PRATIQUE
La prothèse baromètre
La plupart de ces patients n'ont aucune douleur, ont une mobilité complète, un périmètre de marche illimité et n'utilisent aucun support : pas de canne. Un certain nombre ont des douleurs occasionnelles, surtout météorologiques (quand le temps change, prothèse « baromètre »), et la plupart des patients ont une vie normale pour leur âge. Certains ont une activité sportive de loisirs et quelques-uns voyagent à l'étranger dans des conditions que l'on ne saurait leur recommander.
Deux spectres
Les deux spectres qui planent sur la durée de vie des implants sont le descellement aseptique (la prothèse devient mobile par destruction osseuse macrophagique due à l'usure mécanique et à la libération de particules des couples de frottement) et l'infection tardive : ce sont les deux premières causes d'échec tardif. Lorsque apparaissent des douleurs au voisinage d'un implant jusque-là bien toléré se pose un problème diagnostique et un problème thérapeutique.
Circonstances et caractéristiques
Il faut préciser les circonstances de survenue et les caractéristiques d'apparition :
- douleur subite, ou progressive, spontanée, ou à la suite d'excès inhabituel, importante ou pas, permanente ou non, en rapport ou non avec l'appui, d'horaire « mécanique » diurne ou, au contraire, « inflammatoire », à recrudescence nocturne ;
- les signes généraux, en sachant que les infections tardives sont rarement symptomatiques sur le plan général, et rarement fébriles, en particulier ;
- les signes locaux, douleur à la mobilisation, érythème, en particulier en regard de la cicatrice, et le siège des douleurs : pli inguinal, évocateur, région trochantérienne, cuisse et irradiations au genou. Enfin, la palpation profonde localise les collections possibles et les régions inflammatoires.
Radiographie et bilan inflammatoire
En l'absence de symptomatologie urgente faisant évoquer en particulier une luxation ou un bris d'implant, il faut faire, outre, bien sûr, des clichés (ceux du bassin de face, de la hanche de face et de profil suffisent), un bilan infectieux et inflammatoire : NF, VS, CRP.
La radiographie oriente la première réflexion : morphologie des implants, apparition de liserés clairs ou aggravation de liserés déjà présents aux interfaces entre l'os et la prothèse, la prothèse et le ciment, le ciment et l'os. Enfin, la migration des implants, soit qu'ils se trouvent en position anormale, soit qu'on puisse la quantifier par comparaison avec des clichés précédents. L'apparition ou l'aggravation d'un liseré et la migration font au premier chef évoquer un descellement, aseptique le plus fréquemment, mais possiblement septique et alors déjà ancien. Enfin, la radiographie montre les accidents annexes, par exemple la migration des fils métalliques de trochantérotomie, qui peut être douloureuse.
Bilan inflammatoire perturbé : malgré de très nombreux faux positifs (abcès dentaires, infections ORL évolutives, etc.), il fait d'abord évoquer une infection aiguë, voire un descellement d'origine septique : c'est une urgence.
Ce premier bilan fait, on est au stade d'un premier diagnostic, et on évoque diverses possibilités.
Infection aiguë
Elle peut survenir à tout moment dans la vie d'un implant, parfois hématogène (ORL, dentaire, cutanée, etc.), mais elle est bien souvent d'origine inconnue. Radiographie souvent normale (ou alors l'infection est déjà ancienne et de pronostic réservé) et bilan inflammatoire perturbé, hanche localement normale ou alors empâtée, globalement douloureuse, avec une cicatrice érythémateuse. L'échographie montre les épanchements qui échappent à la radiographie. Le diagnostic est apporté par la ponction en milieu chirurgical. En 2003, c'est le radiologue qui réalise celle-ci sous écran, afin d'être sûr que l'on a bien prélevé au contact de l'implant, et une arthrographie, qui visualisera l'extension et la perméabilité des liserés os-implant, et donc l'étendue des dégâts. Cela se fait en conjonction avec un laboratoire de bactériologie performant. Lorsqu'on a trouvé un épanchement et isolé un germe (et cela peut être singulièrement compliqué par la prise intempestive d'antibiotiques), le traitement sera la plupart du temps chirurgical et urgent : reprise de l'implant avec ou sans ablation, et repose en un ou deux temps.
