Par le Pr DIDIER RIETHMULLER (*)
LES PATIENTES traitées pour CIN2-3 bénéficient, dans la plupart des pays développés, d'un suivi cytologique et éventuellement colposcopique régulier pendant au moins deux ans, avec des résultats satisfaisants, mais loin d'être parfaits. La sensibilité du frottis dans le suivi des femmes traitées pour CIN2-3 n'est que de 49 % pour Paraskaivadis (1), ce qui pose le problème des faux négatifs. La colposcopie est recommandée en France concomitamment au FCU (Anaes, 1998) chez ces patientes, alors que cette association n'est pourtant pas supérieure à la seule surveillance cytologique (2). L'analyse des marges d'exérèse, bien qu'intéressante, n'apparaît pas comme un outil suffisamment sensible pour caractériser les femmes à risque. De plus, cette analyse peut être perturbée par la généralisation actuelle de l'électrochirurgie qui brûle les berges d'exérèse.
Or l'infection persistante à papillomavirus humain (HPV) est nécessaire pour induire le processus de transformation qui pourra mener, à terme, à un cancer invasif. La progression lésionnelle ne peut avoir lieu sans HPV à haut risque (HR). La littérature abondante et récente sur l'utilisation du test HPV dans le suivi des patientes après traitement pour CIN2-3, montre que ce test permet de séparer le groupe des femmes à risque élevé (encore infectées) de celui des femmes à risque faible (ayant effectué leur clairance virale) (3).
Les marges d'exérèse.
Le caractère non in sano ne veut donc pas dire obligation de lésion persistante (VPP faible) et justifie pleinement l'option de suivi plutôt que la reprise chirurgicale systématique. Le pourcentage de patientes ayant bénéficié d'un geste de seconde intention oscille dans la littérature autour de 10 %. Dans une série personnelle en cours de publication, un tiers des situations résiduelles ou des récidives ont été diagnostiquées chez des patientes ayant une résection considérée comme insano, ce qui montre que des marges notifiées comme saines ne doit pas exclure un suivi de qualité (4). Le délai moyen d'apparition des récidives est de 21,6 mois. La majorité des lésions résiduelles ou des récidives sont diagnostiquées dans les deux premières années qui suivent le traitement d'un CIN2-3.
Plusieurs auteurs estiment qu'une exérèse en zone non saine était un facteur de pronostic péjoratif, de par la persistance supposée de lésions intra-épithéliales. Cependant, Bretelle en 2000 concluait qu'il ne persistait pas systématiquement de lésions chez les patientes traitées par conisation pour des CIN2-3 présentant des marges non saines (5). Dans notre série, moins de 12 % des résections noninsano ont présenté une lésion résiduelle ou une récidive (4).
Au vu des résultats de la littérature, de la faible valeur prédictive positive et de la mauvaise sensibilité de la positivité des marges histologiques, on est en droit de se demander si l'intégration de ce critère dans la stratégie de suivi doit encore être retenue.
Le FCU et la colposcopie.
Selon l'Anaes, les modalités de surveillance post-thérapeutique des lésions CIN2-3 doivent tenir compte de la sensibilité imparfaite du frottis, de la colposcopie postopératoire, et du risque d'abandon de la surveillance (qui augmente avec le recul postopératoire, passant de 7-11 % à six mois à plus de 20 % après deux ans). Le suivi des patientes repose donc aujourd'hui sur l'examen cytologique. Or le FCU est reconnu comme étant peu sensible (1). Le frottis en phase liquide améliorerait la qualité d'interprétation des FCU et donc sa sensibilité. Pour pallier ce manque de sensibilité, l'Anaes recommande la répétition des examens, et l'association à la colposcopie. Pourtant, selon Baldauf (2), l'association frottis-colposcopie ne fait pas mieux que l'examen cytologique seul.
Le manque de sensibilité du FCU aboutit à des faux négatifs qui feront le lit d'un éventuel carcinome invasif, en particulier chez les perdues faussement rassurées par un frottis supposé normal. Or le risque relatif pour une femme de développer un carcinome invasif du col utérin après traitement pour CIN2-3 est de 5 (6). D'où la nécessité de rechercher des facteurs pronostiques pour pouvoir dépister les lésions résiduelles et récidives.
