G RANDE consommatrice de poissons, gras notamment, la population suédoise est le champ d'investigation idéal sur les bénéfices de ce type d'alimentation. Cette fois, c'est la diminution de l'incidence du cancer de la prostate qui est mise en valeur chez les inconditionnels des saumons, harengs ou maquereaux, connus pour leur richesse en acides gras omega 3.
Paul Terry et coll. (Stockholm) sont partis d'un constat. Les acides gras essentiels contenus dans le poisson inhibent, in vitro et in vivo, la croissance des cellules cancéreuses prostatiques. Déjà, deux études avaient mis en valeur une relation inverse entre le taux d'acides gras sériques et l'incidence du cancer prostatique. Mais les enquêtes épidémiologiques consacrées à ce thème sont rares et portent sur trop peu de cas.
466 cancers prostatiques diagnostiqués
Les auteurs ont donc lancé une étude de cohorte, prospective, basée sur une population. Des questionnaires ont été envoyés à tous les jumeaux nés entre 1886 et 1925, vivant encore en Suède en 1961. En partant de 12 889 courriers, les auteurs ont pu bâtir leur étude sur 6 272 réponses masculines. Des questions avaient trait, bien sûr, aux habitudes alimentaires, notamment la consommation de poisson, mais aussi au tabagisme, à l'activité physique ou aux boissons alcoolisées.
Il ressort de l'enquête que l'âge moyen des sujets au renvoi du courrier était de 55,6 ans. Au bout d'un suivi de 30 ans (21,4 ans en moyenne), 466 cancers prostatiques ont été diagnostiqués, dont 340 fatals, en moyenne à 76,7 ans. Un pourcentage élevé de poisson dans le régime alimentaire était associé à une diminution de la fréquence de cette tumeur, même après ajustement selon l'âge ou les autres facteurs de risque connus. Le risque relatif (en analyse multivariée) est établi à 1, pour les consommateurs élevés et modérés (référence), à 1,2 pour une consommation faible et à 2,3 dans le groupe jamais-rarement.
Les auteurs relèvent, au passage, une relation positive entre une consommation élevée de poisson, l'activité physique, le tabagisme et la consommation de fruits et légumes.
Restait à comprendre la raison de cette association. Les auteurs évoquent la possibilité d'une inhibition de la biosynthèse de l'eicosanoïde dérivé de l'acide arachidonique. Les résultats de l'étude EPIC (recherche prospective européenne sur le cancer et la nutrition) mettent, d'ailleurs, en valeur des concentrations plasmatiques 3 ou 4 fois plus élevées en acide eicosapentaénoïque (EPA) chez les Suédois et Danois, lesquels consomment les plus grandes quantités de poissons gras. L'EPA entre en compétition avec l'acide arachidonique en tant que substrat de la cyclooxygénase, conduisant à des variations importantes dans les concentrations relatives en prostaglandines qui favorisent la croissance tumorale.
Les auteurs font remarquer qu'un des points forts de leur travail est d'avoir obtenu les informations alimentaires avant même la survenue des tumeurs. Ce qui limite les biais relatifs à la mémoire des sujets enrôlés.
« The Lancet », vol. 357, 2 juin 2001, pp. 1764-1766 (lettre).
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature