature. Les études comportant un nombre suffisant de femmes indiquent que le taux d'échecs de la méthode est inférieur à 5 % (3). Les échecs sont significativement moindres avec les méthodes utilisant le lévonorgestrel seul qu'avec celles utilisant l'association estroprogestative classique. Cette efficacité est confirmée par les données obtenues lors de l'emploi à large échelle de la contraception d'urgence (2). Toutefois, il est clair que l'efficacité de la contraception d'urgence est insuffisante pour en recommander l'usage régulier, et c'est sûrement l'un des rôles du MG d'en convaincre les utilisatrices.
La contraception d'urgence est d'autant plus efficace qu'elle est utilisée rapidement après le rapport non protégé : l'efficacité baisse de près de 10 % au bout de trois jours après le rapport. Ce fait a contribué à autoriser la délivrance de la contraception d'urgence sans prescription médicale, afin d'éviter les retards de prise souvent dus à la difficulté d'obtention d'un rendez-vous avec un médecin. Cela souligne l'importance d'une information détaillée et pratique, voire une provision par avance du produit, au cours d'une consultation de médecine générale en dehors du contexte d'urgence.
Il demeure mal connu. En effet, dans la mesure où la contraception d'urgence est vraiment une situation d'urgence, on ne peut connaître avec précision la situation dans le cycle menstruel au moment de la prise du produit. On sait néanmoins avec certitude que les progestatifs comme le lévonorgestrel à la dose de 750 mg agissent en bloquant l'ovulation (4). Par ailleurs, on sait que la fécondation ne peut se produire que si des spermatozoïdes sont au voisinage de l'uf au moment où celui-ci est expulsé : de fait, il a été montré que la fécondation ne peut se produire que si le rapport sexuel a eu lieu avant le début de l'ovulation. Si le rapport sexuel a lieu le lendemain, ou, a fortiori dans les jours qui suivent l'ovulation, la fécondation est peu probable. Un rapport au début de la période ovulatoire doit être considéré comme potentiellement fécondant. Le blocage du pic ovulatoire apparaît comme le mécanisme principal de l'efficacité de la contraception d'urgence et justifie l'attribution du terme contraception à ce type de méthode. Il explique également que la contraception d'urgence ne peut être efficace à 100 % : si une femme l'utilise dans la période précédant immédiatement le déclenchement de l'ovulation, le produit n'aura pas le temps d'agir et la fécondation pourra avoir lieu.
Les autres mécanismes d'action souvent évoqués sont totalement hypothétiques et non démontrés. Il s'agit de l'interférence avec le processus de fécondation lui-même : on sait que les progestatifs gênent la migration des spermatozoïdes jusque dans la cavité utérine par modification de la glaire cervicale. Il est également possible que les progestatifs aient un effet sur la fécondation elle-même. On a aussi évoqué un effet délétère des progestatifs sur le fonctionnement du corps jaune en tout début de grossesse. Enfin, il pourrait exister une interférence avec l'implantation de l'uf fécondé dans la cavité utérine sous l'effet des progestatifs à fortes doses qui rendraient l'endomètre impropre à la nidation (6). Ce mécanisme est toutefois douteux si l'on se souvient que les conditions hormonales nécessaires à l'implantation de l'embryon sont remarquablement peu astringentes comme l'a bien montré la préparation de l'endomètre au don d'ovocyte.
On peut l'utiliser après tout rapport sexuel non protégé, quelles que soient les circonstances : absence de contraception ; utilisation d'une méthode peu efficace (retrait, méthode des températures) ; échec de contraception. Les motifs d'utilisation le plus souvent invoqués sont la rupture de préservatif, une erreur lors de son utilisation (au moment de l'enlever notamment) et les oublis de pilule. Rappelons à ce sujet un certain nombre de faits souvent ignorés. Les échecs de contraception sont une cause non négligeable d'IVG : environ 10 % des motifs d'IVG en France (200 000 IVG/an), actuellement en augmentation inquiétante chez les adolescentes (6). Les oublis de pilule sont très fréquents : plus de 12 % des femmes indiquent avoir oublié au moins une fois leur pilule dans les six derniers mois. La période la plus risquée lors d'un oubli de pilule est la première semaine de la plaquette, car c'est à ce moment que s'établissent les mécanismes permettant le blocage de l'ovulation. Il n'y a pas de recommandation univoque sur la conduite à tenir en cas d'oubli de pilule : il ne faut pas hésiter à employer la contraception d'urgence en même temps qu'est continuée la pilule en cours jusqu'à l'arrivée des règles suivantes (sans oublier que les rapports suivants devront être protégés par des préservatifs).
Lire la notice de la pilule.
