Etant donné la complexité du rôle des gènes impliqués (gène-environnement, gène-gène), on comprend la difficulté de la démonstration du rôle des facteurs génétiques dans les conduites addictives. Néanmoins, les recherches récentes qui se sont penchées sur l'analyse du génome des sujets malades ont révélé quelques gènes candidats. Ainsi, le gène codant pour le transporteur de la dopamine DAT (les addictions sont caractérisées par une libération de dopamine entraînant un effet de sensibilisation) est associé dans trois études différentes aux accidents de sevrage de type delirium tremens et épilepsie de sevrage. D'après les résultats de l'équipe du Dr Philip Gorwood, on observe chez les sujets alcoolodépendants ayant l'allèle A1 du DRD2 (gène codant pour le récepteur dopaminergique) un risque accru de passage à l'acte de type de tentative de suicide. Quant au gène codant pour le transporteur de la sérotonine (SCL6A4), il a été associé à un risque d'impulsivité des sujets dépendants.
L'horloge circadienne
A la lumière des études chronopharmacologiques des substances psychoactives, celles du domaine de la chronesthésie (variation périodique de la réponse des systèmes biologiques à l'action des substances) et de la recherche en chronopathologie (variations périodiques prévisibles d'un processus pathologique), il importe de prendre en considération la participation de l'horloge circadienne à la dépendance, laquelle est caractérisée par le mode d'utilisation compulsive d'une substance (DSM IV). Il est apparu dans diverses études que les prises matinales de l'alcool entraînent les alcoolémies beaucoup plus élevées que les prises vespérales, que l'effet de l'alcool sur la température est différent suivant l'heure d'administration (hypothermie dans la journée, hyperthermie durant la nuit) ou qu'il existe un raccourcissement de latence du sommeil paradoxal chez les sujets alcoolodépendants. En ce qui concerne le syndrome de dépendance, on sait que les prises du produit sont liées d'abord à des facteurs sociaux et psychologiques, puis les prises s'affranchissent des facteurs d'initiation et de pérennisation et il apparaît un rythme comportemental autonome avec un caractère monotone de la consommation.
Alcool : des pics à 10 et 17 heures
En outre, les observations cliniques suggèrent la participation de l'horloge circadienne au processus de la conduite addictive.
Comme le montre une étude, menée par l'équipe du Dr Thierry Danel et portant sur 217 patients alcoolodépendants, 43 % d'entre eux ont justifié leur alcoolisation par les symptômes de sevrage (tremblements, sueurs), 49 % par une envie impérieuse à boire, 87 % savaient à quelle heure précise ils ont pris leur premier verre et 8O % ont déclaré que l'heure ne varie pas d'un jour à l'autre (les grands pics se situant vers 10 et 17 heures), cela quel que soit l'âge, le sexe et l'activité (ou chômage).
L'occurrence circadienne de la compulsion a été décrite surtout pour l'alcool, mais aussi pour le tabac et la cocaïne. Cette hypothèse biologique a été confortée par des observations expérimentales récentes qui montrent l'implication des gènes Per 1 et Per 2 dans les phénomènes de sensibilisation et de récompense à la cocaïne chez le rongeur.
D'après les communications des Drs Ph. Gorwood (CHU Pitié-Salpêtrière) et T. Danel (Lille) dans le cadre des Journées internationales de biologie.
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