TROIS HEURES. C’est le temps qu’il aura fallu pour que chacun exprime ses arguments dans le cadre de la table ronde qu’avait appelée de ses voeux Jean-François Chadelat, le président du Fonds CMU et inspecteur général de l’action sociale, auteur du rapport qui avait mis quelque peu les acteurs sous pression, le 13 décembre. Des mots qui fâchent avaient été prononcés. Les syndicats médicaux étaient montés au créneau, dénonçant la stigmatisation et l’opprobre jetée sur toute la profession ( « le Quotidien » du 18 décembre). L’Ordre des médecins regrettait pour sa part les «caricatures» et les «stupidités» proférées par certains.
Situation dramatique.
«La situation, à l’ouverture de la réunion, était dramatique», résume Christian Saout, présent parmi les divers interlocuteurs convoqués, au titre du Collectif interassociatif sur la santé (Ciss).
Mais, comme Xavier Bertrand l’avait annoncé, la sortie de crise est venue de la concertation. «Chacun a pu exprimer son point de vue sans mot à l’emporte-pièce», se félicite le Pr Jacques Roland, président du Conseil national de l’Ordre des médecins. Le résultat, le ministre de la Santé l’a exposé autour de quelques axes principaux destinés à « mieux garantir le respect des droits du patient».
Un travail d’information est tout d’abord demandé aux caisses d’assurance-maladie. Celle du Cher ouvrira le feu dès le mois de janvier et toutes suivront en mars, avec un guide des droits distribué à chacun des 4,8 millions de bénéficiaires de la CMU. La Sécurité sociale, encore, va être chargée d’inciter «fortement» et «clairement» les patients à choisir un médecin traitant. Le rapport Chadelat notait que seulement 63 % d’entre eux avaient satisfait à cette règle, contre près de 80 % des assurés du régime général.
La Sécurité sociale, toujours, devra veiller à une meilleure diffusion de la carte Vitale, avec pour objectif de l’attribuer dans un délai de trois semaines. Car on sait que la carte facilite et garantit les procédures de remboursement.
Enfin, les caisses d’assurance-maladie devront assumer les remboursements des praticiens dans leur intégralité. «Les professionnels, a souligné le ministre, ne doivent plus être pénalisés par un moindre remboursement au motif que le patient n’a pas désigné de médecin traitant.» A ce propos, les caisses vont s’adresser à l’ensemble des professionnels de santé, qui recevront en mars une fiche d’information.
«Par ces diverses dispositions, nous nous donnons les moyens de réussir à résoudre les problèmes, estime Xavier Bertrand, sans nullement les minimiser. C’est pourquoi, avec ces moyens nouveaux, il deviendra encore moins acceptable que des professionnels de santé continuent à refuser de prendre en charge les patients bénéficiairesde la CMU.»
Le ministre de la Santé a donc confirmé l’initiative annoncée la semaine dernière, à l’occasion de la remise du rapport : les associations pourront se substituer aux patients pour saisir les instances ordinales en cas de dysfonctionnement. A cet effet, les caisses diffuseront les numéros de téléphone des conseils départementaux. Et un décret sera publié au mois de février.
Jean-François Chadelat avait proposé que les sanctions soient prononcées par les caisses ; finalement, s’agissant d’un problème déontologique, il se rallie au principe de son traitement, en priorité, par les Ordres, sans disposition d’automaticité. En effet, d’autres procédures supposent, convient-il, de nouvelles dispositions législatives.
L’épée de Damoclès.
Pour autant, «le fonctionnement du système reste placé sous surveillance, souligne Christian Saout. En cas de nécessité, l’épée de Damoclès s’abattra».
Concrètement, annonce Xavier Bertrand, « si nous ne mettons pas en place maintenant un nouveau dispositif de sanction, nous nous donnons les moyens d’évaluer de près la situation, en particulier en demandant aux Ordres de produire des rapports trimestriels. Et, s’il y a lieu, un vecteur législatif sera élaboré pour renforcer les sanctions».
Le phénomène du refus de soins que subissent les patients CMU va également faire l’objet d’une évaluation rigoureuse. La Drees (Direction de l’évaluation et des études statistiques) ainsi que l’Observatoire de la pauvreté seront mis à contribution pour produire des données plus fiables que celles livrées par les enquêtes-testing, qualifiées de «partielles» et de «pas scientifiques» par le ministre de la Santé.
Le combat continue donc. Mais cette fois, il semble avoir rallié tous les acteurs : côté association, la Fnars (Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale) se félicite d’un «travail extrêmement positif qui ne stigmatise personne, ni les populations en difficulté, ni les médecins». Un sentiment que partagent le Secours populaire et ATD Quart-Monde.
Le Ciss note qu’ «on a vécu une bataille très difficile sur l’accès aux soins et que l’on s’achemine vers un retour au droit».
Confirmant pour sa part la qualité de la négociation, le Pr Roland, président du Conseil national de l’Ordre, souligne que, « en étudiant les problèmes dans le fond et non de manière superficielle et polémique, tous les intervenants ont finalement abondé dans les analyses présentées par l’Ordre des médecins. J’espère de tout coeur, conclut-il, que nos concitoyens vont maintenant utiliser au mieux le système de la couverture maladie universelle, avec le mode d’emploi et la règle du jeu sur lesquels nous sommes tous tombés d’accord».
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