En proposant une grande conférence sur la santé, le Premier ministre réitère les grands-messes de sortie de crise, si habituelles dans notre République, quand l’abcès ne parvient pas à percer. Après l’affrontement vient le temps de la négociation et de la paix retrouvée, espère Manuel Valls. L’idée d’une grande réunion est en soi une solution possible dans la mesure où les gouvernements en font un usage cathartique. Dans la santé, les Assises du médicament installées après la crise du Mediator® ou les Egos (États généraux de l’organisation des soins) de Roselyne Bachelot ont tenté de trouver des consensus entre les acteurs après de monumentales bagarres. Dans le monde social, les accords de Grenelle de 1968 en ont été un des moments des plus marquants.
Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’Education nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, Marisol Touraine, ministre des Affaires sociales, de la Santé et des Droits des femmes, et Thierry Mandon, secrétaire d’État chargé de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, ont lancé en juin 2015 les travaux d’un comité de pilotage chargé de la préparation de cette « grande conférence de la santé », à la suite d’un engagement pris par le Premier ministre qui recevait les responsables des principales organisations syndicales et professionnelles, en pleine crise revendicative des médecins. Si cette conférence cherche à s’inscrire dans la Stratégie nationale de santé de Marisol Touraine, il s’agit surtout, en janvier 2016, de marquer « un nouveau temps fort d’échanges entre les acteurs de notre système de santé ».
En confiant sa réalisation à deux personnalités reconnues dans le milieu, Anne-Marie Brocas, présidente du Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie (HCAAM), et à Lionel Collet, conseiller d’État, professeur de médecine et ancien directeur de cabinet de la ministre de la Recherche, le gouvernement entend visiblement réussir dans sa mission d’apaisement. Et peut-être en profiter pour approfondir certains thèmes ratés par la réforme Touraine. Un comité de pilotage oriente le processus de concertation autour des thématiques de la formation initiale et continue des professionnels de santé, des métiers et compétences et enfin des parcours professionnels et modes d’exercice. Il s’agira de traiter donc de sujets qui touchent à l’exercice médical mais aussi aux exercices des soignants. Si les travaux de la conférence devront traiter des conditions d‘exercice de la médecine libérale, l’ensemble des modes d’exercice dont l’exercice salarié et les exercices mixtes seront abordés.
« Il m’importe de répondre au malaise exprimé ? »
Si ces sujets sont importants pour les médecins, le Premier ministre évoquera-t-il directement ce qui les a le plus fâchés, c’est-à-dire le tiers payant généralisé (TPG) ? En disant comprendre leur malaise, Manuel Valls fait un premier pas. Mais si Anne-Marie Brocas et Lionel Collet semblent, de leur côté, conscients des enjeux et des pièges, ils entendent « aborder l’ensemble des sujets d’avenir de l’exercice médical » au-delà du TPG. Ils veulent faire preuve de bonne volonté, mais « cet exercice ne doit pas traiter seulement des sujets qui font polémique ». « Dans le cadre de notre mission interministérielle, nous traiterons de tous les sujets. Et des réponses seront apportées à partir d’un diagnostic partagé. Notre démarche s’inscrit dans la stratégie nationale de santé et vise à réfléchir à la médecine dans quinze ans », nous ont-ils déclaré. Les deux responsables veulent suivre une feuille de route bien dessinée abordée dans la « réunion des parties prenantes » du 3 juillet 2015. « D’abord, avec les médecins, faire les constats qui s’imposent, puis il nous faudra proposer des orientations structurantes et des mesures concrètes. Notre rôle, poursuivent-ils, ne sera pas d’écrire un rapport de plus, mais bien de pousser à ce qu’émergent des mesures opérationnelles, réglementaires notamment. » Dans sa lettre de mission, le Premier ministre évoque aussi des mesures législatives dont le PLFSS.
Pour autant, « repenser de façon prospective l’articulation entre soin, enseignement et recherche », comme l’écrit Manuel Valls, aurait dû venir plus tôt et s’inscrire dans les travaux antérieurs à la loi de santé. C’est probablement ce que veulent exprimer les syndicats opposés à la réforme et l’ordre de médecins. Ce dernier, pour sa part, invite le Premier ministre à son congrès d’octobre. Les syndicats CSMF et SML campent avant les élections des URPS sur une ligne d’opposition à la conférence. MG France, de son côté, dit vouloir y participer malgré des tiraillements internes dans cette organisation. Rendez-vous fin septembre pour un point d’étape.
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