DE NOTRE CORRESPONDANTE
QUELQUE 300 infirmières, de divers pays (Canada, Liban, Tunisie, Maroc, Gabon et France) ont réfléchi sur la nécessité d’adapter les soins aux migrants. La principale intervenante était Bilkis Vissandjee, professeure à la faculté des sciences infirmières de l’université de Montréal, chargée de la diversité culturelle dans cet enseignement et qui a effectué des recherches sur les difficultés d’accès des immigrants aux services de santé.
Plusieurs études montrent globalement que les infirmières passent moins de temps avec les patients d’origine ethnique différente de la leur, rapporte Mme Vissandjee, qu’elles se sentent parfois démunies face aux besoins exprimés, soit parce que la communication est déficiente, soit parce qu’elles manquent de connaissances face à certaines situations cliniques. Offrir la même qualité de soins à l’ensemble des malades, quelle que soit leur origine culturelle est pourtant le voeu de bon nombre de soignants. Dans cette formation, il est justement question d’analyser des expériences afin d’intervenir lors de situations cliniques complexes incluant une distance culturelle et linguistique, de façon pertinente et appropriée. Pour y parvenir, Mme Vissandjee a privilégié les exercices pratiques de réflexion, en tentant dans un premier temps de faire saisir par son auditoire les capacités de chacun à définir les mots de culture, préjugé, ethnie, ou même racisme. «Car pour comprendre les référents culturels du patient, explique Bilkis Vissandjee, il faut prendre conscience de sa propre culture.» Ce travail introspectif préalable est utile pour évoquer la diversité culturelle, la tolérance, l’intégration... et acquérir une aptitude à envisager une grande diversité d’opinions, de valeurs et d’attitudes culturelles. «Les préjugés sont les paravents de nos peurs», aime-t-elle à répéter. «Prendre conscience de ses propres caractéristiques culturelles et être critique par rapport à ses préjugés, cela permet un meilleur savoir-être face aux autres. Cela passe par le savoir et l’analyse de son savoir-faire.»
Les difficultés de la communication interculturelle.
Elle propose ensuite d’interroger les concepts de santé, de maladie dans ces différentes cultures. Et tout ce qui en découle dans le soin. Décrivant des cas concrets de relation entre soigné et soignants, avec la présentation de la situation clinique, elle cite notamment l’exemple d’une femme tunisienne opérée pour une appendicectomie.
L’infirmière constate que, bien qu’elle récupère rapidement, plusieurs membres de la famille sont présents même pendant les soins ; il est difficile de lui administrer les soins requis normalement. Autre exemple : une femme âgée d’origine vietnamienne qui meurt à l’hôpital. La famille s’oppose à ce que l’infirmière fasse la toilette mortuaire, à l’encontre des règles en vigueur dans l’institution. A travers ces cas, les infirmières sont invitées à repérer les interactions culturelles, à faire un inventaire des normes et valeurs ébranlées et des ressources potentielles.
Au-delà des connaissances personnelles et ethno-culturelles de chaque soignant, Bilkis Vissandjee propose de s’intéresser à la barrière linguistique et la manière d’entrer en communication avec les patients. La communication interculturelle en situation clinique a, en effet, peu de choses à voir avec la communication avec des amis ou en famille. Dans ce cadre de soins, il s’agit de diminuer l’incertitude potentielle entre les différents acteurs et de développer une confiance mutuelle, pas simplement pour trouver les mots justes, mais pour trouver un terrain commun de communication. Ce terrain n’existe que lorsque les intervenants ont le réel désir de comprendre l’autre et de se faire comprendre de l’autre. D’où l’im portance du choix d’une tierce personne qui sert d’interprète dans la relation. Des études sont d’ailleurs en cours pour améliorer la qualité et la quantité d’informations que les infirmières et leurs patients échangent par l’entremise d’interprètes.
Un réseau pour partager les expériences
Créé en 1998, le Secrétariat international des infirmières et infirmiers de l’espace francophone (Sidiief) est une organisation sans but lucratif dont le siège est à Montréal. Il a obtenu en 2001 le statut d’organisation internationale non gouvernementale.
Cette ONG a pour mission de favoriser le rapprochement entre tous les acteurs de la communauté infirmière francophone, des établissements de santé aux organismes de formation. Le réseau souhaite faciliter le partage des expériences et des savoirs infirmiers afin de contribuer à l’amélioration des soins et des services apportés aux populations.
Le Sidiief organise son troisième congrès du 14 au 18 mai au Québec sur le thème : « Le dialogue au coeur du soin ».
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