Le lichen scléreux
C'est la dermatose vulvaire de loin la plus fréquente, son diagnostic est clinique, son traitement, facile, basé sur les corticoïdes, et la surveillance élémentaire : un suivi au moins annuel... à vie.
* Le diagnostic est facile parce qu'il existe deux types de modifications :
- une couleur blanche, un blanc nacré, des muqueuses, petites et grandes lèvres, débordant volontiers sur le pourtour anal, réalisant alors avec les images vulvaires un dessin en 8. Il y a parfois, et c'est plus trompeur, des taches rouges sur le versant muqueux des petites lèvres, qui sont en fait des microhémorragies sous-épithéliales, liées aux anomalies histologiques du chorion sous-jacent frappé de hyalinose ;
- des remaniements anatomiques dominés par l'atrophie et la tendance à la rétraction. Il y a souvent, en particulier :
• un effacement des petites lèvres ; elles n'ont pas disparu, elles se sont accolées et symphysées avec les grandes lèvres ; l'atrophie a fait le reste ;
• l'enfouissement du clitoris est habituel sous les berges de son capuchon qui se sont accolées. Il peut, à l'inverse, exister un gonflement du clitoris par accumulation de smegma dans la loge préputiale ;
• l'orifice vulvaire est étroit car il y a aussi une symphyse ou une bride à la partie postérieure de la vulve au niveau de la fourchette.
C'est un lichen vulvaire atrophique, point n'est besoin de biopsie. Assurons-nous quand même qu'il n'y a ni érosion créant une zone érythémateuse abrasive, ni épaississement blanchâtre plus ou moins localisé de type leucoplasie, car ces deux anomalies peuvent être le témoin d'un futur cancer de la vulve, complication de moins de 5 % des lichens. Dans de tels cas, il est raisonnable de biopsier ou de faire biopsier, car il peut déjà s'agir d'un cancer.
Il faut, enfin, penser à faire ouvrir la bouche de ces patientes, car les gencives peuvent aussi être l'objet d'un lichen sous forme de zones blanches ou rouges au niveau du collet des dents (forme bifocale) ; ce type de lichen a également des possibilités de dégénérescence.
* Le traitement est élémentaire et très efficace : l'application de corticoïdes qui requiert toutefois quelques principes d'utilisation :
- un corticoïde puissant de type I, comme Dermoval, une application le soir, chaque jour,
- un traitement dégressif : au bout d'un à deux mois, selon l'intensité des lésions, on peut diminuer la fréquence d'application tous les deux jours, puis tous les trois jours,
- ne pas arrêter trop tôt, même quand le prurit a disparu, et il est conseillé de garder une application une fois par semaine trois mois au-delà de la stabilisation clinique,
- la patiente doit reconsulter si le corticoïde n'a pas apporté de mieux-être ; peut-être faudra-t-il compléter l'examen par des biopsies ou revoir le diagnostic.
* La surveillance est nécessaire, « à vie », idéalement, deux fois par an, à cause des risques de cancérisation. Cette surveillance est purement visuelle, bifocale vulve et bouche, et il faut aussi apprendre les patientes à reprendre leur traitement sans tarder en cas de récidive du prurit.
On peut arrêter un traitement, on n'arrêtera jamais la surveillance.
Le carcinome épidermoïde
C'est l'autre diagnostic à ne pas manquer. Celui-ci est évident sur la lésion ulcéreuse ou bourgeonnante que la patiente, un peu âgée, un peu obèse et très peu agile, n'a probablement pas remarqué, mais elle avait un prurit, depuis des mois... peut-être aurait-on pu faire le diagnostic un peu plus tôt.
Le carcinome épidermoïde de la vulve survient toujours sur une dermatose préexistante, dans 60 %, un lichen, dans 30 %, un VIN 3, et, en particulier, une maladie de Bowen, avec toujours le même signe d'appel : le prurit.
La maladie de Bowen est une forme de carcinome épidermoïde intraépithéliale, qui se présente sous forme de plaque leucoplasique ou érythroleucoplasique, bien limitée, dont la parenté avec l'HPV est désormais admise. Il faut se méfier de ce type de lésions authentifiées par biopsie, car, à la différence de la papulose bowenoïde de la femme jeune faite de lésions multifocales grisâtres pigmentées et en relief, il existe, dans 20 à 30 % des cas, un risque de cancérisation. Le caractère limité des anomalies relève parfaitement du traitement chirurgical.
L'idéal est de pouvoir faire le diagnostic lorsque la lésion n'est encore que précancéreuse. La seule chance est d'examiner les patientes de plus de 50 ans, qui se plaignent de prurit.
Quels autres diagnostics évoquer ?
* Une lichénification par grattage, d'origine souvent psychosomatique : la peau vulvaire est épaissie, avec quadrillage et accentuation des plis muqueux ; l'aspect est grisâtre plutôt qu'érythémateux. Les corticoïdes locaux en sont le traitement.
* Un psoriasis, toujours possible, mais rarement isolé ; la forme érythémateuse plus ou moins squameuse est classique, les aspects fissuraires sont possibles, en particulier dans les sillons interlabiaux, le pli fessier ou la fourchette vulvaire.
* La maladie de Paget vulvaire touche des femmes plus âgées ; c'est une forme d'adénocarcinome in situ dont le point de départ pourrait être des glandes sudoripares apocrines. Elle se présente sous forme d'un ou de plusieurs placards arciformes assez bien limités, volontiers érythémateux, mais il peut s'agir d'un aspect squameux leucokératosique, et il faut, d'une manière générale, se méfier des lésions vulvaires étiquetées eczéma ne répondant pas aux traitements corticoïdes, c'est souvent une maladie de Paget. Le point de départ est habituellement la grande lèvre, avec une diffusion ultérieure de voisinage ; il y a parfois des érosions associées. Le diagnostic se fait sur la biopsie.
Il faut dès lors chercher un cancer profond associé qui existe dans 20 % environ des observations, de voisinage ou à distance, simultané ou différé dans l'évolution, touchant la vessie, l'utérus, les ovaires, le côlon, la peau ou le sein. Il est donc logique de recommander une coloscopie, en particulier si la marge anale est concernée par la lésion, une cystoscopie, un frottis du col, une échographie pelvienne et une mammographie.
Le traitement est plutôt chirurgical, mais avec, malheureusement, une fâcheuse propension à la récidive, ce qui explique que, chez les femmes très âgées, il y ait une place pour l'abstention, avec surveillance simple, dans la mesure où il n'a pas été mis en évidence de cancer associé et que la lésion reste relativement stable.
Conclusion
En matière de prurit vulvaire chez la femme de plus de 50 ans, l'important est l'examen ; il y a quelque chose à voir, soit du rouge, soit du blanc, soit les deux, plus ou moins bien limité. Le diagnostic différentiel n'est pas toujours facile, mais, peu importe, en cas de difficulté, la biopsie fera le diagnostic de ce prurit persistant et permettra un plan de traitement adapté... et sans retard.
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