LE Dr MARGARET CHAN, 59 ans, candidate de la République populaire de Chine, présélectionnée lundi parmi les onze candidats en présence, a finalement été élue au quatrième tour de scrutin par le conseil exécutif de l’OMS, avec 24 voix sur 34, devant le ministre mexicain de la Santé Julio Frenk (10 voix). Les trois autres candidats, le Japonais Shigeru Omi, la ministre espagnole de la Santé, Elena Salgado, et le Koweïtien Kazem Behbehani avaient été éliminés aux tours précédents.
Son succès a été acquis en dépit de la règle non écrite de répartition géographique des postes stratégiques de l’ONU, le Dr Chan partant avec le handicap de la récente élection au poste de secrétaire général de l’ONU du Sud-Coréen Ban Ki-moon.
«Mais Margaret Chan a incontestablement bénéficié de l’effet Chine, ajouté au fait qu’elle est une femme», déclare au « Quotidien » le Dr Marc Danzon, directeur de l’OMS Europe. Saluant «une personnalité modeste, réaliste et facile à vivre», le responsable régional de l’organisation souligne qu’ «elle a notamment fait campagne sur le thème de la décentralisation des décisions au sein de l’OMS, un des arguments qui, selon lui, ont emporté l’adhésion des pays membres du conseil exécutif, à commencer par les Etats africains. Depuis sa promotion, en juin 2005, au poste de représentante du directeur général chargée de la grippe aviaire, elle s’est fait connaître et apprécier comme une femme très consensuelle, rompue aux arcanes d’une institution internationale et bénéficiant d’une excellente visibilité personnelle auprès des représentants des 193pays membres».
Des études médicales effectuées au Canada.
Mais, avec des horizons chargés sur le plan épidémique, les états de service en santé publique de la candidate chinoise n’ont pas été non plus pour rien dans son succès. Après des études qu’elle a faites au Canada avec son mari, le Dr David Chan, à l’université de Western Ontario (elle a la double nationalité chinoise et canadienne), elle a effectué sa carrière à partir de 1978 au sein du département de la santé publique de Hong Kong.
Nommée directrice de la Santé en 1994, au cours des neuf années passées à ce poste, elle a mis en place de nouveaux services de prévention et de promotion de la santé. Elle est aussi à l’origine d’initiatives destinées à améliorer la surveillance et l’action dans le domaine des maladies transmissibles, à renforcer la formation des professionnels de la santé publique et à resserrer les liens de collaboration entre les échelons locaux et internationaux de surveillance.
Mais, surtout, le Dr Chan s’est illustrée dans deux grands combats qui ont défrayé la chronique épidémique mondiale : quand six personnes sont mortes en 1997 à Hong Kong après avoir contracté le virus H5N1, c’est elle qui a décidé d’abattre la totalité des volailles élevées dans l’ancienne colonie, soit 1,4 million de gallinacés. A l’époque, une violente polémique s’est développée en Chine, eu égard aux conséquences économiques et sociales de cette mesure, mais la communauté scientifique internationale a fini par calmer le tollé et à donner raison au Dr Chan : c’est sa décision qui a permis d’empêcher à l’époque du dramatique propagation de l’épidémie dans d’autres pays, reconnaît-on aujourd’hui.
L’autre défi qu’elle a relevé dans la polémique, en 2003, a permis de faire face à une autre maladie, au départ mystérieuse, le syndrome respiratoire aigu sévère (Sras). L’épidémie allait semer la panique à travers le territoire, l’Asie et même le monde. A Hong Kong, 299 personnes trouvaient la mort, parmi lesquelles beaucoup de professionnels de santé au contact de leurs patients.
Margaret Chan a commencé à gérer la crise depuis son pays, prenant ensuite des mesures au plan international, comme directrice du département Protection de l’environnement humain à l’OMS. Si sa gestion a été considérée, là aussi au final, comme une des clés qui a permis de contenir l’épidémie, la presse de l’époque ne l’en a pas moins dénoncée, la considérant lente, confuse et inefficace.
En juin 2005, cependant, Margaret Chan était nommée directrice en charge des maladies transmissibles (surveillance et action) et représentante du directeur général pour la grippe pandémique, puis promue sous-directrice général pour le groupe des maladies transmissibles.
Depuis juillet, le Dr Chan bénéficiait d’un congé de l’organisation, pour mener campagne au poste de directrice générale, après la mort soudaine du Dr Lee Jong-wook, le 22 mai.
Officiellement soutenue par la Chine, la candidate avait été notamment reçue par le conseiller d’Etat Tang Jiaxuan et le vice-ministre de la Santé, Chen Xiaohong. Ceux-ci avaient souligné que «la Chine attache une grande importance au rôle clé de l’OMS et voudrait apporter sa grande contribution au développement des affaires de la santé publique mondiale».
Cette ambition chinoise mondiale semble avoir été en particulier rappelée avec force à l’occasion du sommet sino-africain qui a réuni le week-end dernier 48 chefs d’Etat et de gouvernement africains à Pékin.
Au final, ce lobbying ne serait pas pour rien, remarque-t-on dans les milieux diplomatiques français, dans la déconvenue essuyée par Bernard Kouchner, battu contre toute attente, lundi, au troisième de tour de scrutin du conseil exécutif de l’OMS.
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