Ne pas l'interrompre, même si vous utilisez NorLevo.
Un vomissement moins de deux heures après la prise de la pilule équivaut à un oubli.
Prendre le comprimé oublié dès que possible.
Prendre le comprimé suivant à l'heure habituelle.
Utiliser des préservatifs jusqu'aux prochaines règles si plus de 1 comprimé a été oublié, ou si le comprimé oublié est l'un des sept premiers de la plaquette.
Des saignements peuvent apparaître en cours de plaquette après tout oubli de pilule : ils sont sans danger, mais ce ne sont pas des règles.
Surveiller l'apparition de saignements à la fin de la plaquette en cours : faire un test de grossesse si retard ou absence de saignements.
Envisager un autre moyen contraceptif si les oublis sont trop fréquents.
D'une façon générale, tout rapport non protégé doit pouvoir conduire à l'utilisation d'une contraception d'urgence chez une femme qui ne désire pas de grossesse. La charge hormonale représentée par l'utilisation de produits sans estrogènes est modérée et ne doit pas constituer un frein à leur usage, même si la patiente les utilise plusieurs fois au cours d'un même cycle menstruel. La prise de NorLevo ne doit absolument pas entraîner l'interruption de la plaquette en cours d'utilisation.
La prise des spécialités contenant des estrogènes s'accompagne de nausées et de vomissements importants. Les estrogènes sont contre-indiqués chez les femmes ayant des facteurs de risque cardio-vasculaires associés tels qu'une obésité, un diabète, une hypertension, une dyslipidémie, des antécédents thromboemboliques notamment. Tel n'est pas le cas des spécialités ne contenant pas d'estrogène, dont l'efficacité et la tolérance sont par ailleurs meilleures. Celles-ci n'ont aucune contre-indication, ce qui a permis leur dispensation sans ordonnance. Une question souvent posée est le risque des progestatifs à forte dose employés par inadvertance en cas de grossesse débutante. A ce sujet, les résultats des données de la littérature disponibles à ce jour, reposant sur plus de trente ans d'emploi du lévonorgestrel, sont parfaitement clairs : le lévonorgestrel n'est pas tératogène. Le généraliste peut rassurer les patientes inquiètes à ce sujet. Le risque potentiel de survenue d'une grossesse extra-utérine est également souvent évoqué lors de l'usage du lévonorgestrel. Cette possibilité reste théorique, par analogie avec l'emploi des micropilules contraceptives, suspectées d'augmenter le risque de GEU. L'expérience avec NorLevo est rassurante à ce sujet : elle indique que parmi les échecs de la méthode, le nombre de GEU ne semble pas plus élevé que dans la population générale. Cela étant, comme toujours en matière de contraception, la survenue d'une GEU est toujours possible. D'un point de vue pratique, chez une femme qui a utilisé une contraception d'urgence, il faut y penser systématiquement devant des métrorragies durables, associées ou non à des douleurs abdominales ou à des symptômes de grossesse, et a fortiori en cas de retard de règles de cinq jours ou plus par rapport à la date prévue, imposant la pratique immédiate d'un test de grossesse.
Le rôle du généraliste est fondamental dans le conseil contraceptif, l'éducation et le suivi.
Il peut sembler paradoxal de parler du rôle du MG pour l'emploi d'un médicament qui est actuellement disponible sans prescription. Pourtant, son rôle est fondamental dans la prise en charge ultérieure des patientes dans la mesure où le recours à la contraception d'urgence traduit souvent un échec de la pratique contraceptive elle-même.
En premier lieu, il est indispensable que le MG ne retarde pas l'accès à la contraception d'urgence dont l'efficacité est directement liée à la rapidité de la prise. Il est impossible de juger du bien-fondé du recours à la contraception d'urgence. En effet, contrairement à bien des idées reçues, la période fertile ne se situe pas toujours autour du 14e jour du cycle : l'ovulation peut se produire n'importe quand, juste après, juste avant, voire même pendant les règles. Le praticien a peu de moyens de savoir à quelle date du cycle se situe la patiente au moment du rapport non protégé. Il convient donc de faciliter l'accès à la contraception d'urgence à toute demandeuse. Ainsi, il peut être utile que le praticien ait à son cabinet une boîte de NorLevo qu'il pourra remettre immédiatement à une femme qui lui demanderait une contraception d'urgence.
C'est aussi pour le médecin l'occasion de détailler avec sa patiente les modalités de prise, et de la rassurer quant aux risques et aux effets secondaires. Le MG peut convenir avec elle de l'heure de la prise du deuxième comprimé, et des moyens contraceptifs disponibles jusqu'au début du cycle suivant. Il ne doit pas hésiter à expliquer les différents mécanismes d'action possible de la contraception d'urgence afin d'insister sur l'importance du délai entre le rapport et la prise du premier comprimé. Ces échanges permettent en outre une responsabilisation de la patiente, une meilleure écoute de l'information concernant la prise en charge contraceptive ultérieure et donc une meilleure compliance.
