1) Trois notions fondamentales
1.1) Le taux de ferritine plasmatique peut être le reflet des réserves en fer de l'organisme. Ainsi :
1.1.1) Une ferritine basse indique une carence martiale.
1.1.2) Une ferritine élevée peut traduire une surcharge en fer, mais peut aussi correspondre à d'autres mécanismes.
1.2) Il faut diagnostiquer une hyperferritinémie dans les circonstances suivantes.
1.2.1) Classiquement,
a) > 300 µg/l chez l'homme,
b) > 200 µg/l chez la femme.
1.2.2) Mais il faut aussi savoir que chez la femme avant la ménopause, la valeur habituelle est d'environ 30 µg/l. Elle augmente après la ménopause pour atteindre environ 80 µg/l.
1.3) Le taux de saturation de la transferrine est une des pierres angulaires de la démarche diagnostique.
1.3.1) Le taux de saturation de la transferrine correspond au rapport de la concentration du fer plasmatique sur celle de la transferrine (qui est la protéine de transport du fer dans le sang).
1.3.1.1) Le dosage se fait à jeun.
1.3.1.2) Un résultat anormal (> 45 %) doit être contrôlé par un second dosage.
1.3.1.3) En l'absence de syndrome inflammatoire (la CRP est normale), une saturation normale de la transferrine permet d'exclure l'existence d'une hémochromatose héréditaire classique. Il n'est donc pas approprié d'en demander le test génétique, la mutation C282Y du gène HFE.
2) La saturation de la transferrine est élevée
2.1) Dans cette situation, la pierre angulaire de la démarche diagnostique est le dosage des transaminases.
2.1.1) En effet, en cas d'hépatite aiguë ou chronique, la cytolyse, si elle est franche, libère dans le sang ferritine, fer (qui sature la transferrine) et… transaminases.
2.1.2) De plus, en cas d'insuffisance hépatique, la synthèse de la transferrine est diminuée, ce qui facilitera la saturation de ce transporteur…
2.2) Si les transaminases sont normales (ou peu augmentées), il faut envisager la possibilité d'une surcharge en fer. Celle-ci peut être :
2.2.1) Soit secondaire : généralement post-transfusionnelle
2.2.2) Soit primitive : hémochromatose (HFE ou non HFE).
2.2.2.1) Hémochromatose classique, liée au gène HFE.
2.2.2.1.1) Elle peut être diagnostiquée : par un test génétique effectué par prélèvement sanguin, frottis jugal ou prélèvement salivaire, qui est remboursé par la Sécurité sociale, qui montre une homozygotie C282Y/C282Y.
2.2.2.1.2) La PBH n'est donc plus indispensable pour porter le diagnostic d'hémochromatose. Elle reste classiquement indiquée pour rechercher l'existence d'une cirrhose. On peut cependant renoncer aussi à la PBH, s'il existe une des caractéristiques suivantes, qui rendrait la cirrhose très peu probable :
– absence d'hépatomégalie,
– transaminases normales,
– ferritinémie < 1 000 µg/l.
2.2.2.2) Les autres hémochromatoses génétiques sont les suivantes.
a) Avant 30 ans : hémochromatose juvénile (l'expression clinique est cardiaque et endocrinienne ; les gènes mutés sont : soit celui de l'hémojuvéline, soit celui de l'hepcidine.
b) Après 30 ans : il peut s'agir de la mutation (exceptionnelle) du gène du récepteur de la transferrine de type 2.
3) La saturation de la transferrine n'est pas élevée.
Il faut distinguer des causes fréquentes et des causes rares.
3.1) Trois diagnostics fréquents doivent être évoqués d'emblée (syndrome inflammatoire, alcoolisme et syndrome métabolique).
En cas de difficulté diagnostique, les étiologies à envisager seront différentes selon qu'il existe ou non une surcharge hépatique en fer. Celle-ci sera si possible évaluée par une IRM du foie, plutôt que par une ponction biopsie hépatique (PBH) systématique.
3.2) Les trois causes les plus fréquentes d'augmentation de la ferritine associée à une saturation normale ou basse de la transferrine sont les suivantes.
3.2.1) Syndrome inflammatoire.
3.2.1.1) L'augmentation de la ferritine contraste avec un fer sérique bas.
3.2.1.2) La CRP est élevée.
3.2.2) Alcoolisme.
3.2.2.1) L'alcool est inducteur de la synthèse de ferritine.
3.2.2.2) L'hyperferritinémie disparaîtra en trois mois si l'on obtient un sevrage.
3.2.3) Syndrome métabolique.
3.2.3.1) Le syndrome métabolique est devenu une cause très fréquente d'augmentation de la ferritine.
3.2.3.2) On en recherchera donc systématiquement les composants : surpoids ou obésité, HTA, diabète de type 2, dyslipidémie, hyperuricémie.
3.2.3.3) Au cours du syndrome métabolique :
– la ferritinémie est de l'ordre de 500 à 1 200 µg/l.
– L'échographie montre souvent un foie brillant, parfois appelé de « surcharge », qui correspond en fait à une surcharge graisseuse (stéatose).
3.3) Pour le diagnostic des causes rares d'hyperferritinémie, on peut s'aider des résultats d'une IRM hépatique et distinguer trois situations selon la surcharge hépatique en fer : légère, très marquée ou nulle.
3.3.1) La surcharge hépatique en fer est modérée (et la saturation de la transferrine est normale) : il faut chercher un syndrome métabolique, qui est la cause la plus fréquente de ce profil clinique.
3.3.2) La surcharge hépatique en fer est élevée (et la saturation de la transferrine est normale ou basse), il faut rechercher deux maladies rares :
3.3.2.1) Hémochromatose par mutation du gène de la ferroportine. Les caractéristiques de cette maladie peu fréquente sont les suivantes : la ferritinémie est très élevée, la saturation de la transferrine est normale ou abaissée, la transmission est dominante (penser à doser la ferritine dans la famille…), en IRM, il y a une surcharge en fer du foie, mais aussi de la rate, sur la PBH, la surcharge est mixte (hépatocytes et cellules de Kupffer), il existe un test génétique.
3.3.2.2) Acéruloplasminémie. Les caractéristiques de cette maladie (très rare) sont les suivantes :
– la céruloplasmine est indosable dans le sang,
– il existe une anémie et des signes neurologiques.
3.3.3) La ferritine est augmentée, mais la saturation de la transferrine est normale et il n'y a pas de surcharge hépatique en fer. Trois diagnostics sont à envisager, si cela n'a pas encore été le cas…
3.3.3.1) Syndrome d'activation macrophagique dans un contexte infectieux, inflammatoire (syndrome de Still) ou hématologique.
3.3.3.2) Maladie de Gaucher, où la clinique ou l'imagerie ont en principe montré l'existence d'une splénomégalie.
3.3.3.3) Syndrome hyperferritinémie-cataracte. L'atteinte familiale est fréquente (la transmission est dominante). La cataracte survient à un âge jeune.
Réponse
L'assertion 2.2.2.1.2) comporte une inexactitude. En effet, on peut se passer d'une biopsie hépatique à la recherche d'une cirrhose quand les trois critères décrits ci-dessous ne sont pas présents et non pas en présence de seulement l'un d'entre eux : absence d'hépatomégalie, transaminases normales, ferritinémie < 1 000 µg/l.
Référence Brissot P. Diagnostic d'une hyperferritinémie. « Revue du Praticien médecine générale » 2007 ; 21 : 657-659.
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