LE GOUVERNEMENT a donc obtenu de justesse la majorité des trois cinquièmes requise pour la réforme constitutionnelle. Il s'agissait notamment de satisfaire une revendication de Nicolas Sarkozy, qui réclamait la possibilité, pour le chef de l'État, de s'adresser directement au Parlement. Il s'agissait aussi de limiter à deux le nombre de mandats exercés par un président, ce qui n'a pas été prévu par la réforme Jospin-Chirac qui a instauré le quinquennat ; de renforcer les pouvoirs du Parlement, notamment par la participation de commissions aux nouvelles nominations ; de limiter le recours à l'article 49-3 qui permet au gouvernement de mettre un terme à un débat en posant la question de confiance ; de donner aux assemblées le droit de proposer la moitié des sujets de l'ordre du jour ; d'accorder de nouveaux droits aux citoyens, notamment la possibilité de saisir indirectement le Conseil constitutionnel.
Une dose supplémentaire de démocratie.
La réforme est profonde ; elle modifie sensiblement un nombre considérable d'articles de la loi fondamentale. Elle a été présentée par la commission Balladur, qui était composée de sages venus de tous les horizons politiques. Elle a été discutée pendant des mois. Elle n'est pas parfaite : elle n'interdit toujours pas le cumul des mandats ; elle ne modifie pas le mode, pour le moins archaïque, d'élection des sénateurs. Elle n'en introduit pas moins une dose supplémentaire de démocratie dans le fonctionnement des institutions et l'opposition a largement contribué aux changements qui ont été apportés aux propositions de la commission.
LA REFORME EST UTILE : ELLE SOUFFRE SEULEMENT DE CE QUE LES ELUS SOCIALISTES NE L'ONT POINT VOTEELe Parti socialiste a pourtant décidé, en définitive, de voter contre le projet. Le scrutin solennel du 21 juillet a été précédé par des semaines de batailles politiciennes qui ont démontré que l'opposition, mais aussi le pouvoir, était plus intéressée par une de ces victoires conjoncturelles qui ne laissent guère de trace dans l'histoire que par la réforme elle-même. Le sénateur Robert Badinter, ancien président du Conseil constitutionnel, a milité avec vigueur contre le texte qui a été adopté. Il n'y voit aucun progrès démocratique. Son avis est de nature à exonérer les socialistes de la responsabilité qu'ils ont prise en votant non.
Et il est vrai, comme le souligne M. Badinter, que l'Élysée aurait dû au moins céder sur le scrutin sénatorial. Ce n'était pas facile : il est pratiquement impossible de demander à des élus de renoncer à un mode de scrutin qui leur garantit pratiquement de conserver leur mandat. Mais, en y consentant, M. Sarkozy aurait fait un geste généreux et juste. En s'y refusant, il a cédé à la facilité : le Sénat, où la majorité est toujours de droite, a sauvé son projet.
Quant aux socialistes, pris au piège de la hargne indescriptible que leur inspire M. Sarkozy, ils ne convaincront pas l'opinion, favorable à la réforme, qu'ils ont agi dans l'intérêt bien compris du pays, en dépit des sérieux arguments présentés par M. Badinter. Ils ont tenté, mais en vain, d'infliger au président une grave défaite alors que la réforme a été conçue comme un projet consensuel auquel ils adhéraient au départ. Ce faisant, ils ont pris un gros risque, car la droite disposait théoriquement, grâce au Sénat, de trois cinquièmes des voix dans les deux chambres. Et s'il y a eu de la panique la semaine dernière du côté de l'Élysée, c'est parce que plusieurs élus de la majorité (treize au total), souverainistes, villiéristes et chiraco-villepinistes étaient, un peu comme le PS, tentés de sanctionner le pouvoir. La moitié d'entre eux aurait été convaincue par un Sarkozy toujours plein d'entregent.
Médiocre triomphe.
La détestation du pouvoir en place, apparemment invulnérable aux critiques et sentences que les socialistes font pleuvoir sur lui tous les jours, les aura plus inspirés que l'importance de la réforme. Qu'ils ne s'étonnent pas si le pays leur en tient rigueur. Leurs déclarations, à la veille du scrutin, toutes formulées avec les accents du regret (en substance : «Nous aurions bien voulu voter pour, mais ce n'est pas la réforme que nous voulions»),étaient marquées, quoi qu'ils en disent, au fer de l'hypocrisie. Ils se sont encore offert un acte manqué. Ils auraient empêché la réforme qu'ils auraient – enfin ! – porté au pouvoir un premier coup significatif. Il n'en est rien : la réforme souffre uniquement de ce qu'ils ne l'ont point votée. Ils ont sans doute de bonnes raisons d'en vouloir, jusqu'à la haine, à un président qui non seulement ne cesse de leur faire des pieds-de-nez, mais échappe souvent aux conséquences de ses gaffes, de ses erreurs, de ses revers. Ils ont projeté leur aversion pour le président sur un texte qu'ils souhaitaient ; ils en sont donc à ce point de désespoir que, sûrs de perdre le match, ils tentent au moins d'enlever un set pour montrer qu'ils existent. La réforme de la Constitution ne devait, en aucun cas, représenter le vulgaire enjeu de leur duel avec le président.
Ce n'est pas de la saine opposition. Et ils ne trompent personne quand ils prétendent que tout ce pathos stérile, c'est la faute de Sarkozy. C'est la leur.
D'autant que le président peut affirmer aujourd'hui que sa réforme est passée. On ne s'enthousiasmera pas pour son médiocre triomphe : une réforme de la Constitution doit procéder de la démarche de tous, elle doit être consensuelle, elle n'a de légitimité que si elle s'appuie non seulement sur la gauche et sur la droite, mais sur le plus grand nombre des citoyens. Tant pis pour le président ; et tant pis pour le PS qui n'a eu ni le courage ni la hauteur de vues nécessaires pour donner à la réforme l'aura qui lui manque aujourd'hui.
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