Le MG a un rôle essentiel à jouer dans la diffusion de l'information sur le cycle menstruel, la fécondité, les accidents de contraception, les progrès en matière de contraception. C'est l'occasion pour lui de corriger un certain nombre d'idées reçues fréquentes : tout rapport non protégé est à risque ; il n'y a pas, au cours du cycle, de période sans risque de fécondation car la date de l'ovulation n'est pas prédictible (elle se produit rarement au 14e jour du cycle, surtout chez une femme jeune) ; le premier rapport sexuel peut parfaitement être fécondant contrairement à une croyance trop répandue. De même, l'information sur la contraception d'urgence est de bonne pratique médicale avant un voyage, ou chez une femme dont les modalités d'existence risquent de la conduire à une situation de détresse en cas de rapport sexuel non protégé.
C'est dans les suites immédiates de la prise de la contraception d'urgence que le rôle du MG est le plus déterminant. Il peut être consulté pour rassurer une patiente qui a utilisé une contraception d'urgence. On sait ainsi que, après NorLevo, des saignements utérins sont possibles, qu'ils sont sans signification et ne permettent pas de préjuger d'un succès ou d'un échec de la méthode. Les règles surviennent chez la plupart des femmes à la date prévue ; elles surviennent en avance ou en retard de quelques jours chez 15 % des femmes respectivement. En cas de retard de règles de plus de cinq jours, il est recommandé d'effectuer un test de grossesse.
Le MG doit mettre à profit la période qui suit l'usage de la contraception d'urgence pour éduquer la patiente afin de lui permettre une réelle liberté de choix de la méthode contraceptive la mieux adaptée, de mettre en route cette dernière en tenant compte notamment de son âge, de son mode de vie, de ses inquiétudes propres. Il doit être conscient que la contraception valable aujourd'hui ne le sera pas forcément dans quelques mois, particulièrement pour les jeunes et les femmes lors de ruptures affectives. Le MG a bien sûr également un rôle d'éducation concernant l'usage des préservatifs et la prévention des MST. Enfin, le MG peut être amené à prendre en charge une femme venant consulter à l'occasion d'une demande de contraception d'urgence au décours d'un viol.
Au total, bien que la contraception d'urgence soit directement accessible aux femmes sans la nécessité de prescription médicale, encore faut-il qu'elles sachent l'utiliser, et c'est là que le rôle du MG est fondamental. Il peut conseiller, rassurer, éduquer la patiente à l'occasion d'une demande de contraception d'urgence. Il faut se souvenir qu'il n'y a pas de bon ou de mauvais moyen contraceptif, il n'y a qu'un moyen contraceptif adapté à la personne à un moment donné de son existence et que toute méthode susceptible d'échec nécessite une information renforcée sur la contraception d'urgence, voire d'une prescription « au cas où » : prescription de sécurité.
La méconnaissance des moyens actuellement disponibles dans le domaine de la contraception limite considérablement la liberté qu'elle offre aux femmes. Les personnes référantes auxquelles elles peuvent s'adresser dans les situations de détresse sont peu nombreuses et leur rôle en devient essentiel.
(1) Gainer E., Mery C., Ulmann A. « Contraception », 2001 ; 64 : 17-21.
(2) Task Force on Postovulatory Methods of Fertility Regulation. Randomized controlled trial of levonorgestrel versus the Yuzpe regimen of combined oral contraceptives for emergency contraception. « The Lancet » 1998 ; 352 : 428-33.
(3) Piaggio G., von Hertzen H., Grimes D. A., Van Look P. F. A. On the behalf of the Task Force on Postovulatory Methods of Fertility Regulation. Timing of emergency contraception with levonorgestrel or the Yuzpe regimen. « The Lancet », 1999 ; 353 : 721.
(4) Durand M., del Carmen Cravioto M., Raymond E. G. et coll. On the mechanisms of short-term levonorgestrel administration in emergency contraception. « Contraception », 2001 ; 64 : 227-34.
(5) Raymond E. G., Lovely L. P., Chen-Mok M. et coll. Effect of the Yuzpe regimen of emergency contraception on markers of endometrial receptivity. « Hum Reprod » ; 15 : 2351-5.
(6) Bouchard B. Grossesses et IVG chez les adolescentes : des chiffres préoccupants. « Médecine/sciences », 2001 ; 17 : 350-1.
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