De notre envoyée spéciale à Chicago
LE SUNITINIB, issu de la recherche Pfizer, appartient à une nouvelle classe de traitements anticancéreux : les inhibiteurs de la tyrosine kinase, enzyme intervenant dans l'activation de récepteurs aux facteurs de croissance présents sur les cellules cancéreuses. En inhibant la tyrosine kinase, le sunitinib bloque quatre récepteurs différents – le récepteur du facteur de croissance endothélial vasculaire (Vegfr), le récepteur du facteur de croissance dérivé des plaquettes (Pdgfr), le récepteur du facteur de croissance des cellules souches (Scfr) et le récepteur FLT-3 (Fms-like Tyrosine Kinase Receptor 3) – et a ainsi un double effet antiangiogénique et antiprolifératif.
Sur la base des résultats de l'étude Motzer de phase III communiqués l'an dernier à l'Asco et publiés en janvier 2007 dans le « New England Journal of Medicine », le sunitinib (Sutent) a été approuvé (en janvier 2007) par la Commission européenne comme traitement de première ligne du cancer du rein avancé et/ou métastatique. R.-J. Motzer a présenté cette année une nouvelle analyse approfondie de cet essai. Sept cent cinquante patients atteints de cancer du rein métastatique ont été inclus dans l'essai : la moitié recevait un traitement standard par interferon alpha – IFN – (9 MU en injection deux fois par semaine) et l'autre, Sutent (50 mg par jour de sunitinib par voie orale, quatre semaines sur six).
Survie sans progression.
Au terme de l'étude, les patients traités par Sutent bénéficiaient d'une survie sans progression (SSP) plus longue que ceux du groupe IFN (11 mois versus 5,1 mois p < 0,000001) et d'un meilleur taux de réponses objectives (selon les investigateurs, 46 % dans le groupe Sutent versus 12 % dans le groupe IFN [p < 0,000001] et, selon des experts indépendants, 39 % avec Sutent et 8 % avec IFN). Les principaux effets secondaires observés ont été la fatigue (7 %), les troubles digestifs (5 %), l'hypertension (8 %), un syndrome mains-pieds (5 %), une neutropénie (12 %) ou une thrombocytopénie (8 %). Huit pour cent des patients du groupe sunitinib ont arrêté le traitement pour effets indésirables, contre 13 % dans le groupe interféron.
Une analyse complémentaire des données a montré le maintien de la supériorité de Sutent quelle que soit la gravité de la maladie. En effet, si on se fonde sur les cinq critères de mauvais pronostic définis par Motzer (pas de néphrectomie antérieure au traitement, mauvais score de l'index de performance ECOG PS, taux de calcium corrigé bas, taux de lactase deshydrogénase élevé et taux d'hémoglobine bas), le bénéfice en termes de survie sans progression reste très significatif, quel que soit le nombre de facteurs de mauvais pronostic de départ : 0 facteur SSP : 14,5 mois vs 7,9 mois ; 1 ou 2 facteurs : 10,6 mois vs 3,8 mois ; 3 facteurs ou plus : 3,7 mois vs 1,2 mois.
Pour sa part, D. Cella (Evanston, Etats-Unis) a présenté les résultats d'une analyse de l'étude Motzer portant sur la qualité de vie des patients sous traitement. Trois échelles validées étaient utilisées : FACT-G (Functional Assessment of Cancer Therapy-General), FACT-FKSI-DRS (FACT Kidney Symptom Index's Disease-Related Symptoms subscale) et une autoévaluation du patient qui répondait à un questionnaire sur son état de santé. Trois principaux enseignements ont pu être tirés de cette analyse : tout d'abord, les scores de qualité de vie (quelle que soit l'échelle utilisée) sont prédictifs de la durée de SSP ; deuxièmement, les patients du groupe Sutent présentaient des meilleurs scores de qualité de vie que ceux du groupe interféron ; enfin, à score de qualité de vie identique avant le traitement, l'efficacité de Sutent est significativement meilleure que celle de l'IFN.
Une analyse médico-économique de l'essai Motzer a également été présentée par E. Remak (Londres, Grande-Bretagne). Il s'agissait de comparer, après un traitement de première ligne par Sutent ou IFN, l'impact médico-économique de différentes stratégies : soit abstention thérapeutique en se limitant aux soins palliatifs, soit traitements de deuxième ligne. Les auteurs ont ainsi confirmé la supériorité du sunitinib sur l'IFN en termes de SSP et de coûts ; et ils ont montré que le bénéfice perdurait quelle que soit l'option choisie en deuxième ligne.
Le développement se poursuit.
En marge de ces résultats très satisfaisants, le développement de ce nouvel antiangiogénique se poursuit : nouveaux schémas thérapeutiques (évaluation d'un traitement continu à 37,5 mg par jour, étude de phase II de S. Srinivas Standford, Etats-Unis) ; nouvelles indications dans le cancer du rein (intérêt dans le traitement des métastases cérébrales du fait du passage de la molécule à travers la barrière hémato-encéphalique, étude de phase II de J.-S. Unnithan, Cleveland Etats-Unis) ; nouvelles indications dans d'autres types de cancer (hépato-carcinome, cancer du poumon non à petites cellules, cancer du sein, etc.).
Des résultats prometteurs ont été présentés dans le cancer du foie par A.-X. Zhu (Boston, Etats-Unis). Un essai de phase II incluant 37 patients atteints d'hépatocarcinome à un stade avancé et qui recevaient du sunitinib a montré une réduction de la taille de la tumeur chez 68 % des sujets et une diminution de la vascularisation tumorale chez 39 %. Ces résultats encourageants devront être confirmés par un essai de phase III en cours. Dans le cancer du sein, le programme clinique est particulièrement ambitieux, puisqu'il comprend 4 études de phase III et 2 études de phase II, incluant plus de 2 600 patientes. Des stratégies multiples sont explorées.
Antiangiogénique et cancer de la thyroïde
L'axitinib est un inhibiteur des récepteurs au Vegf, actuellement développé par la recherche Pfizer. Un essai de phase II dans le cancer de la thyroïde réfractaire aux autres traitements a été présenté par Ezra Cohen (Chicago). L'objectif était d'évaluer l'efficacité et la tolérance de l'axitinib par voie orale chez 60 patients atteints de cancer de la thyroïde ayant échappé aux traitements de référence (chirurgie 88 %, iode radioactif 70 %, irradiation externe 45 %, chimiothérapie 15 %).
La durée du traitement a varié de 6 à 744 jours ; 24 patients ont terminé l'essai. Les auteurs ont observé une réponse partielle chez 30 % des patients et une stabilisation de la maladie à 16 semaines ou plus chez 42 %. Les effets indésirables le plus souvent rapportés ont été : la fatigue (50 %), une protéinurie (43 %), une diarrhée (47 %), une HTA (28 %) et des nausées (32 %). Une étude pilote évaluant l'axitinib dans les cancers de la thyroïde réfractaires à la doxorubicine est en cours.
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