Rechercher le HPV.
Le portage persistant d'HPV est nécessaire pour l'apparition et l'évolution des lésions prénéoplasiques du col utérin (7). La clairance virale est un élément important à prendre en compte et l'élimination du virus précède la guérison histologique des lésions viro-induites, ce qui permettrait d'expliquer que certaines Hgsil (High grade intraepithelial lesion) soient viro-négatives.
La clairance virale HPV postconisation est la situation la plus fréquente, puisque la littérature retrouve une positivité moyenne après traitement de seulement 28 % (presque 3 femmes sur 4 négativent leur test HPV en trois-six mois). Paraskevaidis dans sa revue de la littérature en 2004 (8) retrouvait 84,2 % de tests négatifs au premier contrôle postopératoire chez les patientes avec des marges de résection saines. Cela permet, en cas de négativation virale à cytologie normale, de remettre au moins 2 femmes sur 3 rapidement dans un suivi de routine et d'éviter un suivi annuel prolongé (gain économique important).
Le test viral, parfaitement reproductible et sensible, doit être considéré comme un élément pronostique important. La sensibilité du test viral est excellente et lorsqu'il est associé à la cytologie, cette sensibilité dans le dépistage des lésions résiduelles ou récidives devient proche de 100 % (8).
Selon Zielinski (9) en 2004, l'association test viral et FCU donne de bien meilleurs résultats que les combinaisons test viral et marges d'exérèse ou FCU et marges d'exérèse. De plus, l'association d'un FCU normal et d'un test viral négatif arrive à une valeur prédictive négative (VPN) de près de 100 %.
On peut considérer qu'une femme dont le contrôle cytologique est normal et le test viral négatif à trois-six mois, peut revenir à un mode de suivi de routine.
Certains estiment que les patientes traitées pour CIN2-3 sont à risque de recontamination et exigent donc un second test viral négatif avant de remettre ces patientes dans un suivi de routine (triennal). Cette attitude nous paraît relever de la sagesse, d'autant plus qu'un suivi spécifique des deux premières années permet de diagnostiquer plus de 90 % des récidives.
Proposition d'arbre de surveillance.
Compte tenu de l'analyse de la littérature, nous proposons un arbre décisionnel afin de trier les patientes selon leur risque de récidive ou de récurrence. Les patientes HPV négatives à cytologie normale (> 70 % des cas) retournent rapidement dans un suivi de routine. Les patientes HPV positives et/ou à cytologie anormale (< 30 % des patientes) sont plus étroitement suivies. Ce suivi augmente la sensibilité du dépistage et améliore le dépistage des récidives vraies en diagnostiquant le portage persistant en HPV. Il ne tient pas compte des marges d'exérèse dont l'analyse est parfois difficile. Les résections doivent être de plus en plus économes afin de préserver la fertilité et de diminuer les risques obstétricaux des patientes traitées pour CIN2-3, d'où des situations considérées apriori comme non insano, plus fréquentes et la nécessité de l'optimisation du suivi post-thérapeutique.
(*) Service de gynécologie-obstétrique, CHU Saint-Jacques, Besançon.
(1) « Obstet Gynecol » 2001 ; 98 : 833-6.
(2) Baldauf JJ et coll. « Obstet Gynecol » 1998 ; 92 : 124-30.
(3) Verguts J et coll. « Bjog » 2006 ; 113 : 1303-7.
(4) Riethmuller D et coll. « J Gynecol Obstet Biol Reprod 2007 in press ».
(5) « Ann Chir » 2000 ; 125 : 444-9.
(6) Soutter WP et coll. « Lancet » 1997 ; 349 : 978-80.
(7) Cecchini S et coll. « Tumori » 2004 ; 90 : 225-8.
(8) Paraskevaidis E et coll. « Cancer Treat Rev » 2004 ; 30 : 205-11.
(9) Zielinski GD et coll. « Obstet Gynecol Surv » 2004 ; 59 : 543-53.
Proposition d'algorithme de surveillance post-thérapeutique après résection pour CIN2-3
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