Descellement aseptique
Signes d'usure (asymétrie du couple de frottement), migration de l'implant, extension des liserés clairs, voire, au pire, « capotage » des pièces... et bilan infectieux et inflammatoire rassurant, pas d'épanchement... Certains implants peuvent se desceller silencieusement, devenir douloureux à l'occasion d'un accident de migration, en particulier de la tige dans le fût fémoral, puis se recaler et redevenir asymptomatiques. S'il n'y a pas d'urgence vraie à reprendre une prothèse descellée, il faut bien se dire que le temps aggrave inexorablement les destructions osseuses, qui conditionnent la difficulté, voire la possibilité, de la reprise. Il faudra donc reprendre, au mieux dans l'année, une prothèse descellée, mais il peut être bien difficile de convaincre un patient, qui n'a des douleurs qu'occasionnellement, de la nécessité d'une nouvelle intervention.
Accidents mécaniques
Si la luxation est aisément diagnostiquée et n'entre pas dans ce cadre, les bris d'implant donnent en général des impotences fonctionnelles aiguës et sont bien visibles sur les radiographies. Il en est ainsi des bris de têtes céramiques, rares, en définitive, mais venus récemment au premier plan de l'actualité. En revanche, on voit encore des fractures de la tige fémorale, et le diagnostic peut en être difficile : il s'agit en général de modèles de tiges anciennes et descellées, on peut voir une fissure horizontale plutôt à mi-hauteur, mais quelquefois seulement une très minime marche d'escalier sur l'implant. Il faut, de toute façon, reprendre la prothèse. Enfin, les tiges fémorales sans ciment peuvent quelquefois migrer et se recaler sans vrai descellement, réveillant alors des douleurs de cuisse qui avaient disparu depuis longtemps.
Pseudarthrose du grand trochanter
Elle est malheureusement fréquente avec les voies d'abord par trochantérotomie : entre 10 et 15 % des cas. La mobilisation de la pseudarthrose ou la migration du grand trochanter peut être occasionnellement cause de douleurs intermittentes.
Conflits locaux
Il existe d'authentiques bursites trochantériennes sur fils métalliques de réinsertion du grand trochanter : elles surviennent en général à la faveur d'une modification de l'activité (longue marche inhabituelle, lors d'un voyage, par exemple) et sont en général régressives. Les infiltrations locales ne sont bien sûr pas indiquées. En outre, il existe des conflits locaux - conflit antérieur dû au frottement du tendon du psoas sur le bord antérieur de la cupule cotyloïdienne, tendinite du moyen fessier, etc., qui surviennent dans les mêmes conditions et ont la même évolution.
Douleurs inexpliquées
Il arrive que des douleurs intermittentes soient spontanément régressives et que le bilan soit totalement rassurant : il s'agit d'un épisode de la vie de l'implant qui ne semble pas obérer le pronostic, mais dont on n'a pas la cause : il faut l'expliquer comme tel au patient, et surveiller, car c'est un diagnostic d'élimination.
La survenue de douleurs sur un implant jusque-là bien toléré fait donc évoquer toute une série de causes, au premier rang desquelles l'infection tardive : il est essentiel de faire des clichés et de les comparer avec les radiographies précédentes, de faire rapidement un bilan inflammatoire dans les circonstances évocatrices. La prise de toute antibiothérapie doit être proscrite dans l'attente du diagnostic bactériologique, car elle peut rendre caduque la recherche du germe. Faut-il prescrire une antibiothérapie lors de soins dentaires chez les porteurs de prothèse totale de hanche ? Il n'y a pas actuellement de consensus, mais un agrément général pour les patients diabétiques, sous corticoïdes ou atteints de maladies systémiques, et lorsque la durée des soins est longue.
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