De notre correspondant
« Santé et territoires », tel était le thème de la conférence régionale de santé de Rhône-Alpes, qui a été l'occasion pour 200 professionnels du secteur public de débattre des liens entre frontières géographiques, territoires administratifs et santé.
Après un bilan des deux programmes régionaux de prévention sur le suicide et l'alcool lancés depuis 1999, puis une réflexion très universitaire sur « Géographie, démographie, épidémiologie et santé », l'égalité dans l'accès aux soins et le lien social ont été au cur des débats.
Les SDF membres de l'association
A Grenoble, une quinzaine d'infirmiers du centre de soins associatif Abbé-Grégoire mènent depuis plusieurs années, dans un quartier pauvre, une action originale au service de patients parmi les plus difficiles, les SDF et les malades mentaux. Comme l'explique Véronique Maurice, sa directrice, il s'agit de populations « dont personne ne veut s'occuper ». Le centre prend en charge également les soins de suite ou courants des personnes tétraplégiques qui désirent vivre chez elles. Son originalité : ses infirmiers font tout pour que « les patients ne restent pas de simples usagers » et qu'ils participent activement à la vie de l'association elle-même, au point d'en devenir membres ou même élus au conseil d'administration. Le centre de soins grenoblois est probablement le seul en France à posséder, au sein de son conseil d'administration, un SDF auquel, reconnaît malgré tout Véronique Maurice, « il est parfois un peu compliqué de faire parvenir les convocations pour les réunions, parce qu'il est introuvable ». L'association incite en outre ses patients plus aisés à faire preuve de solidarité concrète avec les plus pauvres, « tissant du lien social » dans le quartier.
Autre exemple d'action médico-sociale de proximité exposé lors de la conférence : à Vaulx-en-Velin, dans la banlieue de Lyon, ce sont les relais-santé de la Mutualité du Rhône qui permettent aux habitants de « mieux se diriger dans le système de soins ». Recrutés parmi les habitants, ils ont reçu une formation de 700 heures en droit, législation sociale et communication notamment, précise le Dr Régine Gadiolet, directrice du service Promotion de la santé de la Mutualité. Dans cette commune populaire où quelque 42 nationalités et cultures se côtoient, « ils sont vraiment en prise directe avec la population ».
Des recommandations
Mais curieusement, malgré les évaluations, jugées positives, de cette expérimentation, aucune institution publique de la région, jusqu'à présent, n'a jugé utile de dégager des financements pour la reproduire ailleurs.
Quel est l'échelon pertinent pour aborder et anticiper les questions de santé dans un pays où la capitale décide de tout ou presque ? Comment améliorer l'égalité dans l'accès aux soins jusqu'au plus reculé des cantons ? Peut-on concilier liberté totale du lieu d'installation des médecins libéraux et recherche d'une offre de soins moins incohérente ? Comment « casser définitivement le cloisonnement santé-social » caractéristique du système ? Où faudrait-il placer les frontières de la responsabilité de la politique de prévention par exemple, de Paris, de la région, du département, de la commune, du canton, du quartier, du « bassin de vie » ? Comment, enfin, prendre en compte les besoins de santé locaux, spécifiques, alors que tous les schémas de pensée, de pouvoir, d'organisation, restent en France désespérément centralisés ?
" La médecine vit en autharcie "
Le jury de la conférence, présidé par Philippe Meirieu, directeur de l'IUFM (Institut universitaire de formation des maîtres) de Lyon, ancien conseiller de l'ex-ministre de l'Education Claude Allègre, ne pourra pas répondre à toutes ces questions. Il se donne quelques semaines pour formuler des recommandations après avoir « digéré » deux journées d'échanges très denses. « Le territoire, dit au « Quotidien » Philippe Meirieu, est par excellence le lieu d'expression de l'identité, le terrain idéal des partenariats. Or, moi qui suis universitaire, certes spécialisé dans la pédagogie et non dans la santé, je constate que le monde de la santé et de la médecine vit en autarcie, dans l'isolement, au point d'être pratiquement absent de toutes les politiques publiques. »
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