Les résultats de Singh et coll. sont plus convaincants : les tumeurs cérébrales humaines contiennent une sous-population de cellules capables de conduire à la formation d'une nouvelle tumeur identique si on les transplante dans un autre organisme. La capacité de ces cellules à se multiplier, à s'autorenouveler et à se différencier en tous types de cellules qui contribuent à l'architecture de la tumeur font de ces étranges cellules des « cellules souches cancéreuses ».
L'existence de cellules souches cancéreuses a été proposée il y a déjà près de quinze ans. Au cours des années 1990, il a rapidement pu être établi que de telles cellules étaient effectivement présentes chez les malades atteints de leucémie. Cependant, à l'exception d'une étude portant sur des tumeurs mammaires, il n'existait jusqu'à présent aucune preuve scientifique de l'existence de cellules souches cancéreuses dans les tumeurs solides.
L'année dernière, l'équipe de Peter Dirks a cependant réussi à isoler une étrange sous-population de cellules CD113+ à partir de tumeurs cérébrales humaines. In vitro, les chercheurs ont montré que ces cellules avaient des propriétés très similaires à celles de cellules souches. Mais pour prouver qu'il s'agissait bien de cellules souches cancéreuses, il fallait encore réussir à démontrer que ces cellules étaient capables de s'autorenouveler in vivo et qu'elles pouvaient conduire au développement de tumeurs identiques à celles à partir desquelles on les avait isolées.
C'est maintenant chose faite : en injectant des cellules de tumeurs cérébrales humaines dans le cerveaux de souris immunodéficientes, Singh et coll. (université de Toronto) ont réussi à vérifier ces deux conditions.
Des tumeurs d'adultes et d'enfants.
Les chercheurs ont utilisé des cellules isolées à partir de tumeurs cérébrales d'adultes et d'enfants (trois médulloblastomes et quatre glioblastomes). Une analyse de cytométrie en flux a permis d'estimer que, dans les sept tumeurs étudiées, la proportion des cellules CD113+ variaient de 6 à 29 %. Les cellules CD113+ de chacune des sept tumeurs ont été séparées des CD133- à l'aide de billes magnétiques. Une fois purifiées, les différentes populations cellulaires ainsi obtenues ont servi à réaliser des xénogreffes dans le lobe frontal de souris NOD-Scid.
Avec le protocole de xénogreffe utilisé par Singh et coll., il est d'habitude nécessaire d'injecter de 100 000 à un million de cellules tumorales classiques pour obtenir la formation d'une tumeur. Mais, avec les cellules CD113+ isolées à partir des tumeurs cérébrales, il est apparu que l'injection d'à peine 100 cellules suffisait au développement d'une tumeur chez les animaux greffés.
Pour aller encore plus loin, les chercheurs ont récupéré les cellules CD113+ des tumeurs développées par les animaux greffés et ils les ont réinjectées à d'autres souris. Là encore, les animaux ont pratiquement tous développé une tumeur cérébrale dans un délai de quelques semaines.
L'analyse des tumeurs néoformées a montré qu'elles étaient toutes du même type histologique que leur tumeur mère (glioblastome ou médulloblastome). La sous-population de cellules tumorales isolées par Singh et coll. est donc bien capable de conduire à la « reproduction » d'une tumeur.
Parallèlement à cette série d'expériences, Singh et coll. ont réalisé des xénogreffes de cellules CD113- d'origine tumorale. Mais quelle que soit la quantité de cellules injectées, ces greffes n'ont jamais conduit à la formation de tumeur cérébrale chez les animaux injectés.
L'ensemble de ces résultats indiquent donc que les cellules tumorales CD113+, et non les CD113-, sont capables de s'autorenouveler et de conduire à la formation d'une tumeur histologiquement semblable à celle d'où ont les a extraites. Ces observations indiquent qu'il s'agit donc bien de cellules souches cancéreuses.
Des conséquences.
Leur découverte pourrait avoir d'importante conséquence sur le traitement des cancers cérébraux : en arrivant à cibler ces population de cellules tumorales, on pourrait freiner la progression tumorale et empêcher la formation de métastases.
Un point crucial reste cependant à éclaircir : rien ne permet aujourd'hui de savoir quels sont les mécanismes qui conduisent à l'apparition de cette population si particulière de cellules cancéreuses.
S.K. Singh et coll., « Nature » du 18 novembre 2004, pp. 396-401.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature