Bouchons de cérumen
La diminution brutale ou très rapide en quelques heures de l'audition d'une oreille est toujours angoissante pour le patient qui réclame une solution immédiate.
Le premier examen à faire en urgence est l'otoscopie à la recherche d'un bouchon de cérumen occlusif. C'est de loin la cause la plus fréquente de baisse rapide de l'audition. Ce bouchon sera extrait le plus souvent par lavage, immédiatement si le praticien a l'équipement nécessaire, de manière différée d'un ou deux jours, après application de gouttes céruminolytiques (Cérulyse par exemple) par un confrère ORL équipé pour les lavages. Les bouchons récalcitrants au lavage sont en général des bouchons épidermiques qui nécessiteront une séance d'épluchage fastidieuse et parfois douloureuse sous microscope par l'ORL. Dans certains cas, il faut même recourir à l'anesthésie générale.
Après extraction du bouchon, il faut vérifier l'intégrité du tympan et la récupération de l'audition : l'amélioration est immédiate et très nette pour le patient. Reste à donner quelques conseils pour éviter la récidive de cette mésaventure : ne pas utiliser de porte coton pour nettoyer les oreilles, si le cérumen est sec et a tendance à faire des bouchons, faire des soins d'hygiène réguliers (par exemple une fois par semaine) avec des solutions à base d'eau de mer, disponibles en pharmacie ou au rayon parapharmacie des supermarchés (par exemple Audispray, Audiclean...). Attention : pour n'avoir aucun risque de réaction allergique, il faut choisir un produit sans additif.
Dysfonctionnement de la trompe d'Eustache
S'il n'y a pas de bouchon de cérumen, l'origine de la baisse d'audition est soit l'oreille moyenne (dysfonctionnement de la trompe d'Eustache), soit l'oreille interne (surdité brusque neurosensorielle).
Le dysfonctionnement tubaire est la cause probable de la baisse d'audition si elle est survenue au cours ou au décours d'un voyage en avion, en TGV, ou en cas de rhume. La surdité s'accompagne parfois de douleurs, d'une sensation d'oreille pleine, d'acouphènes, d'instabilité. A l'otoscopie, le tympan est un peu rétracté, parfois inflammatoire. En plaçant le pied d'un diapason 512 Hz sur le vertex, le patient a l'impression que le son est localisé dans son oreille sourde (Weber latéralisé du côté sourd). Enfin, il perçoit mieux le son du diapason s'il est posé contre la mastoïde que s'il est placé devant l'oreille (Rinne positif). Le dysfonctionnement tubaire peut guérir spontanément, mais si le patient consulte c'est pour avoir un traitement accélérant la guérison. Il faut alors prescrire des corticoïdes per os pendant cinq jours. Au-delà de ce délai, si l'audition n'est pas normalisée, on peut proposer une paracentèse.
Surdité neurosensorielle
Ce n'est pas considéré comme une urgence absolue comme pourrait l'être une embolie pulmonaire ou un infarctus du myocarde. Le patient doit prendre rendez-vous chez un ORL dans les 3 jours qui suivent l'installation de la surdité brusque pour un examen clinique et des tests audiométriques qui seront éventuellement complétés par d'autres examens. A l'otoscopie, le conduit auditif est libre et le tympan normal. Le Weber est latéralisé du côté entendant et le Rinne est négatif. La courbe d'impédancemétrie est normale (pas de dysfonctionnement tubaire). L'examen audiométrique tonal au casque en cabine insonorisée va chiffrer la perte auditive et préciser le type de surdité brusque (courbe ascendante, courbe plate, courbe descendante, scotome ou cophose [figure]), ce qui a un intérêt pronostique. Les courbes ascendantes ou plates ont un meilleur pronostic que les courbes descendantes, les cophoses ou subcophoses ne récupèrent pratiquement jamais.
Les surdités brusques sont par définition idiopathiques ; ce diagnostic ne peut donc être retenu qu'après avoir éliminé des affections qui peuvent se révéler par une surdité de perception brutale. Il est donc nécessaire de prévoir le jour même ou dans les jours suivants un examen vestibulaire calorique, un enregistrement de potentiels évoqués auditifs, un bilan biologique (qui peut aussi dépister une affection métabolique générale pouvant contre-indiquer la corticothérapie) : NFS, VS, CRP, ionogramme sanguin, bilan lipidique, et une imagerie par IRM (recherche d'un processus tumoral ou d'une modification du signal liquidien intralabyrinthique qui serait en faveur d'une labyrinthite bactérienne).
En ce qui concerne le traitement, il y a un consensus professionnel fort pour proposer le repos (hospitalisation ou au moins arrêt de travail) et une corticothérapie : 1 mg/kg/j de Solumedrol en perfusion en deux fois pendant 6 jours ou Cortancyl per os 1 mg/kg/j pendant 6 jours. D'autres médicaments semblent justifiés en cas de contexte particulier, viral ou pressionnel, notamment. La surveillance porte sur l'audiométrie tonale qui ne sera pas répétée trop souvent (mauvais pour le moral) mais plutôt tous les 3-4 jours. Certains patients récupèrent complètement, d'autres partiellement et d'autres pas du tout. Enfin, cet épisode de surdité brutale peut être suivi d'autres épisodes du même type (surdité fluctuante). Le patient doit donc savoir à qui s'adresser et dans quel délai en cas de baisse d'audition : voir d'abord un médecin en urgence pour vérifier l'absence de bouchon de cérumen ou de dysfonctionnement tubaire, et si ce n'est pas le cas consulter dans les 3 jours un ORL pour examen clinique et audiogramme.
Références
D. Bouccara. Place de la corticothérapie dans le traitement des surdités brusques. « Lettre d'ORL » 2004 ; 295 :17-8.
P. Tran Ba Huy. Conduite à tenir en urgence face à une surdité brusque. Les urgences ORL. Rapport de la Société française d'ORL et de chirurgie de la face et du cou. 2002.
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