Antibiotiques

Consommation en hausse en ville depuis 2010

Publié le 06/12/2014
Article réservé aux abonnés
Les premiers succès enregistrés au début des années 2000 ont été effacés. La consommation d’antibiotiques en 2013 est supérieure à celle observée en 2003. Doit-on pour autant parler de dérapage ?

La célèbre campagne de l’assurance maladie, « les antibiotiques, c’est pas automatique », connaît des

ratés. Selon une étude publiée par l’ANSM (Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé), la consommation d’antibiotiques est repartie à la hausse en ville depuis 2010 avec une progression

annuelle de 5,9 %. À l’hôpital, en revanche, prédomine le statu quo. Résultat, alors que le recours à ces

agents thérapeutiques avait fortement baissé, le niveau d’utilisation en 2013 est légèrement supérieur à

celui observé en 2003. Pour autant, ces données ne témoignent pas uniquement d’un relâchement des prescripteurs. La pédagogie déployée tout au long de ces années génère des changements d’attitude. La forte épidémie de syndromes grippaux par exemple ne s’est pas accompagnée d’un retour aux prescriptions d’antibiotiques, comme on l’observait au début des années 2000. Autre phénomène, le facteur démographique du vieillissement de la population intervient également dans ce « retour de la croissance ».

Au sein de l’Europe, la part des moins de 15 ans dans la population a baissé de 3,7 points au cours des vingt

dernières années. Celle des plus de 65 ans a cru de 3,6 %.

Moins d’antibiotiques disponibles

Dans le même temps s’est produit un retrait du marché d’un grand nombre de produits. Le nombre d’antibiotiques disponibles en France a diminué de 20 passant de 103 à 82 au cours de la période. « L’innovation thérapeutique est désormais trop modeste pour assurer un renouvellement du marché », peut-on lire dans l’étude menée par l’ANSM.

Le problème n’est pas hexagonal. Il s’observe également aux États-Unis. Au cours des années 1999-2008,

34 antibiotiques ont été retirés du marché. Seules 17 nouvelles substances actives ont renforcé l’arsenal

thérapeutique disponible. D’où la vive tension observée en matière de résistance. En effet, l’appauvrissement de l’offre tend mécaniquement à restreindre les solutions de recours. Ce qui entraîne des impasses thérapeutiques auxquelles les infectiologues sont de plus en plus confrontés. Seule la prise en charge de la tuberculose échappe à cette situation tendue avec l’arrivée de deux nouveaux antibiotiques destinés

au traitement de la tuberculose pulmonaire multirésistante, à savoir la bedaquiline et le delamanid.

Envol des génériques

À cette réduction massive correspond l’envol des génériques. En 2013, ils représentent 82,5 % de

la consommation d’antibiotiques en ville. Autre constat, les pénicillines sont les antibiotiques les plus

consommés, avec une progression préoccupante des associations amoxicilline/acide clavulanique.

Le risque ici est l’augmentation des résistances. Un résultat positif toutefois est noté par les auteurs avec

la légère réduction de prescription des quinolones. Enfin, les antibiotiques sont davantage prescrits chez

les femmes, la faute sans nul doute aux cystites prédominant largement dans la population féminine.

Au total, en dépit des quelques signaux positifs, les résultats ne sont guère satisfaisants lorsque l’on les

compare aux données recueillies dans les autres pays européens. La France se classe au quatrième rang

derrière la Grèce, la Roumanie et le Belgique. Si les objectifs du troisième plan antibiotique sont atteints,

à savoir une réduction de 25 % de la consommation, l’Hexagone rejoindra la moyenne européenne. La marche risque d’être longue…

Gilles Noussenbaum

Source : Décision Santé: 299