Cela fait des siècles que l'on utilise la digoxine, un stéroïde dérivé des plantes, inhibiteur spécifique de la Na,K-ATPase membranaire, dans le traitement des maladies cardiaques. Cela fait également des siècles que l'on utilise, dans les mêmes indications, les dérivés de l'ouabaïne, un analogue de la digoxine. L'ouabaïne est également un ligand de la Na,K-ATPase (à la différence de ce que l'on sait sur d'autres stéroïdes, elle se lie spécifiquement à une protéine plasmatique membranaire).
Une hormone synthétisée par les surrénales
Récemment, on a découvert que l'ouabaïne n'est pas l'exclusivité des plantes : il s'agit également d'une hormone stéroïde que l'on trouve chez les mammifères. L'ouabaïne endogène est, comme les autres hormones stéroïdiennes, synthétisée et sécrétée par les glandes surrénales. Elle est aussi produite localement par d'autres tissus comme l'hypothalamus. Son rôle physiologique n'a pas encore été élucidé. On a suggéré qu'elle agit comme une hormone natriurétique, mais, à la différence d'autres facteurs natriurétiques, elle pourrait aussi avoir un effet vasoconstricteur. Selon des études récentes, elle joue un rôle dans la croissance, la différenciation et l'apoptose. D'ailleurs, on a trouvé des taux élevés au cours de la grossesse et dans la période postnatale. Enfin, on a observé que les taux d'ouabaïne endogène s'élèvent après néphrectomie, pendant la phase de croissance compensatoire de l'autre rein. Or les cellules rénales sont riches en Na,K-ATPase ; ce qui fait d'elles un intéressant modèle pour l'étude de l'ouabaïne. Ce sont précisément des cellules rénales que des chercheurs suédois (Oleg Aizman et coll., Stockholm) ont utilisé pour conduire leur travail sur le mécanisme d'action de l'ouabaïne. Il fallait conduire ce genre d'étude, d'autant que le rôle physiologique du complexe ouabaïne/Na,K-ATPase est, pour l'instant, controversé.
Sans entrer dans les détails, les Suédois montrent, sur des cellules rénales, que l'ouabaïne, à des doses provoquant une inhibition seulement partielle de la Na,K-ATPase, agit comme un inducteur des oscillations régulières, de faible fréquence, du signal calcique, lesquelles stimulent l'activation du NF-kappaB.
« En raison de la spécificité de la réponse à l'ouabaïne observée ici, nous proposons un nouveau rôle pour la Na,K-ATPase, à savoir celui d'un récepteur plasmatique membranaire de stéroïde, impliqué dans la transduction du signal », indiquent les auteurs. « Des arguments suggèrent que d'autres stéroïdes de mammifères, comme l'aldostérone, la progestérone et les estrogènes, peuvent, en plus de leurs effets intracellulaires dépendant d'un récepteur, induire des réponses cellulaires spécifiques en se liant à des récepteurs membranaires plasmatiques. La capacité de l'ouabaïne, ligand bien connu de la Na,K-ATPase, d'induire un second messager - oscillations de calcium intracellulaire -, représente un excellent modèle pour poursuivre l'étude de cet effet stéroïdien », concluent les auteurs.
« Proc Natl Acad Sci USA , novembre 2001, vol. 98, n° 23, pp. 13 420-13 424.
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